En octobre dernier, le dopage d’Armstrong éclate au grand jour. C’est surtout l’ampleur de sa médiatisation qui en a fait « l’Affaire Armstrong », car les cas similaires sont fréquents et ne sont pas tous affichés en première page des journaux. Il est actuellement de notoriété publique que les sports, certains comme le cyclisme plus que d’autres, sont frappés par de nombreux tricheurs en herbe s’injectant des substances illicites en vue d’augmenter leurs capacités et performances physiques. Un autre problème récurrent dans le monde de sport, parfois étroitement lié avec le monde du dopage, est forcément la corruption.
Nous sommes le 22 octobre 2012 et l’Union Cycliste Internationale (UCI) déclare, sur base du dossier fourni par l’Agence Américaine Antidopage (AAA), la suspension à vie de Lance Armstrong et la déchéance de son palmarès comprenant notamment sept tours de France successifs entre 1999 et 2005. Ebullition dans les hautes sphères mondiales sportives : Lance Armstrong était un coureur internationalement apprécié, par les médias comme par les supporters. Or voilà que, preuves à l’appui, sa carrière ne s’avère être basée que sur un leurre et sur des mensonges. Cela peut faire penser à l’affaire festina en 1998 ou encore cofidis en 2004 : le cyclisme n’est jamais vraiment épargné par le fléau du dopage. Une question me brûle alors les lèvres : comment cela se peut-il que, malgré les organisations antidopage, les contrôles réguliers et les coureurs déchus, il soit encore possible de tricher impunément ? Et pourquoi l’affaire ne s’est-elle ébruitée qu’en octobre 2012, alors qu’il se dopait depuis 1998 au moins ?
Il est évident que le dopage n’est pas une bonne chose. Premièrement cela fausse les résultats, ce n’est plus le meilleur qui gagne. Deuxièmement le dopage est interdit : en user est donc illégal et soumis à de graves sanctions. Ensuite son influence ne s’étend plus simplement qu’au niveau professionnel, mais aussi au niveau amateur et étudiant. Dans ce cas de figure, sans moyens pour le contrôler, le fair-play et la compétition sont complètement renversés par le dopage dans l’unique but d’obtenir des résultats. Mais les résultats sont-ils la chose la plus importante dans le sport ? Il faudrait plutôt se demander si le sport n’a pas perdu ses valeurs principales « au profit »… de l’unique profit.
Treize longues années après le début des faits, la légende du cyclisme est donc tombée de son vélo. En un coup les anciens coéquipiers, les médecins, les directeurs techniques et bien d’autres (staff de l’US Postal par exemple) viennent témoigner, non pas en faveur, mais contre le héros qui leur avait apporté tant de gloire. Mais pourquoi maintenant, et pas auparavant ?
En plus d’intimidations certaines dévoilées par l’USADA (« Tu fais une erreur en témoignant contre le docteur Ferrari. Je peux te détruire. » ou encore « Quand tu seras à la barre des témoins, nous allons te déchirer »), il est aussi question de corruption. Car s’il est toujours possible pour les sportifs de haut niveau d’employer des substances telles que l’EPO, c’est seulement grâce à l’aide de certains médecins véreux et conseillers mal intentionnés, appâtés par l’odeur de l’argent.
Le sport possède des liens dans les milieux privés comme publiques. Les décisions qui y sont prises se prennent à porte fermée, mais ont des implications parfois importantes. C’est donc un environnement propice à la corruption et aux pots-de-vin. Un arbitre ou un défenseur peuvent facilement influencer le cours de match en échange d’une certaine somme d’argent ou d’un intérêt quelconque.
Les paris sportifs, dont les origines sont plus anciennes qu’on ne pourrait le croire, sont selon moi une des causes principales de la corruption. Fausser un match pour remporter son pari est une façon détournée de gagner de l’argent sur de l’argent (appelé « l’argent facile »), un peu de la même manière qu’on tricherait au casino.
De plus, soulignons les sommes astronomiques dépensées dans le sport. Cristiano Ronaldo s’est fait acheté par le Real Madrid il y a deux ans à la modique somme de… nonante quatre millions d’euros ! Jadis, lorsque l’argent ne coulait pas encore à flot, les valeurs sportives disposaient de plus d’importance et de valorisation. Dorénavant, le seul souci des clubs de football est leur balance financière. Cela peut mener à des dérives comme l’achat et la revente de jeunes footballeurs (nous parlons bien ici de personnes à part entière !) en vue de faire une plus-value. La FIFA souhaite imposer, pour contrecarrer ce problème, le « fair-play financier » qui empêcherait les clubs de faire de grosses dépenses (et d’accumuler des dettes insolvables). En effet, pour rester compétitifs, les clubs doivent aujourd’hui payer les bons footballeurs de plus en plus chers, ainsi qu’améliorer leurs équipements vétustes et rapidement obsolètes. En Pro League (première division belge), les stades doivent obligatoirement posséder un système de chauffage sous la pelouse afin de pouvoir jouer par tous les temps et ainsi respecter les contrats exorbitants signés avec les chaînes de télévision. Les clubs s’endettent, les spectateurs doivent payer plus (au stade comme pour les chaînes de télévision payantes), et finalement la masse d’argent qui transite dans le football n’apporte que déficit et corruption. Une des solutions envisageable ne serait-elle pas un plafond salarial des joueurs, comme cela existe déjà en NBA ? Ainsi il n’y aurait plus de grosses différences entre les clubs riches pouvant se permettre d’acheter les stars et les autres obligés de vendre les leurs : un équilibre et un climat beaucoup plus sain s’installerait !
Il est donc urgent d’assainir les entités sportives. Tout d’abord les contrôles anti-dopage eux-mêmes devraient pouvoir être surveillés plus étroitement, notamment grâce à plus de transparence, afin d’éviter les corruptions. Ensuite le côté économique devrait être remplacé par le côté « sportif » et ses valeurs, en imposant des mesures restrictives et sévères pouvant limiter les dérives et les excès. Enfin, je pense qu’une sensibilisation auprès du côté amateur est également très importante, car elle permettrait que les jeunes joueurs ne tombent pas dans le piège du « doping » avant même d’intégrer le milieu professionnel : il faut couper le problème à sa racine.
En tant qu’arbitre, j’ai moi-même été témoin d’une tentative de corruption. Un joueur avait oublié sa carte d’identité, et on m’a proposé un sandwich en échange duquel j’étais censé le laisser jouer. Comme je venais de débuter, à ce moment-là, en tant qu’arbitre, je me souvenais encore clairement des consignes données lors de ma formation : interdiction formelle d’accepter, car si l’équipe adverse venait à s’en rendre compte, les sanctions allaient pleuvoir (bien que cette histoire soit bénigne)… Inutile de préciser que ce match concernait des enfants de treize ans : les sévices sont plus profonds qu’on ne peut l’imaginer au premier abord !