« Dieu » existe. Mais, « Dieux » n’existe pas. Réflexion sur l’orthographe française.

 « Dieu » existe. Mais, « Dieux » n’existe pas. 

« Il n’y pas de lettres d’amour sans fautes d’orthographe » m’a-t-il été dit un jour. (Eh non, je ne vous dirai pas par qui.)

Pour ceux à qui le titre de l’article que je vous propose aujourd’hui paraîtrait bien obscur, je m’en explique: (Mais si les règles orthographiques vous barbent, lisez en diagonale la première vingtaine de lignes):

 

la graphie « Dieu », existe. En effet, si vous parlez du Dieu unique d’une des grandes religions monothéiste, vous aurez à mettre une majuscule au mot « Dieu » qui, évidemment, sera et restera au singulier. Cette graphie sera même présente dans les expressions imagées. (Exemple: « On lui donnerait le bon Dieu sans confession. »).

Par contre, si vous parlez d’un dieu parmi plusieurs dieux d’une croyance autre que monothéiste, alors vous devrez faire tomber la majuscule. Ainsi « dieux » au pluriel, n’existera pas avec une majuscule. Cette règle vaudra pour toute phrase, ayant recours ou non à une expression imagée.

Bon. D’accord.

Je vous le concède.

En fait, si, la graphie « Dieux » existe: si vous commencez la phrase par « dieux » au pluriel, avec un vocatif par exemple:

« Dieux impitoyables qui ne m’accordez pas la perfection, vous mettez à mal mon titre que je trouvais, pourtant, fort bien trouvé! »

Vos suggestions pour d’autres exemples sont les bienvenues, je saurai alors -quel plaisir- que vous m’avez lue!

Voilà, je voulais écrire un petit article sur l’orthographe, sa place dans la société, la place que la société lui accorde, lui réserve… Quel traitement en font les médias, les organismes d’enseignement à distance, quelle est sa place dans la formation des enseignants…

Je pourrais épiloguer longuement…

Je vous dirais bien que des connaissances allemandes ne comprennent pas que, jusque dans un cadre professionnel, il puisse arriver à des français de commettre des fautes d’orthographe: « il faudrait qu’on se voye bientôt », par exemple.

Je pourrais bien vous expliquer comment, à l’occasion d’un stage en LSF (langue des signes française), j’apprenais que certains sourds et muets s’étonnaient: on leur disait en effet que certains entendants commettaient plus de fautes qu’eux! (En fait, je suppose qu’eux apprennent mieux que ces derniers les règles, les appliquent, et finalement, le fait que la correspondance graphie-phonie en français soit si complexe à acquérir en comparaison d’autres langues, eh bien, c’est un aspect du problème qui leur échappe, vraisemblablement.).

J’aurais bien envie de vous exposer par qui j’ai reçu un document de cinquante pages dans lequel j’ai trouvé une dizaine de fautes, et encore, comment ceux-là mêmes qui me l’ont envoyé, plutôt que de présenter des excuses, ont écrit que ces fautes étaient des « coquilles » et… j’en passe et des meilleures…

Je vous parlerais bien aussi de mon e-learning d’orthographe, de mon ex qui était ortho-dyslexique et le vivait mal dans sa vie professionnelle, le vivait mal tout court et ne l’assumait pas (mais je pourrais même raconter qu’il n’y avait pas que ça, tant s’en faut, qu’il n’assumait pas, mais là, certes, on ne parlerait plus beaucoup d’orthographe)…

Je voudrais, et puis j’hésite. Je me dis: cet article, va-t-il être intéressant? Et vais-je éradiquer toute faute ou coquille?!?

Il m’a été fait la réflexion, qu’utiliser « erreur » au lieu de « faute » était plus adapté. La raison? Eh bien, revenons à Dieu. Une dame, une intellectuelle, m’a expliqué, que le terme « faute » évoquait trop la dimension de faute originelle, évocation directe de notre culture judéo-chrétienne…

Je suis perplexe.

J’en aurais encore à vous raconter aussi sur mon ex sus-cité. Non, je veux dire bien sûr, juste sur complexe relativement à l’orthographe. A la fac, il refusait le statut de handicap de ce trouble de langage, alors que cela lui aurait offert un tiers temps ou quart temps: un peu de temps supplémentaire… La raison? S’il relisait ses propres fautes, il ne les voyait pas. Du moins certaines qui avaient fait de la résistance après huit années de rendez-vous chez l’orthophoniste échappaient à la traque.

Aussi, il ne voulait pas de ce temps supplémentaire. Mais? Ce temps n’aurait-il pas pu lui servir de toute façon, fût-ce à autre chose qu’à la relecture et à l’éradication de ses erreurs de français?

A ceux qui n’ont pas de troubles du langage, pourrait-on donner l’envie et les moyens, de ne pas esquinter orthographiquement leur propre langue?

On dit que les élèves d’autrefois, pour autant qu’ils savaient réussir des dictées et avoir une langue plus correcte, n’avaient pas autant de richesse dans le fond, dans une dissertation… (C’est là une comparaison que j’ai entendu énoncer dans le cadre scolaire, sans en connaître, sans jamais en entendre, certes, une source précise…)

Mais pourquoi voudrions-nous qu’à tout prix, un gain, un enrichissement, se paie? Ne pourrions-nous pas, tout à la fois souhaiter que les nouvelles générations gagnent en richesse de réflexion, que le contenu de leurs écrits prenne en épaisseur, et – serait-ce si fou?- vouloir que la correction de la langue n’aille pas vers un sévère appauvrissement? Ne peut-on pas s’opposer à ce que des bac +5 ne sachent pas écrire trois lignes sans fautes (erreurs) orthographiques?

«Quand j’avais cinq ans, je m’ai tué.» C’est le titre que Howard Buten donnait en 1981 à un de ses romans. Les fautes de langage, ne sont-elles pas davantage une richesse, quand vraiment elles sont expression de l’être? expression de ses sentiments? expression de son âge? de son innocence, expression non réductrice de ce qui le façonne?… plutôt que la simple manifestation d’une méconnaissance de la langue.

Je pense que les hommes devraient apprécier faire un habile maniement de la langue.

Avec un ami orthophoniste (oui, à moi aussi, son existence m’a fait savoir qu’il existe donc ailleurs que dans les statistiques, des hommes, un du moins, orthophoniste!), nous avons eu un différend, lui qui prône une simplification par réforme(s), de la langue française.

Moi, je ne suis pas pour. Je pense qu’une minorité de gens ont un trouble de langage, et qu’il faut former et donner les moyens aux enseignants, de mieux répondre aux besoins de ceux-ci. Je pense que pour les autres, il y a un manque d’envie et d’intérêt (pour ne pas aller jusqu’à parler de « fainéantise », comme d’autres, par exemple dans le commentaire laissé sur amazon.fr à propos d’un livre sur l’orthographe, n’hésiteraient pas à faire…).

Voilà. Je pensais écrire une vingtaine de lignes. Ça m’aurait fait un euro pour un nouvel article, pour peu qu’on le publiât. Et puis, voilà: une page, deux pages, combien de pages? Mon écran d’ordinateur ne les compte pas, ne les compte plus, mais si vous vous êtes penchés sur mes lignes qui se sont succédées les unes au autres ainsi, si vous avez trouvé de l’intérêt à mon article, je vous en prie: même avec des fotes, réagissez! Merci.

 

 

11 réflexions sur « « Dieu » existe. Mais, « Dieux » n’existe pas. Réflexion sur l’orthographe française. »

  1. Vous aurez peut-être noté que…

    j’ai oublié un « s » à « monothéiste » dans « les trois grandes religions monothéistes », oublié « son » entre « juste sur » et « son complexe relativement à », et enfin, j’aurais dû ne pas écrire « ées » à la fin du participe trois lignes avant la fin, la bonne orthographe étant « lignes qui se sont succédé ».

    Mes excuses! 🙂

  2. dieu avec un petit d , comme dans l’émission [b]Noms de dieux[/b] de la rtbf, émission qui existe depuis 1992!!!

  3. @liberti(n)us. dieu, dieux, Dieu… parfois avec un d minuscule. Ce n’est pas toujours avec un d minuscule que l’on écrit « Dieu ». Au pluriel, c’est un d minuscule (sauf bien sûr majuscule de début de phrase). Au singulier, cela dépend: selon qu’on parle du Dieu d’une religion monothéiste ou d’un dieux parmi plusieurs.

    En effet dans le titre auquel vous faites référence, c’est la minuscule qui s’impose. Et d’ailleurs une des façons de maîtriser l’orthographe est la mémorisation visuelle. Ainsi quelqu’un qui a bien en tête ce titre a une clé pour bien orthographier « dieux » au moins dans un de ses usages.

  4. Bravo l’article !

    Ma foi, je m’interroge : si on allait vers une simplification de notre langue, ne serait-elle pas plus parlée et mieux écrite ?

    Merci Fiela

  5. Merci Nordi,

    je ne suis pas d’avis qu’une simplification, de manière globale, aiderait nombre de gens à mieux parler et/ou à mieux écrire la langue française. Ce que je pense, c’est qu’il y a à améliorer les moyens mis en oeuvre pour que chacun puisse atteindre un niveau satisfaisant, qui lui permette un usage de celle-ci sans entrave particulière et qui ne restreigne pas ses échanges avec les autres. Cela dit, le fait même que je soumette ici mon article montre que je trouve utile que les uns et les autres puissent, si ce n’était fait, se poser la question et s’exprimer!

  6. Et la typo b… !
    En français les majuscules prennent toujours un accent quand cet accent existe sauf pour les acronymes et les sigles (EDF et non ÉDF).
    Ainsi : « À ceux qui n’ont pas de troubles du langage,[…] » est correct.
    «Quand j’avais cinq ans, je m’ai tué.» est incorrect car les guillemets doivent être suivis et précédés respectivement d’une espace : «Quand j’avais cinq ans, je m’ai tué.», mais plus la bonne typographie exige un changement de style différent du corps du texte : [i]Quand j’avais cinq ans, je m’ai tué[/i] sans guillemet et sans point (On ne met habituellement pas de point après le titre d’une œuvre).

    Pour ce qui est de la majuscule à « Dieux » il faut se rappeler la règle : Les noms pluriels des divinités s’écrivent aussi en majuscule (les Amazones, par ex.), Cependant ils gardent la minuscule s’ils font partie d’une catégorie [b]non dénombrable[/b] d’êtres mythologiques. Il faudra donc écrire « les Dieux » lorsque ce terme désignera des entités [b]dénombrables[/b] par exemple : « Les dieux égyptiens des éléments sont parfaitement identifiés. Ces [b]Dieux[/b] sont au nombre de onze. ». Il en est de même pour les toponymes, les odonymes et les titres d’œuvres: « La rue des Dieux romains » ; « [i]Le livre des Dieux du Stade[/i], par Tony Duran »

    Pas la peine de simplifier la langue ; le phénomène d’appauvrissement est une conséquence de la société de consommation : on réduit les produits au strict minimum afin de bénéficier d’économie d’échelle. La pratique qui consiste à mettre des majuscules partout en est un exemple. Qui de nos jours sait faire la différence entre « hôtel de ville » et « Hôtel de Ville » ? L’appauvrissement s’accompagne de la diminution drastique du vocabulaire, de la méconnaissance des genres, de l’ignorance de la grammaire et de la prolifération de néologismes en grande partie tirés de l’anglais : le mot « référent » par exemple est utilisé à tort et à travers pour désigner un individu alors que ce terme n’a de sens qu’en linguistique.
    La confusion entre le genre des mots et le sexe est une autre aberration qui conduit à la féminisation de certains mots du vocabulaire : la générale n’est plus une représentation théâtrale mais la femme d’un militaire… Doit-on parler d’« un [i]estafette [/i]» lorsque l’individu en question est muni de [i]génitoires[/i]? Et la poétesse est-elle une [b]barde [/b]sans être grasse ? La guide est-elle de cuir ou de chair ?
    Un autre pratique catastrophique est l’absence d’accent (voir plus haut) sur les lettres capitales.

    Il est clair que chez les seules gens instruits ce genre de texte a un sens… Les défenseurs d’une réforme en profondeur de l’orthographe sont des adeptes de la communication des médias de masse et non des amateurs de littérature…

  7. Le dieu des monothéismes qui ne sont pas que trois est le fruit de beaucoup d’imagination, voire d’intérêts personnels.

    Dieu , le vrai est ineffable, ce qui ne permettrait pas en soi de rapporter beaucoup d’argent aux écrivains et autres admirateurs ou adorateurs de leur dieu fait à leur image; un dieu qu’ils voient tout puissant pour pouvoir lui demander des faveurs ou lui attibuer un soutien morale dans une logorrhée (J’ai dû vérifier) auto-rassurante

    Vous auriez pu signaler qu’on met, mais peut-être pas académiquement, une majuscule aux pronoms possessifs et personnels évoquant Dieu.

    C’est probablement les membres de l’Institut des Frères des Ecoles chrétiennes, fondé par Saint-Jean-Baptiste de la Salle (Rémois né le 30 avril 1651, mort à Rouen le 7 avril 1719), qui introduisirent, par réflexe cultu(r)el, le mot « faute », alors qu’erreur est effectivement largement préférable, car censé moins culpabilisant. Mais on pardonnera cela à un institut qui fit beaucoup de bien aux enfants de pauvres qui ne pouvainet se payer des précepteurs privés.

  8. et l’injure « nom de Dieu » c’est aussi avec une majuscule? Bizarre comme injure quand on y pense!

  9. Après chaque article traitant un tel sujet, je ne peux m’empêcher de citer Camus: « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ». Il en est de même pour l’orthographe. Quant au divorce pour dyslexie, il doit falloir recourir à des liaisons psychanalytiques.

  10. C’est pas la vraie phrase de Camus, mais sur le fond il a raison

     » Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde « .

    Objet au sens sujet, au sens idée

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