La demoiselle est artiste-peintre et bien évidemment, elle fréquente assidûment les galeries et autres expositions artistiques. A 30 ans, c’est une habituée des lieux culturels et elle décide de se rendre à Avignon, pour admirer des œuvres d’un peintre américain qu’elle adore : Cy Twombly .
Submergée par l’émotion, la jeune femme décide de poser devant une toile entièrement blanche, ces fameuses toiles que seuls les artistes connus peuvent laisser vierges tout en les présentant comme des chefs-d’œuvre. On imagine qu’à cet instant, elle est en communion avec Twombly et instinctivement, elle décide de « terminer » cette œuvre qu’elle considère comme incomplète.
Elle s’approche alors de la toile d’une blancheur virginale et y dépose un délicat baiser. L’œuvre n’est désormais plus immaculée, mais présente l’empreinte des lèvres de la jeune artiste. Elle vient de « taguer » Twombly au rouge à lèvres !
Résultat ? La police est venue cueillir notre indélicate admiratrice pour la mettre en garde à vue et lui signifier sa convocation au tribunal correctionnel d’Avignon le 16 Août !
On peut se demander ce que le juge décidera face à cette bise délictueuse…
N’importe quoi ! Elle n’est pas été « mise en prison », elle a été placé en garde à vue avant d’être relâchée avec une citation à comparaître. Et encore heureux ! Dégradation de tableau, vous croyez qu’on pouvait la laisser partir comme ça ? Si tout le monde faisait pareil, on pourrait fermer les musées ! On peut penser ce qu’on veut de la « valeur artistique » du tableau, mais c’est du vandalisme, un point c’est tout. Peu importe que ce soit une toile blanche ou la joconde, ce geste est stupide et inacceptable !
définition du vandalisme etc…
Acte troublant à plus d’un titre, tant il interroge la frontière qui sépare le monde des hommes du monde des dieux ou, si l’on veut parler en termes kantiens, ce qui relève du déterminable de ce qui n’en relève pas.
Le Larousse dit du vandalisme qu’il s’agit d' »un état d’esprit qui consiste à détruire ou mutiler les belles choses et en particulier les oeuvres d’art ». Or rien dans les déclarations de l’artiste ne laisse entrevoir le projet de détériorer, bien au contraire. Il y a dans le geste de Rindy la gratuité d’un acte pris dans toute sa pureté : ni préméditation ni mise en scène médiatique, le seul témoignage demeurant les bandes de vidéosurveillance, dont il conviendra de déterminer par la suite leur statut : pièces à conviction ou oeuvres d’art ?
D’autre part, si l’on reste dans le monde des hommes, dans quel monde une trace de rouge à lèvres sur une toile blanche mérite-t-elle une comparution devant les tribunaux ? S’agit-il d’une maladresse, soit ! Alors un coup de lait démaquillant réparera la bévue. Mais la toile est estimée à 2 millions d’euros, soixante ans de salaire d’un professeur d’université. Il y a ici un rapport dissymétrique qu’il convient d’interroger et peut-être de corriger.
D’un côté, la légitimité affichée par la galerie et l’institution en général qu’une toile blanche puisse prétendre non seulement à accéder au statut d’oeuvre d’art mais aussi à une valeur marchande importante. De l’autre, la non-légitimité à traduire par un acte artistique (un baiser sur une toile) une puissante émotion. Assimiler un bisou, un acte d’une infinie tendresse, à du vandalisme peut constituer un dangereux précédent où l’on verrait l’art marchand officialiser sa haine de l’amour. A ce stade, il semble que le destin du geste artistique de Rindy soit lié à celui du geste artistique de Twombly (la toile blanche). La légitimité de l’un justifiant la légitimité de l’autre.
En effet, si le geste artistique de Twombly (la toile blanche) est légitime, le geste de Rindy est également légitime. Et si le geste de Rindy n’est pas légitime, alors la toile de Twombly perd également sa légitimité. Mais Twombly est un grand artiste, capable par ses oeuvres de produire de puissantes émotions. Et c’est parce que Twombly est un grand artiste que le geste artistique de Rindy est légitime. Mais pour comprendre pourquoi Twombly est un grand artiste, il faut quitter le monde des hommes et nous immerger dans le monde des dieux, autrement dit abandonner le monde de la détermination conceptuelle pour entrer dans celui de l’indétermination et de la finalité sans fin.
Twombly est le représentant d’un art en train de se faire, pas encore momifié, pas encore muséifié : l’art en mouvement, l’art comme expression de la vie. Imprégnée par l’impressionnisme abstrait, l’oeuvre de Twombly traduit la vitalité intérieure de l’artiste. La toile blanche prend son sens dans un ensemble qui traduit cette quête de l’intériorité. Peu après son geste, Rindy a évoqué comment les oeuvres de Twombly « redonnaient de la consistance ontologique à son être ». Derrière cette phrase énigmatique, il convient de saisir ce que fut le parcours artistique de Rindy afin de comprendre pourquoi ce geste d’amour parachève la toile de Twombly.
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Même si l’on n’aime pas la toile, il faut avouer que c’est une dégradation.
Même s’il est ridicule d’exposer une toile blanche (à mon avis)