La condamnation à perpétuité en première instance de Hosni Moubarak ayant été annulée par la Cour de cassation pour vices de procédure, voilà le raïs déchu qui refait parler de lui. A l’occasion de son nouveau procès, il est en effet sorti ce samedi de sa prison dorée, un certain hôpital militaire du Caire. Les choses semblent avoir évolué pour lui dans le bon sens : lors de son premier procès en août 2011, il avait suscité de l’émotion auprès même de certains de ses détracteurs en se présentant devant le Tribunal allongé sur une civière ; désormais le raïs a comme retrouvé son ancien look, au désespoir des Egyptiens.
Les yeux dissimulés derrière des lunettes sombres, style Ray-Ban, tout de blanc vêtu il a comparu, assis cette fois-ci, sur une civière. A travers le grillage du box des accusés, il est apparu, plutôt décontracté ; les commissures des lèvres tombantes lui donnant cet air hautain, fermement détaché, il semblait toujours trôner ; esquissant un léger sourire, il a salué l‘audience d’une main hésitante, sans avoir l’air de trop y croire, malgré tout; comme s’il était au dessus de la mêlée, il papotait, l’air de rien avec ses co-accusés que sont ses deux fils, Alaa, Gamal et l‘ancien ministre de l‘Intérieur, Habib Adli ; ils sont tous poursuivis pour complicité dans les meurtres de manifestants et pour corruption.
Et dire qu’on le disait presque au bord de l’agonie! Il aurait apparemment repris du poil de la bête, tirant gloire de cette poussée inattendue de nostalgiques qui s’affichent sur facebook : tous ceux qui se sentent floués par ces nouveaux dirigeants de l’Egypte, inscrits dans la lignée de leurs prédécesseurs mais sous une autre apparence.
Moustafa Hassan Abdallah, le juge chargé de l‘affaire, contre toute attente, s‘est récusé samedi. Il a transmis le dossier à une Cour d’appel qui devrait statuer sur le nouveau Tribunal de substitution. En effet décrédibilisé depuis l’acquittement jugé abusif de nombreux dignitaires de l’ancien régime, malgré leur implication dans les meurtres perpétrés lors de la « bataille des chameaux », sa position s’était fragilisée : les parties civiles réclamaient à cor et à cri son dessaisissement du dossier et la peine capitale pour le raïs.
Empêtrés dans une série de problèmes qui touchent à leur vie, à l’avenir de leur pays, les Egyptiens en étaient presque arrivés à oublier Hosni Moubarak. Le revoir frais et pimpant, les cheveux teints, aurait ravivé des douleurs et nombreux parmi eux se sont dits choqués de son attitude jugée pour le moins arrogante.
Pour enfoncer encore plus le clou, la télévision d’Etat vient d’annoncer aujourd’hui une étrange information : « La Cour d’appel libère Moubarak dans l’affaire du meurtre de manifestants et il reste détenu dans le cadre d’autres affaires ». En gros une libération conditionnelle obtenue par son avocat, au motif que son client aurait dépassé la période maximale de détention préventive, égale à deux ans. Il reste toutefois incarcéré pour d’autres affaires de corruption : libéré mais en incarcération !
Comme un brassage de vent nécessaire en guise de diversion à l’heure où l’Egypte se morfond dans une crise où les tensions vont s’aggravant. Dans ce climat de morosité, on brouille tout jusqu’à ne plus savoir à quel saint se vouer ! N’est-ce pas le propre de la politique que cet « art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde ». Quant au jugement, pas la peine de rêver, c’est toujours la même rengaine : selon que vous serez puissants ou misérables, les jugements de Cour vous rendront blanc ou noir…