Encore les génies du marketigne et du merchandisigne…

Une fois de plus, et malgré ma relative résistance aux assauts des vépécistes de tout poil, je me retrouve ce jour avec deux courriers et un colis qui témoignent de la volonté des sociétés expéditrices de prendre les prospects pour des cons et de les escroquer aux termes du bon vieil article 405 de l’ancien CP, toujours en vigueur, sauf erreur. Mais tout le monde s’en fout.

Cette fois, je vais mettre les pieds dans le plat (en l’occurrence une assiette au beurre). Il est un groupe géant, qui naquit jadis dans le doux cocon d’un textile réchauffant et la saine rigueur de redoutables sous-vêtements de contention féminins, rose saumon dans la meilleure période, avec plein de baleines, de crochets, de lacets et de larges et robustes jarretelles qu’on aurait dit prévues pour le remorquage des Manitou ™ tombés dans un fossé et ça pèse lourd, ces machins.

L’enseigne en question qui, un temps, diffusait ses créations par correspondance (avec BAD dans la presse féminine, ce qui permit assez vite la constitution d’un fichier clientes) et dans divers magasins répartis sur l’ensemble du territoire a connu une expansion rapide, liée à l’époque à l’existence d’un authentique désert français qui devait couvrir les trois quarts du territoire.

Du coup, les ingénieux responsables de la chose ont envisagé la distribution d’un gros catalogue, rempli non seulement de vêtements, de lingerie, de chaussettes, de bas, de collants, de pantoufles, de chaussures, voire de godillots, mais aussi, mais encore de quantité d’objets, de trucs et de machins. A une époque, dans les débuts de l’informatique personnelle, ces gens offraient même au désir de leur clientèle, des micro-ordinateurs, à côté des téloches, des chaînes Hi-Fi et des premiers claviers numériques, genre Bontempi (comme le nom l’indique ! Bon ! Tant pis…)

Conscients malgré tout qu’il fallait cesser d’éditer un énorme catalogue généraliste, coûteux et à côté de la plaque pour une part non négligeable de la clientèle potentielle, les astucieux du début, qui avaient, avec le temps, cédé leur place à des redoutables, vomis par nos grandes écoles de commerce (HEC, ESSEC et autres) et chapeautés d’un superbe MBA de Harvard), ces astucieux, donc, ont décidé de se diversifier. A chaque couche socio-culturelle et socio-économique, son catalogue. Y en a même un réservé au quatrième âge, aux faiblards de la vessie (tous sexes confondus : culottes anti-fuites, voire anti-cacas, baignoires à ouverture latérale et autres ingrédients propres à préparer la mise en bière).

L’examen des résultats comptables, pourtant dopés par le recours judicieux aux travailleurs de lointains pays, à salaire et avantages sociaux voisins de zéro (pendant qu’ils bossent, puis se reproduisent, le coup du café du pauvre, ils oublient de faire la révolution. Marx avait prévu la chose. Il parlait, ce méprisant, de Lumpenproletariat), montra d’évidence qu’il fallait trouver autre chose.

On brainstorma à tout va. Et on imagina de recourir au plus antique des hameçons à couillons : la cupidité. Certes, au début de la mutation, il existait encore des lois qui interdisaient la vente à prime, sauf si le montant de la prime demeurait inférieur à un pourcentage ridicule des objets vendus.

Mais les temps changeaient, grâce en particulier à la complicité active des pouvoirs publics, à l’époque grands copains sinon des Vépécistes mais au moins des énormes capitalistes qui en tiraient les ficelles. Les noms ? N’importe quel journal économique vous les donnera, avec, en prime, le montant de leurs impôts, quand ils en payaient. Il paraît qu’avec le nouveau Président tout cela va changer. Acceptons-en l’augure, en croisant les doigts.

Dès lors, on n’hésita plus, non à promettre des vistemboirs dorés à l’or fin, mais des sous, des vrais, sonnants et trébuchants (on voit que j’ai des lettres et que je songe aux écus de la boulangère, j’ai pas parlé, car ce serait sexiste, du cul de la crêmière. Et pourtant, en lisant la « littérature » des concepteurs de ces pièges à cons, on se prend, je me prends, à penser à la célèbre plaisanterie sur « le beurre, l’argent du beurre etc… » (je l’ai pas dit. Malin, le vieux! Je veux pas me faire escrabouiller par un Manitou piloté par une crêmière féministe et capitaliste. Non mais!).

Les choses allèrent en s’accélérant. Au début, les malins écrivaient qu’il s’agissait d’un jeu soumis à aléas et sans obligation d’achat. Les résultats, étudiés dans les documents de la société mère étaient décevants. Non, c’est pas confidentiel. Cela se trouve partout dans la presse spécialisée. Évidemment c’est moins sexy que Voici mais nettement plus instructif. Voici aime à causer des frasques sexuelles de DSK. Moi pas. Cela ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse en revanche, c’est la zone industrielle ou d’activités, je ne sais plus trop comment s’appelle ce vaste espace gagné sur les vaches et les betteraves, qui constitue le principal agrément de Sarcelles dont M. Strauss-Kahn fut longtemps député-maire. Car cette zone était, jadis et naguère, un endroit où grouillaient les entreprises de vente par correspondance. Depuis, Villepinte l’a dépassé (à cause de la proximité des autoroutes internationales, du parc des expositions et, bien entendu, de Roissy). Bref, tout membre du PS (tendance rose pâlichon, à droite de Merkel, pourtant CDU) qu’il était, DSK semble n’avoir eu que des tendresses (en tout bien tout honneur) pour les rois de la médaille de collection, ou de l’oiseau en porcelaine de Havilland. Mais foin de ces basses médisances et revenons au présent.

Le con (tous sexes confondus) ne mordant pas assez vite, les génies de l’e-commerce (oui, ils s’y étaient mis, sans trop y croire, en quoi ils avaient tort : les cours (sic) qui permettent aux gens des derniers âges de la vie d’apprendre à se servir d’une souris (tu vises, tu cliques, et, paf, ça y est) sont abondamment dispensés dans nos villages, parfois même gratuitement (y a des héros partout). S’ils cliquent, ils l’ont dans l’os et clac) ont imaginé des pièges de plus en plus grossiers. Allez, Mâme Machin, vous êtes UNE DE NOS TROIS GAGNANTES CERTIFIÉES de votre département, ou de votre région. C’EST SÛR. Si vous répondez dans les dix (ou vingt ou n’importe quoi) jours, vous allez recevoir par retour et en recommandé un chèque de, mettons, UN MILLION de centimesD’EUROS – ils font la faute, mais bon, on ne va pas leur demander l’impossible.

C’est pas tout, ces gens font pire ou mieux (tout dépend du point de vue) : la notice, illisible pour des gens n’ayant pas une extraordinaire acuité visuelle, précise que les résultats, tenus secrets par l’étude d’huissiers (une SCP, bien entendu) qui a procédé au tirage (quand il s’agit d’un tirage et non d’une attribution en fonction du volume d’achats effectués par la (ou le) concurrent(e) depuis, par exemple le onze fructose an III), ne seront divulgués qu’à la clôture du jeu, fixée généralement bien après la date proposée, par défaut, aux candidat(e)s aux chèques.

Arrivé à ce point, et conscient d’avoir sacrément bien gagné mon euro, je dois encore ajouter deux détails. Ces derniers jours, j’avais reçu deux mailings (pour piéger ces gens, j’utilise les coordonnées de mon épouse qui a fini, elle aussi, par mesurer l’étendue de l’arnaque) rigoureusement identiques, au numéro de client près (faut connaître le sérail et ses détours. C’est mon cas). Donc la bafouille d’accompagnement, rédigée dans l’incroyable sabir qui remplace peu à peu le français (comptons sur le nouveau ministre de, j’allais dire, l’Instruction publique pour, j’espère, interdire désormais qu’on « renseigne les champs »), expliquait à sa lectrice supposée qu’elle était la seule et l’unique à disposer des trois numéros gagnants (comment pouvaient-ils être connus, trois mois avant leur divulgation officielle par les huissiers?). Bien, mettons. L’autre mailing, adressé à une cliente autrement numérotée (le numéro de client remplace toutes les pièces d’identité) reproduit, comme c’est curieux, exactement les mêmes numéros. Que faut-il en penser ? Vous imaginez bien que je n’en pense rien. Je ne suis pas là pour cela !

Reste l’ultime arnaque, infiniment méprisable, s’agissant d’offres s’adressant à des gens peu argentés (si tu veux pas d’une Kelton, achète-toi donc une Patek Philip ou une Longines, Rolex faisant un peu trop nouveau riche, comme la Bugatti Veyron). Voici, outre l’alléchant catalogue, et la promesse du chèque, un cadeau extraordinaire réservé à la totalité des clientèles qui commanderont un article quelconque, dès lors que son prix dépasse X euro (moi, je fais pas la faute). Un carton séparé explique qu’il s’agit d’un colis comprenant des dizaines (voire des douzaines, on n’est pas à cela près, du côté de la frontière belge) de douceurs et des plus relevées : truffes en chocolat, confitures bio, miel de nos industrieuses abeilles, vieil alcool, vin d’AOC, gâteaux, foie gras de chez le canard et l’oie réunis, etc…

Nous avons donc, mon épouse et moi même, investi une somme certaine dans l’achat, hors de prix, d’un petit truc valant deux sous, plus les frais de livraison, de transport, d’emballage et, le cœur battant, nous avons attendu notre CADEAU. Il est arrivé ce matin. Dans un beau conditionnement cartonné, au milieu de petits machins en plastique vert, se trouvaient, j’énumère mais ce ne sera pas long, huit truffes au chocolat, médiocres, un paquet de spéculos, vagues biscuits belges, sans doute apparenté aux spéculums, vu l’usage d’iceux, un morceau de nougat, et, the last but not the least, une demi-boutanche d’un incertain vin de pays des côteaux de Gascogne, embouteillé dans une usine à picrate de l’Hérault. Je crois que je vais l’utiliser pour nettoyer l’évier de la cuisine: il me rappelle, à vue de nez et de palais, le vin de la cantine du CHU Rangueil de Toulouse. Le merveilleux Professeur Plante, qui me sauva la vie l’an passé, m’avait prévenu en me signant mon bon de pinard : « Buvez pas la saleté de la cantine. Allez vous acheter une deme de Bordeaux de la cafetaria. Il est trop cher, c’est pas un Château Petrus, mais il est buvable et ne fera pas de trous supplémentaires dans vos intérieurs ». Ah le cher homme, à qui je dois de pouvoir vous écrire !

Un dernier mot : nous avons décidé, ma femme et moi, de retourner désormais à leurs envoyeurs, sans les affranchir, les enveloppes publicitaires de tous les vépécistes de France, de Hollande (non pas lui, je veux dire les Pays Bas), de Belgique et parfois d’ailleurs. Je suggère à tous ceux qui me lisent d’en faire autant. J’imagine le mécontentement du personnel de la Poste (et les engorgements dans les boîtes jaunes).

Lisez, les copains, et faites circuler.

FL

3 réflexions sur « Encore les génies du marketigne et du merchandisigne… »

  1. [b]UN MILLION de centimes D’EUROS divisés par le nombre de gagnants (10 000 par exemple), ça fait ?[/b]
    [b]nota: on dit marketinge et merchandisinge mais ce n’est pas grave, le 2 zortografs sont admises [/b] 😀 ;D 🙂 😉

  2. réponse à Zélectron (joli pseudo, soit dit en passant):

    On ignore bien sûr le nombre de gagnants. Ce que je sais, en revanche, c’est que le numéro de client, qui comporte en gros à peu près autant de chiffres qu’un numéro de téléphone permet de constituer une énorme base de données, avec davantage d’entrées qu’il n’y a d’habitants dans ce pays. En outre, je soupçonne les marchands en question de croiser leurs fichiers avec ceux, en principe, privés de la sécu et/ou des diverses caisses de retraites, voire des Impôts mais là je m’avance sur un terrain mouvant et n’affirme rien. Ce qui leur permet de connaître l’âge et l’état des finances des couillons de payants. Une preuve ? L’un des appendices vépécistes du monstre dont je parlais s’appelle, mettons, « De l’habit » – les connaisseurs rectifieront. Ces gens ont manifestement pris connaissance de notre âge (nous n’avons jamais indiqué nos dates de naissance), et de nos états (assez lamentables) de santé. Du coup, et sans avoir rien demandé, nous recevons depuis quelques mois le catalogue « De l’habit », qui nous propose sans rire, des soutifs pour prothèse mammaire (mon épouse n’en a pas besoin vu le merveilleux travail de son chirurgien plasticien. Son sein disparu sous le scalpel a été remplacé par un morceau de son grand dorsal (autogreffe, y a pas de rejets). Pour ma part, vu que mon dossier fait état de mes diverses opérations de l’an dernier, X ou Y s’est fendu d’une lettre m’avisant charitablement de tous les malheurs qui attendent, en principe, les victimes d’intervention mutilante sur la prostate (ce qui m’a été évité par un génie de la chirurgie :je suis toujours sexuellement fonctionnel et ne suis pas énurésique.

    Mais tout cela est énervant. A partir de dorénavant, c’est dit, on retourne tous ces mailings (ou publi-postages), sans les affranchir, à leurs expéditeurs.

    Au fait, quelqu’un ici a lu les dernières conneries de La Redoute à propos d’un ordinateur portable affiché à 100 €n alors que son prix officiel était quatre à cinq fois plus élevé ?

    La réaction du vépéciste est pour le moins ambiguë. Affaire à suivre.

    FL

  3. [b]Ohhhh

    J’ai trouvé plus bavard que moi.
    je suis allée jusqu’au bout (je le jure), mais mes yeux auraient aimé quelques interlignes.

    Par contre le style…me rappelle de beaux jours (j’adore, Monsieur Lourbet)

    Quant à l’aventure du vépécé (trop drôle), il y a belle lurette que je mets tous ces prospectus, emmaillotés dans du cellophane directement dans le sac de mon époux, qui allume sa chaudière tous les matins avec.

    Rien de perdu, mais que de gaspillage.

    SOPHY [/b]

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