Rassurez-vous : ce n’est pas x jours après l’entretien de Dominique Strauss-Kahn avec Claire Chazal sur TF1 que je vais, à mon tour, relever que la presse étrangère a réservé aux non-révélations de DSK une assez faible place. Il y a des événements plus importants – peut-être pas autant que l’attitude du FMI face à la crise en Europe, concédons-le –comme, par exemple, le décès de Jacques Alexandre, premier titulaire de la carte de presse en 1935. Ou encore, la tribune libre de Marcela Iacub dans Libération, justement à propos de ce que l’affaire DSK dévoilerait, pour elle, de l’évolution de la société française. Mais quand même… Piège ou non ?

Les plus récentes péripéties de l’affaire Strauss-Kahn m’intéressent fort peu. Certes, je ne considère pas tout à fait que Tristane Banon aurait trop exagéré l’expression de son désarroi après sa rencontre tumultueuse avec Dominique Strauss-Kahn et ses derniers commentaires ne sont pas anodins (elle aurait pu songer au suicide, indique-t-elle).
Mais, par exemple, la tribune libre de Marcela Iacub (« Sexuellement correct », dans Libération du 17 sept. dernier), retiennent davantage mon attention…
Chute de Iacub : « Car si les unes [obsessions sexuelles] emplissent les chambres de sperme, les autres le [l’exercice du pouvoir] de sang. ».
C’est pour Kadhafi ou Sarkozy qu’elle conclut ainsi ? Peut-être pour les deux à la lumière de la guerre civile libyenne.

Actualité immédiate,
stratégie à moyen terme

Comment un Jacques Alexandre (carte de presse nº 0001, car, en 1935, on n’imaginait pas que nous serions près de 120 000 trois-quarts de siècle plus tard, et qu’un zéro de plus s’imposait), aurait-il traité l’affaire Strauss-Kahn ?
Il est trop tard pour le lui demander. Aurait-il, comme la plupart de ses confrères, insisté sur le manque de crédibilité de DSK face à Claire Chazal, ou, comme par exemple Amy Davidson, du New Yorker, ou Euronews, été intrigué par le « détail ». Ce détail du rapport de Cirus Vance Jr. portant sur l’éventuel « piège » dont DSK a fait ainsi un tel état ?

Dans le flux des actualités immédiates, la presse, en général, y compris étrangère, a privilégié l’angle de l’absence de repentir de DSK. Mais ne serait-ce pas justement un élément de stratégie de communication ménageant l’avenir, soit les plaintes que déposeront des avocats de DSK ? La mise en perspective de cet entretien a majoritairement porté sur le renoncement de l’ancien directeur du FMI à revenir de sitôt sur l’estrade politique, même s’il ne l’excluait pas tout à fait. Mais qui dit qu’il tournerait la page, laisserait le temps au temps pour l’oubli, et qu’il s’abstiendrait d’apporter d’autres éléments sur ce qui s’est produit avant, pendant et après l’épisode de la suite du Sofitel ?

En effet, la presse internationale n’a pas vraiment accordé à cet entretien le retentissement qui lui était habituel lorsqu’elle traitait de cette affaire. Mais il y a quelques rares exceptions. D’une part les rares titres qui relient l’épisode à la crise mondiale en soulignant que l’éviction de DSK tombait à point nommé, et les plus rares à revenir sur un passage du rapport du bureau du procureur Cyrus Vance.

Qui a renseigné les avocats de Nafissatou Diallo ?

Amy Davidson est sceptique. Il se concevait fort bien que les présents au Sofitel aient, sur le coup de l’émotion, fait preuve de solidarité à l’égard d’une collègue et non pas envers le chef du FMI. « Est-ce là un mystère qui ne s’expliquerait que par une conspiration internationale ? ». Euronews conclut de manière plus factuelle : « Il n’est pas impossible que [DSK] cherche à présent à savoir qui a pu divulguer des informations susceptibles de l’accabler… ». Pseudo-conditionnel hypothétique qui vaut, en fait, largement davantage qu’une simple supputation. Il ne s’agit que des relevés des cartes d’accès électroniques aux chambres et suites du Sofitel, et d’un court passage de la page 12 du rapport conclusif du bureau de Cyrus Wance Jr.

La question sous-jacente, est la suivante… Est-ce directement que la direction du Sofitel aurait fourni ou retenu des éléments d’enquête ou par le truchement de… x. X qui pourrait être par exemple les premiers informés par le Sofitel en France. Soit l’entourage de Nicolas Sarkozy ou des correspondants dans les ministères, dont celui de l’Intérieur.

Quelles relations étroites ?

 

On sait depuis le livre Omerta dans la police, de Sihem Souid (mais ce n’était pas tout à fait ignoré auparavant), que le groupe Accor sert, avec certains de ses établissements, de centre d’hébergement provisoire pour les expulsés en situation irrégulière.
Cela n’a pas échappé aux enquêteurs du cabinet Brafman, ou à Jennifer Li, collaboratrice du cabinet, qui a chargé Timothy McTague de creuser la piste du groupe Accor.
Le 11 août, par courriel, T. McTague contactait un « sachant » français en ces termes…
« Vous dites que vous avez des preuves de liens étroits entre Accor et les services de renseignements français qui leur [les services] permettent d’avoir des connaissances profondes sur les déplacements des clients de Sofitel. (…) Que pensez-vous en fait au (sic) complot le [DSK] visant ? Pouvez-vous nous fournir des exemples spécifiques de ce type d’opération menée par les français (sic) auparavant ? ».

Les Français, à savoir les services divers, n’ont pas davantage que Takieddine ou Djouhri (pour Bourgi, et Péan, c’est l’inverse) été contactés par Tim McTague que par Pierre Péan pour son livre La République des mallettes.
Est-ce à dire qu’ils ne le seront plus, ni directement, ni indirectement ?

Les cabinets Brafman et Taylor ne sont pas chargés que de tirer judiciairement d’affaire DSK. Leur rôle va au-delà. Il s’agit aussi de restaurer l’image de leur client, internationalement.

 

 

À la question de Claire Chazal évoquant un complot, DSK répond « non » (provisoirement ?) sans toutefois exclure « un piège ». Claire Chazal n’a pas cru bon de creuser davantage (à moins qu’il lui ait été promis, en temps utile, d’autres précisions…). Dominique Strauss-Kahn aurait pu rester encore plus évasif, il (et ses conseils aussi) a pensé utile de faire état de ce passage de la page 12 (l’ensemble a été traduit par Rue89). Jacques Alexandre aurait peut-être supputé qu’il s’agissait là de l’avancée d’un pion en vue de coups suivants. Mais DSK détient-il, en sus de pions, une carte maîtresse ?

Scoop à venir ?

L’avenir (mais à quelle échéance ?) le dira… ou non. Car la carte maîtresse n’est pas encore dans le jeu de DSK et de ses conseils. Mais croire qu’ils ont renoncé à la dénicher serait naïf. Croire que l’entretien de DSK est le tomber de rideau sur Nafitassou Diallo (ou plutôt d’autres, s’il n’a été que profité de circonstances), c’est peut-être faire preuve de courte vue, d’un décryptage de l’actualité « le nez dans le guidon ». Euronews a pris date. L’analyse ultérieure des médias indiquera si son angle secondaire était le bon.

Scoop à venir ? Non, si le reste de la presse ne suit pas. Mais si Amy Davidson révisait son opinion, elle serait contrainte de suivre, et reprendre, et rebondir, et cela reviendra par la bande de ce côté de l’Atlantique. Bien évidemment aussi si les rabatteurs de DSK lui ramenaient la carte maîtresse qu’il espère…

Mon pronostic ? Cette carte sera un joker : laissant tout penser, et relançant « son » jeu.