John fuck’in Mac Lane is back !
Avec son titre original en plus ! C’est une bonne chose parce que « Jusqu’au- boutiste 4 » aurait plutôt sonné comme une production fauchée québecquoise que comme le blockbuster sous anabolisants gavé de millions de dollars que la Fox essaie de nous vendre à grands renforts d’affiches présentant John Mac Lane/ Bruce Willis comme le nec le plus ultra en matière de mâle : musclé, suant, beau dans l’effort et parti pour en chier dans une quatrième aventure.
Une aventure, disons le tout de suite comme ça c’est fait, qui n’est pas à la hauteur de la précédente (la troisième aka : une journée en Enfer) ni de la première (Piège de Cristal) mais un cran au dessus de la deuxième (58 minutes pour vivre).
« Et pourquoi ça ? »
Si vous êtes encore suffisamment éveillé pour poser ce genre de questions, allez vous mettre aux enchères sur Ebay. Et même si vous ne la vous posez pas, je vais quand même vous répondre parce que je suis un mec à la cool.
Tout simplement parce que Die Hard 1 et 3 ont été réalisés par le plus grand maître du cinéma d’action du XXème siècle : John Mac Tiernan (les fans de John Woo vont protester et d’ailleurs en tant que fan du John Woo période Hong Kong je proteste également).
Avec « Piège de Cristal » cet homme a révolutionné le cinéma d’action occidental et ce serait un travail fastidieux et affligeant que de compter tous les films qui même encore aujourd’hui reposent sur les codes qu’il a établi.
Dans Die Hard 3 qui s’appelle en anglais Die Hard with a vengeance (titre génial qui joue sur l’expression « to do something with a vengeance » signifiant « faire quelque chose de plus belle » d’où « Jusqu’au boutiste de plus belle » et sur le terme littéral de vengeance car il est question de vengeance dans le film, vengeance en lien avec le premier épisode (chut !) d’où Die Hard mais avec une vengeance en prime, bref, c’est énorme et c’est un de mes titres préférés) John Mac Tiernan a fait ce que peu d’artistes sont capables de faire : casser les règles et les codes qu’il avait mis en place pour en ériger de nouveaux encore plus démentiels. Die Hard 3 est du point de vue de la mise en scène une œuvre de pur génie avec ses caméras à l’épaule, ses zooms et dézooms, sa nervosité dans le rythme mais également sur le plan du scénario : courses poursuites infernales, énigmes tordues et 11 septembre avant l’heure et du jeu acteur avec le tandem parfait Willis/Jackson et Jeremy Irons en méchant charismatique.
Sur le plan du mythe Die Hard, le quatrième épisode arrive à la bonne moitié de la cheville gauche des films précités. C’est le travail habile et inspiré d’un réalisateur qui possède un talent indéniable mais qui ne révolutionne pas plus qu’il ne transcende quoi que ce soit.
A la limite, ce n’est pas vraiment un Die Hard car l’unité de lieu n’est pas respectée (mais justement c’est là qu’il brise les codes mec, t’as rien compris, me diront les fanatiques qui peuvent être effroyablement pathétiques et touchants dans leur dévotion aveugle) et John Mac Lane apparaît dès les cinq premières minutes du film comme un flic surentraîné (il dégomme cinq mecs à lui tout seul) pour ensuite prendre sur lui de s’impliquer dans le drame en cours (ce qui est justifié par un discours pontifiant de type « Personne d’autre que moi ne peut le faire même si je ne suis pas un héros) !!!!!!!!!
Rappel aux scénaristes :
1)John Mac Lane est un type qui est bon sans le faire exprès ou juste parce qu’il est complètement cinglé (la pirouette finale est bien dans l’esprit du personnage), pas parce qu’il est entraîné. D’où impossibilité de dégommer cinq pros en CQC (close quarter combat). Le vrai Mac Lane aurait tiré un peu n’importe comment et aurait constaté, étonné et rigolard qu’il vient de descendre cinq types.
J’en ai discuté avec un ami et nous sommes arrivés à cette conclusion : ce qui oppose ce Die hard à tous les autres, c’est que dès le début, John Mac Lane sait qu’il est un héros et agit comme tel. Les scénaristes essaient de donner le change dans un de ces nombreux passages en voiture qui sont bien commodes pour « la minute intimiste » mais le fait est là : John Mac Lane n’est plus le paumé qui est un héros malgré lui. Cela reflète t’il le besoin d’une Amérique en proie au doute qui recherche des modèles héroïques stables ? Peut être. Dans tous les cas, John Mac Lane s’est banalisé et a pris conscience de son statut (exemple savoureux mais qui trahit une fois de plus le personnage : « -Mais tu es blessé ! -Sexy, hein ? » Les lecteurs et lectrices de Elle ou Marie Claire comprendront)
2) John Mac Lane déteste s’engager dans quoi que ce soit, il ne choisit jamais les emmerdes, c’est elles qui le choisissent. D’où impossibilité de prendre la responsabilité d’aller sauver les Etats Unis en essayant de le justifier par une tirade dans une ruelle qui oppose grossièrement la maturité des adultes responsables au nihilisme infantile de la jeunesse (on va y revenir).
Ceci dit, la fin corrige un peu le tir avec un Mac Lane bien plus fidèle au personnage car se démenant pour une cause rigoureusement personnelle.
Die hard 4 est plutôt un bon film d’action avec un personnage principal nommé par le plus grand des hasards : John Mac Lane.
Ceci dit, c’est un film d’action qui dépote. Le scénario justifie plutôt bien la castagne, le rythme est nerveux sauf dans le dernier 1/3 qui ralentit un peu après l’affaire de la centrale (normal les enjeux sont clairement identifiés), la mise en scène se permet des petites audaces virtuoses (plan séquence de chute en contre plongée, la poursuite sur l’hélico avec les carambolages en dessous) et le film comporte son lot d’idées absolument brillantes et jouissives : le tunnel ouvert dans les deux sens (diabolique), le renvoi du gaz , la bagnole dans l’hélico , l’attaque de l’avion de chasse. Cerise sur le gâteau, les cinéastes américains commencent à comprendre comment filmer l’action. Mais tandis que l’école de Hong Kong se concentre sur l’impact de l’action sur la personne, le cinéma américain montre l’impact sur l’environnement.
D’où des cascades et des destructions assez impressionnantes qui font bien sentir à chaque fois la puissance du choc et l’étendue des dégâts : les corps, volent, s’écrasent, tombent, rebondissent, se font hacher ; les ponts s’écroulent, les usines explosent, les espaces sont fracturés de l’extérieur mais la fracture est filmée de l’intérieur, bref l’homme est en action avec une exploitation intéressante de la verticalité (mon idée préférée : la borne à incendie qui dégomme le tireur de l’hélicoptère).
Des bâtiments qui s’effondrent et explosent. Des corps qui ne cessent de tomber. Des pompiers et des policiers qui se précipitent dans les bâtiments en danger. Un impact que l’on a de cesse de filmer vu de l’intérieur. Ca vous rappelle quelque chose ?
Il faudra des années pour que l’Amérique se remette du trauma du 11 septembre.
Si le cinéma est l’art populaire américain par excellence et qu’il reflète mieux que n’importe quel discours, l’image que l’Amérique veut se donner d’elle-même ( dans les années 70, nous avions Taxi driver : un héros torturé, ambigu dans un monde en perte de repères ; les 80’s de Reagan ont donné Rambo, Terminator, des héros convaincu d’être dans leur bon droit car l’Amérique était de retour) que nous dit Die Hard 4 sur l’Amérique d’aujourd’hui ?
C’est là que le deuxième sens de l’expression Die Hard prend tout son intérêt. Certes « Die hard » veut bien dire « jusqu’au boutiste » mais il veut aussi dire « conservateur, réactionnaire ».
En ce qui concerne John Mac Lane, c’est définitivement un héros réac, pas de problème : il intervient pour que sa fille chérie ne perde pas sa virginité avant le mariage (j’exagère un peu mais c’est ça l’idée), il pige que dalle à l’informatique, il fait des discours pontifiants sur la responsabilité vis-à-vis de la communauté et quand on lui parle de manipulation de l’information et de contrôle des médias, il rigole et demande aux jeunes de la fermer.
Comme le résume si bien le méchant (là encore message ambigu, on va le voir un peu plus tard), il est un montre à remontoir à l’âge du numérique. Et c’est justement pour ça qu’il va gagner !
John Mac Lane a toujours été le petit grain de sel dans l’engrenage bien huilé, l’homme dont la folie douce dépasse le cadre du plan prévu. Enfin il l’était dans le 1 où son obstination chaotique contrastait avec la froide organisation des bandits Allemands (ça ne s’invente pas) et où son franc parler le distinguait des yuppies insipides peuplant le Nakatomi Plaza (l’anti Mac Lane serait le collègue arriviste qui drague Holly). John Mac Lane pouvait survivre parce qu’il n’était pas formaté.
Dans le 3, une fois de plus en opposition avec la froideur méthodique des Allemands (décidemment), il survivait car il était à l’image de New York : adaptable, pluriel, brisé mais tenace.
Dans le 4, il survit parce qu’il a le sens du devoir, il est à la rigueur le seul personnage qui exprime un idéal et une conscience de l’intérêt général dans un monde numérique où la technologie enferme chacun dans sa bulle (FBI, geek, ministère de la défense, famille).
John Mc Lane n’est plus un trublion qui tire sa réussite du chaos, il est un conservateur avec une mission et qui détruira tout ce qui mettra en travers de son chemin vers la restauration de l’ordre.
John Mac Lane est devenu conservateur, c’est un fait. Mais le film, lui adhère t’il à cette vision ?
Quelques pistes me font hésiter : principalement cette scène qui est le seul moment de pur génie du film : le message délivré par les « terroristes » en utilisant des phrases tirées des discours des présidents américains. Discours se terminant par une phrase non coupée de Bush : mettre en scène la parole officielle comme la voix du terrorisme. Brillant.
D’autre part, il y a cette idée que lorsque tout l’appareil d’état s’écroule, nous réalisons à quel point, nous sommes fragiles et vulnérables et pourquoi nous avons besoin les uns des autres en dépit de ce qu’un individualisme forcené tend de plus en plus à croire et faire croire.
Mais c’est finalement aussi un thème conservateur, l’importance de l’unité, le refus de l’atomisation, de l’hétérogénéité.
C’est d’ailleurs au non de cette unité que le méchant du film a été rejeté pour avoir osé mettre le doigt sur la vulnérabilité du groupe. Le fait que cette singularisation soit punie montre bien que le film marque clairement sa préférence vers une communauté où personne ne vient troubler le calme ou remettre en cause la sagesse officielle. Le film va plus loin jusqu’à refuser l’expression d’une pensée critique avec cette scène où le jeune est ridiculisé en tentant d’expliquer à Bruce Willis pourquoi il n’écoute jamais les infos car elles sont manipulées. Pour rappel, le film est produit par la Fox… Encore mieux, cette communauté des hackers en opposition avec le modèle de société dominant est peu à peu recyclée pour participer à l’effort général vers la restauration de l’ordre.
Et comme dans 300, ce n’est jamais par le dialogue que les choses sont résolues mais toujours par la force.
Alors oui, « Die Hard 4 » porte bien son titre. C’est un film d’action efficace mais sans génie et radicalement réactionnaire qui instrumentalise le trublion Mac Lane pour en faire le défenseur de l’ordre, des bonnes mœurs et de la Société.
Alors oui, John fuck’in Mac Lane is back mais il vote républicain et écoute du Creedence (et dire que c’était la groupe préféré du Big Lebowski, tout fout le camp).
Mais de toutes façons, qu’est ce que ça peut bien nous faire, ce n’est qu’un simple divertissement, n’est ce pas…
au passage…
la tirade sur les médias a été écrite par Bruce Willis, comme il le dit dans plusieurs interviews…il pensait qu’elle serait coupée au montage…mais non
Déja c’est pas « fuck’in » mais fuckin’…
Ensuite je la trouve pas mal du tout cette réplique moi, on se fout un peu de la gueule des théoristes du complot (qui ont pullulé après le 11 Septembre d’ailleurs) et des techno nerds qui pensent faire de l’anarchie derrière leur clavier. Ça fait du bien de recentrer les choses parfois.