Je ne suis pas allé vérifier si Draculito (dit « Monsaigneur » dans la série d’animation de Bruno René Huchez et Bahram Rohani) figurait ou non dans l’Encyclopédie amoureuse des vampires. Mais pour Draculette,  ni le personnage de BD, ni les multiples blogueuses (un millier environ ont opté pour ce pseudo), je suis formel : pas une seule ne répond à l’appel. Il s’agit avant tout d’un « beau livre »,  élégamment illustré par John Bolton (« gouglez » ce patronyme) et que l’auteure, Katherine Quénot, spécialiste des créatures fantastiques et légendaires, ne badine pas avec l’amour saignant.

 

Incomplète, certes, mais d’une passionnante lecture, cette Encyclopédie amoureuse des vampires, de Katherine Quénot et John Bolton (96 pages, format 220 × 290, éds Hoëbeke, rsp env. 25 euros), est un livre d’érudite abondamment illustré par un maître du genre. L’ouvrage ne sera disponible que tout début novembre, deux semaines avant la sortie en salle du film Tentation, second volet de la série Twilight. Du coup, après avoir raté la date de sortie de Ma vie ratée d’Amélie Nothomb (Frédéric Huet, chez Anabet éds), là, je prends les devants. J’ai eu la chance de recevoir dès hier la version PDF de cette somme sur les vampires. Je trouve que c’est une très bonne idée, surtout pour des livres illustrés, de diffuser à la presse les PDF. Cela permet de « pomper » des illustrations au titre du droit de citation sans avoir recours au numériseur (dont Gaston, le factotum de la rédaction, se sert sans même faire un relevé des points blanc et noir, non pas les comédons… il est un peu niais, Gaston, il faudrait dire à Mamzelle Jeanne de lui expliquer). Donc, avec le respect de la colorimétrie d’origine. Ensuite, notamment pour une encyclopédie, cela présente l’avantage de faire une recherche dans le texte sans lire la totalité du livre. Cela n’empêche pas de le lire, d’ailleurs, et la preuve que je l’ai lu est que les questions que je fais parvenir à l’auteure sont les suivantes :

1) D’où vous vient votre intérêt pour le fantastique, les légendes et les créatures imaginaires ?

 

2) Les vampires seraient des fantômes un peu particuliers (si j’en crois l’explication de l’encadré de la page 5). Vous-même, croyez-vous à ce genre de « revenants » ?

 

3) Les vampires ne sont pas toutes et tous homo ou bisexuel-le-s, mais c’est un thème assez récurrent : les religions dites du Livre condamnent la sodomie, au sens le plus large (le mot finissant par désigner toute relation sexuelle n’ayant pas pour but la procréation), et l’homosexualité… Les vampires ont-ils pu jouer un rôle « politique » (temporel, pour les religieux alliés des princes et dirigeants) pour favoriser le repeuplement ou le peuplement et stigmatiser le goût pour les plaisirs, l’oisiveté associée à la recherche de la sexualité, &c. ?

 

4) Dans de nombreuses contrées, on pendait les gens du commun et on décapitait les nobles… Était-ce là, de manière détournée, une manière d’éviter que les nobles ne reviennent hanter leurs adversaires, ce qu’on redoutait moins des manants ? Dans ce cas, pourquoi ne décapitait-on pas les personnes « prédisposées » au vampirisme (les roux, les enfants morts sans baptême, les suicidés, &c.) ?

 

Pour les réponses, amis du matin, amies du soir, il faudra attendre la sortie du bouquin. C’est pour moi une manière de parler deux fois des livres qui ont vraiment retenu mon attention. Là, vous aurez compris que Katherine Quénot a fait le tour de la question, des sources profanes et religieuses, &c. J’ai quand même lu rapidement et je ne sais pas si la question du genre des auteur·e·s s’intéressant aux vampires est abordée (majoritairement masculin ou féminin, ce genre ?). Depuis que Mary Shelley a créé Frankenstein (ou le Prométhée moderne), c’est une question pertinente, non ?

 

Éditeurs, mes chers confrères, pensez aussi à nous fournir des visuels convenables de vos unes de couvertures. Là, le PDF débutait à la seconde page intérieure (à moins que ce ne soit la seconde page de titre), et j’ai donc récupéré le visuel de la une de couv’ sur un site marchand. Un simple oubli, vite réparé (j’ai reçu le document dans l’heure).

 

Je digresse, je digresse. Tiens, question digression, cela me fait penser que ma rubrique des Vieilles gloires dorées est en panne depuis un bon moment. Heureusement, j’ai déjà ma chronique sur Nosfératu en ligne. Et tant qu’à faire, pour la prochaine, je me demanderai pourquoi McDowell, l’interprète de If et d’Orange mécanique, a ou non eu un ou des rôles de vampires. Je lui aurais bien vu des crocs. Pas vous ? En tout cas, pour en revenir au film, euh, non, au livre, la mention d’un premier film portant des vampires à l’écran m’a interloqué. Je lis dans un encadré de la page 91 « la première apparition d’un vampire sur grand écran remonte à 1912, dans un film russe intitulé Les Secrets de la Maison nº 5. Mais il est encore noyé parmi les goules et les fantômes de tout poil. ». Je vous le donne en coupé-collé (sauf que, au degré du 5 de la version originale, j’ai substitué le signe primero ou primo, le petit copain de la secunda : que voulez-vous, on ne se refait pas !). Je n’y peux rien, quand je vois un titre de film sans qu’un réalisateur soit mentionné, je me mets en quête d’auteur. Et là, je n’ai pas trouvé. Mais j’ai abouti au site du Manoir fantôme de Drusilla. Et là, sur la page intitulée « le vampire éternel », que lis-je ? Très exactement la même phrase, plus exactement les deux mêmes phrase, puis même la troisième de l’encadré, &c., y compris la chute « désormais les vampires font rêver les spectatrices ».

 

Il n’y a que deux solutions sachant que le site est déjà bien ancien, au point de n’être plus mis à jour par Miss Edith, une admiratrice de Buffy, qui me semble être une parfaite bilingue franco-anglaise ou une traductrice de grand talent (je m’y connais un peu en traductologie et je pratique). La première serait que Miss Edith et Katherine Quénot ne soit qu’un, ou plutôt qu’une. Dans ce cas, se pomper soi-même n’est pas si compliqué et on peut comprendre qu’au lieu de se contorsionner la plume, on procède de la sorte. La seconde solution serait, mais, non, je ne veux pas croire que le monde de l’édition soit devenu celui de la presse… En presse, tu as des visuels et comme il faut bien meubler les blancs entre les visuels ou légender, tu as une ou un plumitif sous la main qui doit rendre la copie avant le bouclage avec un nombre de signes pile-poil pour combler les trous entre les images. Là, au lieu de faire un bel album des seules superbes créatures pulpeuses et sanguinolentes de John Bolton, on aurait demandé de la copie pour faire un 96 pages ? Et pour être à date afin de profiter des achats de fin d’année, il aurait fallu faire fissa, au point d’aller piocher de la viande sur la Toile ? Damned ! C’est ce qui expliquerait l’absence de la sublime Vampirella (de Forrest) ? Je ne veux le croire.

 

Puisqu’on en est aux illustrations, saluons l’artiste. Hormis deux maigres vilains genre Nosfératu, ce n’est que splendides belles plantes qui ne font même pas peur (enfin, vraiment peur). Il y en a un peu à la manière d’un Manara, d’autres beaucoup plus léchées (genre préraphaélite, voire post aussi, en particulier). Si vous voulez des terrifiantes, je vous conseille plutôt celles de l’espace Oscura de GyP (ou Obman), soit Guido Gippo. C’est du photomontage retouché à merveille par un peintre et dessinateur émule de Bruno Murani et de Giger, entre autres. Là, je lui ai pris une copie d’écran de la page d’accueil de son site et je le lui signale (si elle n’apparaît pas sur la page, c’est qu’il m’a prié de la retirer et que j’y ai consenti en dépit du droit de citation). Sur la page d’accueil, survolez chaque élément, pour voir ce qui se produit. Au passage, admirez la superbe Selvaggia, un vrai rêve de dentiste, et les anges rebelles… Ce n’est pas loin d’être sublime.

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Ce n’est pas parce que Miss Edith ou Katherine Quénot ne sont pas exhaustives en matière de vampires, ou que l’une ou l’autre aurait tiré parti de la Bibliothèque du Cénacle et de l’étude de Jean Marigny, de l’université de Grenoble, Quand le vampirisme se décline au féminin, que ce superbe livre ne vaudrait pas l’achat. Banatéen d’adoption moi-même (c’est entre la Transsylvanie et le pays de la sanglante Erzebet Bathory, autant vous dire que j’en connais un rayon sur les goules), j’y ai quand même pas mal appris. Et si l’auteure (voire les auteures) voulai(en)t bien me le dédicacer, j’en serais fort aise. L’album se lit très bien avec, en fond sonore, le Beyond My Control, de Mylène Farmer (« Je ne comprends plus pourquoi, j’ai du sang sur mes doigts ; dors en paix, je t’assure, je veillerai ta sépulture… »). Faites de doux cauchemars !

 

Voir aussi : les réponses de Katherine Quénot…