En finir avec le clivage « angéliques vs sécuritaires »

Le "Printemps des libertés" organisé par le PS au Zénith a été un semi-échec. De quoi s'interroger sur les rapports entre la gauche et la sécurité, surtout après les propos assez décourageants de Manuel Valls ou Malek Boutih, qui ont laissé entendre que le PS retombait dans l'angélisme sur cette question, par "antisarkozysme obsessionnel".

Avant de parler d'antisarkozysme, il faut en revenir à un constat simple : en matière de sécurité, l'action de l'ex-ministre de l'intérieur devenu Prince-Président est un échec. Les commissariats sont soumis à la pression du chiffre, qui incite à multiplier les constats de petits délits, plutôt qu'à engager des enquêtes longues afin de démanteler des réseaux, des filières. Grâce en partie à l'amélioration technique des systèmes de sécurité, les vols et les "atteintes aux biens" diminuent. En revanche, les violence contre les personnes (agressions physiques notamment) continuent de progresser. Autre exemple : il n'y jamais eu autant de voiture brûlées quotidiennement que sous Sarko ! Enfin, des tendances récentes font état d'une explosion du nombre de braquages des petits commerces. Que dirait-on si la gauche était au pouvoir !

La gauche ne doit pas nier le problème de l'insécurité, qui touche les plus vulnérables de nos concitoyens, pas plus qu'elle ne doit faire de la surenchère ou du suivisme par rapport à Sarkozy.

Il faut défendre l'expansion de la "police de proximité", détruite par Sarko, et à laquelle son gouvernement revient aujourd'hui dans certains des quartiers les plus difficiles. A l'époque de Jospin, une partie de l'augmentation des chiffres de la délinquance provenait de cette police de proximité, car elle enregistrait une multitude de petits faits auparavant passés sous silence. Mais cette présence quotidienne de policiers qui connaissent le terrain, nouent des liens avec les habitants et gagnent leur respect, apparaît indispensable. Des policiers expérimentés doivent par ailleurs exercer dans les zones les plus difficiles, afin de ne pas laisser les plus jeunes recrues se faire "dévorer".

Il faut combattre en revanche l'expansion législative : à chaque fait divers, une loi est sortie pour créer un délit, ou rendre les peines plus sévères. C'est du foutage de gueule : les délinquants ne font pas un calcul coût/bénéfice, en se disant "ah, je commettrais bien ce délit, mais la nouvelle loi de Sarkozy augmente la peine que j'encoure… je renonce donc à commettre ce délit, alors". Mieux vaut des peines qui restent proprotionnées et qui laissent une chance de rédemption, pourvu qu'elles soient appliquées rapidement. L'appareil judiciaire doit suivre : or, ce n'est pas le cas aujourd'hui. Très souvent en effet, la justice est rendue dans des conditions plus que précaires.

Il faut en finir avec le "deux poids, deux mesures". Tolérance zéro ? Si cette expression signifie qu'à chaque acte de délinquance doit correspondre une sanction de l'Etat de droit, elle est justifiée. Mais le même gouvernement qui instaure des peines-planchers, ou encore la possibilité de garder enfermés des criminels qui ont purgé leur peine, se montre beaucoup plus coulants avec d'autres parties de la population. Ainsi, les initiatives se sont multipliées pour dépénaliser le droit des affaires (ce qui offre un avantage aux justiciable les plus fortunés). Autre exemple : à l'époque de Raffarin, la droite s'était déclarée prête à amnistier des fraudeurs au fisc, c'est-à-dire à laisser impunis ceux qui avaient préféré leur argent à leur patrie !

Il ne faut pas renoncer à la prévention. Certes, il n'y a pas d'automaticité entre pauvreté et délinquance. Dire cela serait insultant pour les "pauvres" qui respectent la loi républicaine, et subissent celle d'une minorité de voyous. Mais il est évident que le contexte social joue un rôle. Il n'aura échappé à personne que la situation entre la Seine-StDenis (le fameux 9-3) et les Hauts-de-seine (le département de Neuilly) est tout de même assez différente. Les violences intra-familiales, notamment, contre lesquelles une action sécuritaire est évidemment impossible, sont ainsi favorisées par la précarité, le désoeuvrement, le manque d'éducation, etc. La prévention n'est donc pas caractéristique d'une approche "naïve" de l'insécurité, elle est une arme pour y faire face.