Les Belfortains sont forts en gueule et s’il en fallait un pour le démontrer avec brio, Jean-Paul Touzé, arbitre international d’échecs, membre éminent de la communauté des joueurs et ancien responsable de la Fédération française FFE, est tout indiqué. Constatant les dérives de la Fide, la Fédération internationale, il vient de démissionner avec fracas de toutes ses fonctions extra-départementales (disons « territoriales »). Jean-Paul Touzé claque très fort la porte en adressant une lettre cinglante à Henri Carvallo, le président de la FFE, pour dénoncer la direction de la Fide…

Je sais, le titre est facile, mais d’une part j’affronte toujours résolument la facilité, et d’autre part je n’ai pas pu m’en empêcher. Quand Jean-Paul Touzé, aux tout débuts des années 1980, avait accueilli je ne sais plus quel président de la Fide, pour l’ouverture des championnats mondiaux juniors à Belfort, j’en avais un de similaire dans Le Pays de Franche-Comté-L’Alsace, et, basta, en cette saison (dite silly season chez nos confrères britanniques), le recyclage est souvent davantage de mise que l’originalité.

Jean-Paul Touzé est une forte tête, qui l’a déjà démontré en s’attirant la sympathie de nombreuses personnalités du Territoire de Belfort, et qui, incidemment, avait connu une notoriété nationale en protestant auprès d’Air France à propos de l’étroitesse de ses sièges. La photo de Jean Becker (que je salue tout aussi amicalement au passage) est éloquente et beaucoup de personnes de forte corpulence avaient à l’époque applaudi la réaction du président du club Belfort-Échecs.

 

Il n’est de secret pour personne que la Fide est dirigée par des personnages que certains qualifient de douteux, mais c’est encore plus clair exprimé dans la lettre que vient d’adresser J.-P. Touzé à la présidence de la FFE.

Le Pays la publie intégralement ou presque, elle est vaut d’être lue.

Le Belfortain n’est guère le seul à se dire « écœuré » par Kirsan Ilyumzhinov, un Kalmouk ayant pris la présidence de la Fide, et son vice-président, le Turc Ali Aziri.

Le premier de ces personnages avait disputé à Tripoli une partie d’échecs avec Mouammar Kadhafi alors que les premiers combats faisaient rage en Libye. Ali Aziri, organisateur des Olympiades 2012, s’est quant à lui distingué en écartant tous les arbitres internationaux qui lui avaient préféré l’ancien champion Anatoli Karpov.

Ali Aziri menace aussi d’expulsion les fédérations de France, Allemagne, USA, Ukraine et Suisse.

« L’honneur pour moi est de ne plus vouloir appartenir à cette institution tant qu’elle sera dirigée par de tels individus… ». Clair, net, et définitif. En fait, il prend les devants pour éviter à la FFE de lui infliger une « éventuelle exclusion inique ».

Il suggère aussi à la FFE de saisir « le Tribunal arbitral du Sport et la Cour européenne des Droits de l’Homme ». Mais il conclut sèchement : « si l’espoir d’un changement était possible, la présente serait déplacée mais, ce n’est pas le cas, le principe démocratique consistant à garantir des élections transparentes au sein de la Fide n’existant pas (l’achat de voix et la corruption étant son mode de fonctionnement), je n’ai d’autre solution, à mon niveau, que de la quitter. ».

Kirsan Nikolaëvitch Ilyumzhinov (ou Ilioumjinov), ancien président (pendant près de vingt ans, jusqu’en 2010) de la République autonome de Kalmoukie, a été élu président de la Fide fin 1995. Il s’était distingué surtout en tant que dirigeant dictatorial mais aussi, en septembre 1997, pour s’être allégué hôte involontaire d’extra-terrestres. Il était aussi l’hôte de Saddam Hussein, de Bachar al-Assad, qui devait jouir, comme lui-même et Kadhafi, de la sympathie des extra-terrestres qui, assurait-il, allaient bientôt embarquer les Terriens dans leurs vaisseaux.

Cette perspective ne l’empêche nullement de réaliser de très juteuses affaires avec divers fonds d’investissement (et la société française Sucres et Denrées, SucDen, ou la suisse Crédit Méditerranée). L’homme est un mini-émir qatari, en quelque sorte. Il a fait construire une somptueuse cité des échecs dans son pays, mais aussi un magnifique temple bouddhiste. Ses critiques ont parfois connu un sort peu enviable, ainsi de la journaliste russe Larisa Yudina, retrouvée morte en 1998 (un sbire de l’alors président s’en étant chargé).

Selon la presse américaine, Bachar al-Assad pourrait, s’il se démettait, devenir l’hôte permanent de la Kalmoukie.