Ainsi que l’avaient prévus la totalité des individus conscients des réalités et immunisés contre les espoirs irrationnels, la situation de notre pays a continué à se dégrader ces deux dernières années. Le changement de gouvernement ne s’est pas accompagné d’un changement de politique significatif, en tout cas pas de la mise en place d’une politique qui pourrait avoir la plus petite chance d’avoir des résultats positifs.
Ce qui avait lamentablement échoué pendant 10 ans a continué d’échouer tout aussi lamentablement ces deux dernières années, et il était parfaitement inutile d’avoir un master d’économie pour le prévoir.

Jusqu’à l’arrivée de Sarkozy, on avait droit à la casse sociale et à la casse du service public, mais chômage et déficits étaient à peu près maîtrisés. Depuis Sarkozy, on a droit à la casse sociale + casse du service public + explosion du chômage + baisse des salaires + explosion des déficits. Côté société, tout dérape également : éducation de plus en plus lamentable, les hôpitaux qui partent en ruine, les tribunaux débordés, les prisons surpeuplées, politique étrangère déplorable. Bref, il n’y a à peu près rien qui va, on se fait déborder sur tous les fronts. L’arrivée de Hollande n’a rien arrangé, on ne peut pas dire qu’il est pire que celui d’avant parce que c’était impossible de faire pire.

Au milieu de cette tempête, la priorité absolue de nos dirigeants reste spectaculairement constante : gaver les actionnaires. C’est assez incroyable : tout fout le camp, tout s’effondre, mais la priorité reste la même. Même si on apprenait ce soir que la terre allait exploser demain, ils chercheraient quand même à augmenter encore les dividendes.
Pour augmenter les dividendes, il faut des cadeaux fiscaux, d’où cette histoire des 30 ou 50 milliards, on n’est pas à 20 milliards près. Enfin, nous si, parce qu’on va devoir les payer, mais les actionnaires qui vont nous les voler, eux, ne sont pas à ça près.
Si on creuse encore les déficits, on augmente encore l’endettement, au delà de la barre des 100% du PIB. On ne peut pas faire cela indéfiniment, on risquerait tôt où tard une nouvelle crise systémique. Il n’y a donc pas à tortiller : il faut tondre encore la populace, ce qui tombe bien, car elle reste incroyablement calme. On lui a déjà volé 5 points de PIB depuis la crise, volons lui en encore 1 ou 2 points, on verra bien ce qui se passe. Si les grouillots descendent dans la rue, il sera toujours temps de reculer un peu pour les calmer. Sinon, on essaiera encore une autre attaque. Si vous écoutez bien Valls, mercredi, sur France 2, c’est à peu près le discours : les Français ont déjà fait beaucoup d’efforts, il faut qu’ils en fassent encore, et les retraités qui ne pourront plus manger, je comprends bien, mais je m’en fous.

Pour trouver ces 50 milliards, on va donc tondre un peu les Français. Les malades, d’abord. Déremboursement d’un certain nombre de médicaments, ce qui veut dire que les mutuelles vont augmenter et que ceux qui n’en ont pas ne pourront pas se soigner. Ce n’est pas plus mal : ces gens malades sont improductifs, sont inutiles pour le grand capital. Si ils pouvaient crever…
Deuxième cible : les retraités. Là, ils ont commis une erreur. Jusqu’à maintenant, les retraités avaient été relativement épargnés. On leur avait balancé des discours comme quoi on avait besoin d’eux pour consommer, blablabla. Une belle ânerie : les actifs peuvent consommer tous seuls, pas besoin de vieux pour ça. Là, fini la planque, les retraités vont morfler comme les autres. A court terme, je pense aux petites retraites qui vont se retrouver dans une situation encore plus difficile. A long terme, ce n’est pas plus mal que les retraités soient attaqués eux aussi. Jusqu’à maintenant, on les avait ménagé et ils avaient majoritairement pris le parti des bourgeois. Là, ils vont peut-être changer d’avis.

Pour noyer le poisson, la stratégie est toujours la même : taper sur des boucs émissaires. Comme on a bien bastonné les roms ces derniers temps et comme il va être difficile de faire avaler même au plus grand des lepénistes que les noirs et les arabes ont quelque chose à voir avec les 50 milliards, on va cogner les fonctionnaires, ça fait oublier tout le reste ! C’est pour nous l’occasion d’en venir à notre sujet, et de nous demander pourquoi ces incroyables privilèges dont jouit cette caste scandaleusement privilégiée n’attire pas davantage les jeunes.

Très curieusement, ça ne se bouscule pas au portillon pour entrer dans la fonction publique. Étonnant, compte tenu des privilèges incroyables auxquels donne accès ce statut de fonctionnaire. Étant donné que les jeunes, cette horrible génération Y, fainéante et exigeante, ne pense qu’à ne rien faire et à claquer du fric, on devrait voir des foules devant les bureaux de recrutement de l’état, on devrait même avoir des émeutes au moment des concours d’entrée. Pour le CAPES, qui donne accès à ce métier royal qu’est celui d’enseignant, avec ses quatre mois de congés par an, les gens devraient s’entre-tuer !
Au lieu de celà, on manque de profs de math : plus de places de titulaires que de candidats !
Sans toujours aller jusque dans ces cas extrêmes de pénurie chronique, rares sont les concours de la fonction publique à être inaccessibles. Pareil du côté de la fonction publique territoriale. Chez moi, le ramassage des ordures est réalisé par la communauté d’agglomération (territoriale) et les gars m’ont dit que la maison embauchait et que, sans parler de pénurie, les candidats ne se bousculaient pas. Pourtant, pas besoin de diplôme.

La SNCF, considérée comme quasi-fonction publique, est étonnamment facile d’accès. Vous voulez entrer comme cheminot, vous y arrivez sans problème. Étonnant pour un métier aussi royal où on ne fait rien de la journée, où on gagne des fortunes avec des avantages phénoménaux en plus.

Le pompon revient à la fonction publique hospitalière. Les professionnels de santé sont d’abord fonctionnaires, mais ils se barrent pour passer dans le privé ou en profession libérale. Il faut quand même être fou pour quitter cette vie de privilèges pour aller dans cet enfer qu’est le privé.

Je serais curieux de savoir comment les grands esprits qui parlent sans arrêt des privilèges des fonctionnaires expliquent cette situation. Je veux bien savoir comment ils résolvent ce paradoxe entre le fait d’avoir une caste ultra-privilégiée mais que peu de gens, finalement, tentent de rejoindre.
Explication 1 : les gens sont passionnés par leur métier, ils vont dans le privé pour pouvoir l’exercer (il n’existe pas forcément dans le public) ou alors parce qu’il préfère l’ambiance du privé. Cela peut expliquer quelques choix individuels, mais pas l’absence d’affluence vers les postes du public.
Explication 2 : les gens ne veulent pas glander, ils veulent travailler dur par amour de leur pays, de leur entreprise, et de leur patron qui mérite bien que l’on se tue à la tâche pour lui payer son 4X4. Laissez-moi rire.
Explication 3 et seule explication qui tienne la route : être fonctionnaire n’est pas si intéressant que l’on voudrait nous faire croire. La légende selon laquelle on y glanderait toute la journée n’est qu’un mythe entretenu par le patronat, comme toujours pour diviser le salariat. Bien sûr, la fonction publique est une grosse entité, il y a quelques personnes très privilégiés (préfets, ambassadeurs…), il y a quelques planques… comme il y en a dans le privé, si l’on a la curiosité pour les chercher.

Dans mon ancienne boîte, il y avait un gars de la maintenance, qui n’avait qu’un CAP, il n’était pas monté ni rien, il faisait le même boulot que quand il est entré et il se faisait 2200€ nets par mois, la même chose que moi avec mon diplôme d’ingénieur. Tant mieux pour lui, il n’est pas plus privilégié, loin s’en faut, qu’un patron à 500000€/mois. Ce que je veux dire, c’est que c’est un salaire bien au-dessus de ce que l’on trouve habituellement pour ce type de poste.

Professeur, le bon plan ? Pourquoi il n’y a pas de profs de math alors ?
C’est le bon plan pour qui a fait un master de peinture. Là, effectivement, à part prof d’arts plastiques…
Mais pour qui a un BAC+5 dans le scientifique, il y a bien mieux à faire. Vous passez le CAPES, vous allez être bombardé prof de math dans une ZEP, 1600€ nets par mois. 18 heures de cours par semaines, oui, mais avec des copies à corriger et des cours à préparer. Certes un peu plus de vacances, mais, vu le salaire, j’aurais plus envie de comparer cela à des congés sans solde forcés qu’à des jours de congés offerts.
Avec la même qualification, j’ai commencé à 2200€ nets. 600€ de moins à la fin de chaque mois, soit 7200€ sur une année pour 3 mois travaillés en mois, ça ne m’intéresse pas, mais alors vraiment pas.
Les avantages ? Quand vous êtes prof, quedal. Même pas les tickets restaus, le CE, même pas en rêve.

Dès que l’on regarde un peu dans le détail, c’est-à-dire au delà du slogan "fonctionnaires, tous fainéants", on se rend vite compte que le slogan relève d’un mythe. Pour tenter de faire tenir le mythe, certains comparent l’incomparable : toujours dans mon ancienne boîte, mon n+3 a comparé son salaire avec celui d’un prfesseur agrégé. Ce crétin avait fait une école d’ingénieurs privée merdique pour idiot qui veut acheter un diplôme et il compare ça avec le concours de l’agrégation qui est tout de même d’un certain niveau. On peut aussi comparer un ingénieur de la fonction publique et un balayeur du privé pour dire que le salaire des fonctionnaires est scandaleusement élevé… Mais bon, pour la suite de l’article, on va essayer de dire des choses qui tiennent la route.

Vous n’êtes toujours pas convaincu ?
Essayez de trouver un poste dans la fonction publique qui corresponde à votre qualification. Et ensuite, demandez-vous si la place est toujours aussi royale par rapport à celle qui est la vôtre en ce moment. Si la réponse est oui, qu’attendez-vous ?

Ne nous y trompons pas : si tous ceux qui jacassent comme des dindons qu’ils en ont assez des fonctionnaires qui leur coûtent cher étaient vraiment persuadés de ce qu’ils avancent, ils y seraient déjà, dans la fonction publique !