Après la diffusion de la vidéo d’une agression dans un bus, indignes aboiements d’une réac décomplexée.

Connaissez-vous Élisabeth Lévy ? Cette journaliste (Le Point, Marianne) est l’ex-animatrice de l’émission Le premier pouvoir sur France Culture, censée porter un regard critique sur les médias mais célèbre pour avoir instruit le procès à la stalinienne de leur critique radicale (impeccable dissection opérée par Acrimed). Élisabeth Lévy passe sa vie à fustiger la "pensée unique", se revendiquant ainsi en briseuse de tabous. Sauf que les soi-disants tabous en question ne sont jamais que l’expression d’une bonne grosse vieille pensée de droite décomplexée.


 Elle monte donc au créneau pour défendre Alain Finkielkraut lorsque ce dernier émet l’invraisemblable prophétie suivante, dans une interview au journal israélien Haaretz : "L’antiracisme sera au vingt et unième siècle ce qu’a été le communisme au vingtième". "Vous allez voir qu’on va bientôt découvrir des charniers de l’antiracisme et des goulags de la démocratie, se moque sur son blog Didier Jacob, chroniqueur au Nouvel Observateur. Comment peut-on sortir une ânerie pareille ? Et être adoubé sans l’ombre d’un questionnement par la cohorte des donneurs de leçon, Élisabeth Lévy en tête ?" Ânerie sans doute, mais nouvelle croisade des "briseurs de tabous" : "Il est interdit de dire quoi que ce soit de négatif au sujet de l’islam, hallucine le même Finkielkraut, parce que c’est la religion des opprimés et que si vous la critiquez, c’est que vous êtes raciste." Quelle fascinante discipline que la nouvelle philosophie médiatique. Il serait interdit de dire quoi que ce soit de négatif au sujet de l’islam !

Comme si Yvan Rioufol ne tenait pas chronique dans Le Figaro, comme si ce même titre n’avait pas publié une tribune incendiaire du philosophe (encore !) Robert Redeker, comme si plusieurs journaux français n’avaient pas publié les "caricatures de Mahomet" et comme si la justice française n’avait pas – à raison – relaxé les responsables de ladite publication…

Mais non, ce courant de "pensée" entretient le vidéofantasme que la parole anti-islam serait prohibée, pour mieux en rajouter une moëlleuse couche. Survient dans ce contexte la mise en ligne d’une vidéo montrant l’agression d’un homme par plusieurs voyous dans un bus. Qu’en dit le fanatique de l’anti-islamisation de la France (imaginaire et combien chère à l’extrême droite), Yvan Rioufol ? "La peur des faits : la vidéo, proposée depuis lundi par certains d’entre vous sur ce blog, d’un jeune voyageur de la RATP, agressé le 7 décembre 2008 dans un bus à Paris par une bande de voyous aux cris de "fils de pute" et de "sale Français", vient de valoir, ce mercredi, une garde à vue pour un policier qui serait suspecté d’avoir fait diffuser ces images qui devaient rester confidentielles. Circulez, rien à voir…" Nous avons réécouté avec attention la vidéo en question : si "fils de pute" est effectivement audible à plusieurs reprises, nous n’avons pas entendu "sale français". Ce qui n’empêche pas l’extrême droite d’orchestrer le buzz autour de cette vidéo, en premier lieu sur le site de François Desouche – "le premier blog de la diaspora des descendants gaulois" (sic) -, épouvantable propagandiste qui ose titrer Chasse au blanc dans un bus RATP, alors même qu’il ne s’agit que de l’agression d’un homme par des voyous, sans que la couleur de peau n’ait quoi que ce soit à y voir. Et devinez qui vient au secours de cette thèse ? Élisabeth Lévy, pardi !

racailles"Ce qui déplaît, dans la scène de l’agression dans l’autobus de nuit, c’est son casting : les agresseurs étaient “issus de l’immigration” et la victime blanche", croit pouvoir affirmer notre briseuse de tabous. Notons que Lévy n’utilise pas le terme "racaille", mis en opposition avec "Français", comme dans la phrase "un Français agressé par des racailles" qui a titré cette vidéo sur les sites de partage comme YouTube ou Dailymotion, mais que le message est rigoureusement le même. "Bien entendu, poursuit la copine de Finkielkraut, ces faits établis ne suffisent aucunement à conclure à l’agression raciste mais ils ne permettent pas non plus de décréter qu’elle n’avait rien de raciste." Faits établis ? Par qui ? Bel exemple de déontologie journalistique ! Et que signifie ce "ils ne permettent pas non plus de décréter qu’elle n’avait rien de raciste" ? Que dans le doute, l’hypothèse du racisme anti-blancs mérite d’être prise en compte. S’il n’est pas prouvé qu’il ne s’agit pas d’une agression raciste, c’est qu’elle l’est peut-être… On croyait pourtant ce mode d’argumentation l’apanage des "islamo-gauchistes" que nos briseurs de tabous ne cessent de fustiger – sans que l’on sache très bien qui l’expression désigne. "Trois petites frappes qui s’acharnent sur un homme à terre ne représentent rien ni personne d’autre que trois petites frappes, conclut Lévy habilement (à ses yeux, imagine-t-on), qui vient pourtant de nous dire que, si, ils représentaient les personnes issues de l’immigration, dont il n’est pas prouvé qu’ils ne s’attaquent pas à un blanc juste parce qu’il est blanc.

"Au lieu de détourner les yeux ou de leur tenir le langage de l’angélisme, il serait temps de leur parler le seul qu’ils comprennent, celui de la force. Sans distinction de race ou de religion." Que la confusion règne ! Lévy croit se dédouaner de son article nauséabond en rajoutant tout à la fin "Sans distinction de race ou de religion", alors qu’elle vient de longuement nous expliquer que, si les médias ne parlaient pas de cette vidéo, c’est parce qu’elle montre un Français agressé par des personnes issues de l’immigration, autant dire un blanc victime du racisme anti-blanc !

affiche identitaireManque de chance pour elle, l’agressé a accordé une interview au Figaro, dans laquelle il remet les choses au point, à commencer par l’imputation d’injures racistes : "Personnellement, je n’ai rien entendu de la sorte. Ces propos, s’ils ont été dits, interviennent dans un contexte où mes agresseurs étaient drogués ou ivres. Par ailleurs, ils n’étaient pas tous issus de l’immigration. La vidéo de mon agression apparaît comme très stéréotypée car, ce soir-là, je suis habillé de façon bourgeoise et je suis face à quatre jeunes qui faisaient beaucoup de bruit. En aucun cas, je ne veux passer pour l’incarnation d’une certaine image sociale qui aurait été prise à partie par des étrangers. Je ne l’ai pas ressenti comme cela. L’un des assaillants en survêtement, rasé, avait d’ailleurs une couleur de peau très pâle" Les choses sont désormais plus claires, n’en déplaise à notre exaltée défenseure de l’opprimé blanc : l’homme a été agressé par des voyous sans qu’on puisse faire un lien avec une éventuelle problématique ethnique. Que dire pour finir de la conclusion de Lévy ? "Au lieu de détourner les yeux ou de leur tenir le langage de l’angélisme, il serait temps de leur parler le seul qu’ils comprennent, celui de la force" : on applaudit à la révélation finale ! La journaliste qui dit se battre contre la pensée unique est seulement capable d’en appeler, en des termes que ne renierait pas Sarkozy, le pompier pyromane à la tête de l’État, à un durcissement de la répression, comme si la source de tous les problèmes résidait dans le laxisme de la lutte contre la délinquance – qui plus est de la délinquance issue de l’immigration ! Quand on en arrive à ce niveau de tartufferie, il ne s’agit évidemment pas de briser des tabous, juste d’affirmer, tranquillement, les pires présupposés idéologiques de la droite réactionnaire et raciste.