Je vous propose une petite nouvelle sans prétention, écrite par votre serviteur dans un moment d’illumination.
Elles s’en vont comme les bateaux
Cette nuit là, le pavé lisse des trottoirs reflétait ma vie avec la brutalité frappante de la triste réalité. J’arpentais une de ces innombrables grandes villes aux tours effilées qui dominaient les rues sombres de leurs hauteurs présomptueuses. Elles étaient la réponse au désir à peine voilé de s’extirper de la gangue boueuse qui retenait l’Homme sur ce caillou misérable et dépouillé par des siècles de stupidité. Pour la première fois, je voyais ces hautes constructions d’un autre œil que celui de l’émerveillement. Un air qui avait été à la mode me susurrait à l’oreille : « Y a comme un goût amer en nous ; comme un goût de poussière dans tout. » Je mesurais avec effroi combien, ces derniers temps, je m’étais approché de la douce mélancolie et de l’apathie qui l’accompagnait. J’observais la ville.
Il y avait un aspect hypnotique dans cette contemplation du néant qui remplissait mon être à la fois de bonheur et d’effroi. C’était comme de s’observer nu devant un miroir et ne pas reconnaître son propre corps. On le prend pour celui de quelqu’un d’autre et on est en même temps attiré et repoussé par ce corps étranger qui prend si soudainement une grande importance dans notre vie alors qu’il s’était fait jusque là si discret. On se surprend alors à reconnaître des détails qui nous avaient échappés. On se dit : « Mais pourquoi ai-je attendu aussi longtemps pour réaliser telle ou telle chose ? » Mais c’est trop tard, le temps est passé et nous a emportés, nous et notre jeunesse, notre avenir. Et nos rêves.
Quand je rouvris les yeux, j’étais allongé sur un banc en métal, froid et vert. J’étais encore hagard mais je reconnaissais sans peine l’extrémité de la ville, là où la route s’étirait dans les campagnes comme un long cheveu d’argent, finissant son goudron trop usé et blanchi par les ans pour mourir sans bruit dans l’horizon pâle de la nuit. Les platanes ondulaient soyeusement leurs branches. La clarté de la lune se jetait sur leurs feuilles virevoltantes, rebondissait comme par magie et allait éclabousser la route de tâches lumineuses, semblant la vêtir soudain d’une peau de dalmatien. C’était une nuit interminable, me semblait-il. Je m’assis convenablement et fermai les yeux. Après tout, c’était la seule nuit. Elle pouvait bien durer une éternité. Une prière me revint en mémoire, sans raison. Elle parlait des étoiles et du soleil. De la lutte entre le jour et la nuit, l’Homme et la Bête.
« Par le poète dont saigne le front qui est ceint
Des ronces des désirs que jamais il n’atteint :
Je vous salue Marie. »
Quelqu’un parlait et ma tête vacillait, emportée par les mots dans les remous du monde. Les phrases tournoyaient dans des ballets fantastiques. La lumière de la grâce éclairait les lettres qui se déposaient en baume sur mon esprit tourmenté. C’était plus qu’un poème, comme la vérité d’une vie impossible, abandonnée, palpitant entre mes synapses. Il y avait un trésor inextricable au milieu de ces parcelles d’existence. J’essayais de l’atteindre, polluant de neurotransmetteurs la zone cérébrale récalcitrante. En vain, l’idée m’échappait. Le miaulement d’un chat me sortit de ma torpeur. Je délogeai un mouchoir usé d’une poche et entreprit d’essuyer mon front. Depuis combien de temps étais-je assis là ? Tandis que j’essayais d’y répondre, une autre question me traversa l’esprit, fugitivement. Je réussis à en attraper un morceau au passage. C’était à propos de la nuit. Se finirait-elle un jour ?
Je choisis de prendre la route. Quelque chose me motivait, semblait-il, et je devais continuer à marcher, pour d’obscures raisons. Je touchais à un but, mais sans savoir lequel. Le coté irréel de cette situation me séduisait et m’effrayait en même temps. Je me rappelais de quelques mots lus par hasard, même si la phrase exacte m’échappais, et je frissonnai à ce souvenir : « tout cela n’était qu’une illusion, tout – pas un rêve, non, un sortilège – qui tentait de me dire quelque chose sur un mode symbolique, abscons, horripilant. » Et c’est grelottant que je retenais mon attention sur la route, jusqu’alors si discrète dans mon environnement personnel. J’avais l’impression désagréable qu’elle était devenue plus « dure ». Non pas qu’elle grimpait, nul faut plat à l’horizon, mais comme si mes pieds s’étaient engourdis à force de donner du mou à mes pensées, et que la simple perspective du chemin à venir les effrayait, conduisant leur peur à vouloir me persuader de revenir en arrière. Le vent semblait vouloir se joindre à cette rébellion. Par rafales, il giflait mon visage et entortillait mes jambes dans ses bourrasques voluptueuses.
Je restais immobile, sachant vaine ma lutte contre le vent. Je fermais les yeux, laissais mes sens s’enivrer de la nuit. Je me surpris à chercher en mémoire mes derniers souvenirs du jour, sans y parvenir avec assez de certitude. Quand je rouvris les yeux, je me rendis compte pour la première fois que j’étais au milieu de la route, à l’extrémité de la ville, loin de chez moi. Le silence était absolu, le vent s’était tu. Un sentiment de malaise s’emparait de moi, sans trop comprendre pourquoi. Il y avait quelque chose d’anormal cette nuit-là.
Des mots courraient encore dans mon esprit tandis que j’avançais vers le soleil levant.
Bonjour Stephen.
Cela vaux le coup d’œil votre article.
Vivre vite et mourir jeune,après seulement avoir connu le grand amour,tout le reste dans cette existence n’est que chimère.Pas de regret,ni de remord,pas le temps de se torturer l’âme ,l’esprit.Vivre tel l’éphémère !!!
Mais l’instinct de conservation,la survie dotée d’espoir nous pousse a nous dépasser !
En tous cas ,bravo,ben quoi,j’aime bien !
Bye et bonne journée.
Merci Humaniste.
Vous avez tout compris !!
Heureux de vous avoir divertis.
Bye de même, bonne journée à vous.
cdlt
S.D.
Argh, pas le temps! j’imprime et lirai plus tard tranquillement.
bon après midi
Merci River, quoique je me demande quand même si l’imprimer n’est pas lui faire trop d’honneurs.
Bon après-midi aussi !