Une idée de cadeau pour la fin de l’année ? Pourquoi pas le coffret du nouveau (version 3) Grand Robert électronique, soit le plus connu et complet des dictionnaires de langue (donc, non encyclopédiques) pour le français « élargi » (un peu au Québec et à l’Afrique) ? Autant je n’aurais pas recommandé de passer de la version une à la deux, autant cette nouvelle version me semble valoir de s’y intéresser… Bien que, bien que, les fonctions de recherche avancée que je découvre en v. 3 étaient déjà présentes dans la version précédente (sauf qu’elles étaient fort peu mises en valeur).

Possesseur de deux versions imprimées (la bleue, de la Société du Nouveau Littré et des PUF, de 1953, puis la verte, de 1977, en 9 vol.) du Grand Robert de la langue française, du CD de la première électronique, j’avais franchement hésité à passer à la version 2.
Mais je m’y étais fait prendre.
Certes, par rapport aux très onéreuses version papier, ou à la précédente, elle était bien moins chère, et l’interface devenait plus flatteuse.
Plus flatteuse mais finalement beaucoup plus encombrante.
La version 1 savait se faire oublier, en toute sobriété.
La 2 n’apportait pas grand’ chose quant aux contenus et le contenant se montrait encombrant (et pourtant, je travaille avec deux écrans, l’un vertical, l’autre en disposition « paysage »). J’ai eu l’impression, après achat et installation, de m’être fait avoir, certes gentiment, mais quand même (heureusement, j’avais obtenu une petite réduction en achetant sur un salon, du Livre ou autre…).

Autant dire que, si j’aurais pu – mais n’ai voulu – faire des pieds et des mains pour obtenir tant la v.1 que la v.2 en service de presse ou à je ne sais quel autre titre confraternel (peut-être en arguant de mon travail de correcteur pour une prestigieuse concurrente), cette fois, la tentation était grande. Pas très envie de consacrer 99 euros à une mise à jour cosmétique. Encore moins d’offrir le coffret (à 149 euros) sans avoir testé.

Et puis, finalement… Tout d’abord, en v. 2, il fallait remettre le disque dans le lecteur de temps à autres (oublié le nombre de consultations autorisées) pour accéder à l’interface de recherche et consultation des entrées. Pas trop contraignant, mais quand même.

Cette nouvelle version autorise trois activations (unité centrale, ordinateur portable, tablette ou machine de papa, maman, fiston ou fifille) et une « durée de consultation illimitée dans le temps ». Comprenez aussi qu’après installation, nul besoin d’insérer un disque. C’est appréciable. J’ai bien sûr, justement en raison de la consultation de dictionnaires (dont des bilingues) ou encyclopédies sur CD ou DVD, deux lecteurs. J’avais aussi réussi à créer une image ISO de la v.1, histoire de la consulter depuis un disque dur virtuel. Pour la v. 2, j’avais renoncé…

Évidemment, Le Grand Robert revu et augmenté ne dispense toujours pas de la consultation de dictionnaires bilingues techniques, comme celui de terminologie de l’Office de la langue française au Québec. Ni de consulter d’autres bases de données en ligne. Mais il embarque quand même des milliers de mots ou vocables nouveaux du style « ambiancer » (que j’emploie depuis le début des années 1980), ou « bimédia », « mobinaute », « chambreur ».
Peu me chaut. J’aurais bien trouvé les définitions, ailleurs, en ligne (au fait, une version sur abonnement mensuel est aussi proposée pour Le Grand Robert). Mais, quand même, c’est plus simple de consulter en local.

Plus simple, mais toujours pas aussi aisé qu’avec la v. 1 pour ce qui se rapporte à l’affichage. Bon, habitué désormais à la v. 2, je m’y suis fait, et je redimensionne l’affichage afin de consulter en mode un peu réduit. Et puis, la commande Alt+Tab reste disponible (mais avec une multiplicité de logiciels lancés simultanément, ce n’est pas trop pratique).

En revanche, outre des colifichets et fanfreluches (bells & whistles, transposées et adaptées), deux nouveautés sont intéressantes.

Tout d’abord, surprise, surprise, une mise à jour en ligne. Inexistante à présent, car tout bon spécialiste de la dictionnairique ou praticien sait qu’on ne va pas ajouter des mots à l’emporte-pièce et dans la précipitation (eh, rappelez-vous les lexiques de la Citizen Band, qu’Harrap voulait absolument me voir intégrer dans son Slang & Colloquialism aux dépens de termes informatiques…). Mais la fonction existe (accès via Aide > Mises à jour).

L’autre apport indispensable, c’est une vraie « Recherche avancée » avec des caractères jokers diversifiés. Il était temps. Pas que pour se livrer aux joies de la cruciverbie (pour Scrabble™ ou mots croisés), mais les cerveaux surencombrés de données, ou hélas vieillissants, doivent ou sont contraints de faire le ménage, d’oublier pour engranger.
Au préexistant joker « ? » s’ajoutent l’astérisque (plusieurs cars), l’esperluette (voyelle) et l’octothorpe, dit hash ou crosshatch ou dièse (consonne).

L’octothorpe, kesako ?
Vocable ne figurant même pas dans le Grand Robert en version 3, même pas sur Wikipedia, version francophone.
C’t’un truc de cuistre, de fat, de pédant de bas étage que Gabriel, le frère de Daniel Cohn-Bendit veut sans doute renvoyer, comme l’orthographe, aux poubelles de l’histoire.
Synonyme : octotherp.
Jadis signe cartographique signalant un hameau ou village entouré d’une huitaine de champs.
Il devrait, lors d’une mise à jour, s’intercaler entre octosyllabique et octroi.
Mots qui cette fois, s’alignent horizontalement dans la nomenclature et non plus verticalement comme dans la version précédente.
Ce qui peut obliger à utiliser davantage le curseur de défilement (horizontal, cette fois).

Un correspondant me signale que, paraît-il, le joker astérisque (*) était déjà présent dans la version 1. C’est fort possible. Je me souviens d’avoir consulté l’aide, mais je ne me souviens que du joker point interrogatif et que cela fonctionnait ou non. Un commentateur m’indique que, dans la version 2, il existait déjà des fonctions avancées. Certes, cette « Recherche étendue » était déjà présente. Mais soit j’ai très mal consulté l’aide, soit la rubrique « la syntaxe des requêtes en texte intégral » n’est pas la bonne pour lister les jokers : elle ne mentionne que les opérateurs logiques et, ou, sauf.  

Je ne vais pas inclure dans les nouveautés que Nina Catach (†1997) ne devrait pas, à titre posthume, être mécontente de voir un Laurent Catach signer la préface de l’actuelle édition. En fait, c’est juste une transition cousue de fil blanc pour évoquer les nouvelles auteures, les nouveaux entrants fournissant des citations. Pour « companionnel, elle », il s’agit de Fred Vargas (« Ariane [ndlr. serait-ce Ariane Fasquelle ? Allez savoir… Non, ce n’est pas le genre) disait “miséreux” avec ce ton compassionnel des grands indifférents… »).

Nous avons donc à présent environ 175 000 citations (ou 325 000 ? Les décomptes varient selon les pages…). La recherche dans les auteur·e·s permet aussi de retrouver des personnages ou des titres d’œuvres (ainsi Riquet à la houppe, de Charles Perrault). Cela ne vaut pas un dictionnaire des noms propres quelque peu étoffé, mais c’est un indéniable apport : l’entrée « Rimbaud (Arthur » vous affiche un résumé bibliographique, des liens vers trois œuvres du dit et un vers l’entrée Verlaine.
Surtout, la nomenclature s’affiche, ce qui permet de découvrir Lucien Rigaud ou Charles Rist…

Vous avez trouvé la citation vous convenant ? Cliquez sur le nom de l’auteur·e vous affiche sa bibliographie et son entrée dans le dictionnaire des noms propre de l’éditeur.

Un truc me gêne cependant. J’avais à reprocher à la version 2 de véritables bogues d’affichages récurrents. Mais j’appréciais la recherche de citations. Là, d’emblée, je ne l’ai pas retrouvée. En fait, il faut passer par la Recherche avancée. Auparavant, si je recherchais l’auteur Tombeur (le cardinal ou le général-baron), je tombais sur un bec. Mais s’affichaient Tocqueville, Todd, Todorov, Togo presse et Töpffer. Togo presse m’intriguait, puis me remémorait l’ordalie.
Or, là, la recherche sur l’auteur Tombeur ne me révèle plus qu’un message « il n’y a pas de résultat pour cette recherche ».
Tandis que, allez savoir pourquoi, l’ami Étienne Liebig, lui aussi absent à l’appel ou inconnu à l’adresse Grand Robert jusqu’à prochaine édition ou mise à jour, me mène vers le périodique Liège-Université (nº 18, 1982).

Feue Marie-Thérèse, autre auteure (de mes jours) m’avait appris le dictionnaire imprimé. Lequel a cet indéniable avantage d’exciter votre curiosité. Vous allez consulter les définitions des mots voisins, vous feuilletez, &c. Vous tombez d’emblée sur une page antérieure ou postérieure à celle recherchée (au fait, dit-on de pages, en ce contexte, qu’elles sont antérieures ou postérieures ? Plutôt précédente et quoi ? Ah oui, suivante ou subséquente, m’indique ma version 3).  Aboutir trop vite à l’entrée recherchée prive de maints plaisirs et découvertes.
C’est d’ailleurs pourquoi, souvent en pure perte quant à l’exhumation de sens tombés en désuétude, je me replonge à l’occasion dans mes deux éditions imprimées. Histoire d’errer, pérégriner, baguenauder, manuellement, hors clavier, oserai-je.

Revenons à notre mouton (lequel, en recherche mode « texte intégral », remonte 143 entrées, depuis aine jusqu’à yassa (pour le mouton au jus de citron).

Comme via des moteurs de recherche, on peut, avec ce mode, rechercher une expression exacte (placée entre guillemets) et les opérateurs ou et sauf (« et étant implicite »). L’expression « devant-derrière » n’a rien remonté, pas le moindre pan, mais il m’en faudrait davantage encore pour me démonter. Qui a un tant soit peu étudié la dictionnairique sait fort bien que, même à l’ère numérique, outre des choix drastiques, des oublis permissibles peuvent conduire à limiter le corpus.

Bref, si j’ose (après m’être tant étendu), cette version 3 comporte d’indéniables apports qui justifient l’achat. Vous disposerez d’une version complète, non liée à la précédente (donc, vous pourrez l’offrir, ou la prêter). 

Au nombre des infimes lacunes, certes partiellement compensé par l’affichage d’un historique de navigation (à gauche des définitions ou notices), l’impossibilité d’un retour en arrière (ou aller en avant) par flèche (il faut passer par Recherche > Aller en… ou utiliser une commande Ctrl). Cet historique affiche nonobstant 20 entrées, ce qui est confortable. Ooops, pardon, je n’avais pas vu les flèches précédant les intitulés (les entrées). Au temps pour moi. Au temps pour les crosses ! Cette expression, valant injonction de recommencer, m’est révélée par une recherche sur l’expression exacte « au temps pour ». CQFD.

Tout formateur en logiciels vous le confirmera.
Il se trouvera toujours des utilisateurs qui, lorsque vous leur présentez la toute dernière version, découvriront des fonctionnalités présentes depuis la beta 0.1 (ou, pour le moins, une version très antérieure).
C’est ainsi que je viens de m’apercevoir que la vue « Exemples et expressions », présente en v. 2, est bien pratique.
En revanche, la vue « Étymologie », effectivement d’intérêt très limité, a été estimée superflue dans cette v. 3.
Les vues (d’affichage, donc) ont été remaniées, simplifiées.
Celle intitulée « Voir aussi », peut-être présente d’autre manière antérieurement, fait office de dictionnaire analogique. Elle affiche de même les contraires et les dérivés (et la phonétique mais non le ou les étymons).

Une aide contextuelle très simplifiée (par exemple, placez le curseur sur « Dérivés » et une explication s’affiche) s’applique aussi à divers boutons (ainsi, deux des modes normal ou étendu pour les citations, l’étendu remontant les citations issues de renvois). Cela fonctionne à peu près bien.  

L’aide « en ligne » se situe en fait en local (la consultation se fait via le navigateur par défaut, mais les pages ont été installées sur disque dur) et non au distant (sur le site de l’éditeur).
Ce qui me fait penser que l’expression « localiser en » (ou vers… une langue autre que celle de l’original d’un logiciel) aurait gagné à faire son entrée (à moins que je ne me rende plus compte qu’elle est devenue obsolète dans le jargon de la traduction ; le sens technique de « foisonnement », en traductologie, a aussi été omis ou reste inconnu, dommage…).

Le lien vers les dictionnaires Le Robert est fort discret (en bas de l’une des pages d’aide). Il convient donc de le consigner ici (www.lerobert.com). Cela vous permettra de vérifier que cette version est disponible (comme les précédentes) pour IBM-PC compatible (et pour l’autre système d’exploitation commercial concurrent bien connu des iFans ; mais pas vraiment pour les Linux-like).

Un truc encore à signaler. Évacher (avachir [s’]), verbe nouvel entrant, m’a fait songer au mal orthographié « flappi ». Auparavant, entrer « flappi » pointait sur flaque dans la monemclature. Une flaque peut-être flasque (hum…), mais immédiatement précédée par flapi. Là, « flappi » m’affiche « flapi, ie • adj. ». Tandis que « floppi » me mène droit à « floqué, ée », une fois (là, ce n’est pas du belge). Ou au message d’erreur, une fois (là, c’en est), enfin, suivante, « Il n’y a pas de résultat… ». Qu’en penser ? Bah, qu’à rien ne sert de chercher des crosses (homonyme pluriel de crosse), dérivées du v. pop. crosser (1790) du lat. glocire.

Je prends donc les crosses de ce Robert v. 3 (limite impropre, car on les prends de quelqu’un et non de quelque chose). Ce Grand Bob (hypocoristique, adj. ou N. m., familier, comme Toshop’ pour Adobe Photoshop) vaut bien un coup de bob (de bonnet), stigmatisé encore de l’appellation « anglicisme ». Allons bon ! « Les mots anglais ayant durablement intégré le français… » ne sont pas ainsi coiffés. Il me semblait pourtant bien qu’au tournant du demi-siècle dernier (et même auparavant, circa 1946-1947, voire, allez savoir, 1916 environ), le bob, autrefois prisé des marinettes (auxiliaires féminines de marine), des Wrens en goguette avec des marins de l’U.S. Navy, commençait par intégrer la langue de Molière.    

On peut toujours chipoter à l’infini les auteur·e·s de dictionnaires, les encyclopédistes (celle de la Librairie et des Éditions des Femmes (Dictionnaire universel des créatrices), recensant les femmes célèbres, serait, paraît-il en voie d’achèvement).
En revanche, un truc m’intrigue…
Dans l’argumentaire en ligne (sur le site des dictionnaires Robert), je lis encore que, sous Windows et pour la version en ligne, « un hyperappel généralisé permet d’accéder à tout moment au Grand Robert depuis n’importe quel logiciel ou application ».

Bon, pour Prolexis, ou le Petit Prolexis, ou Myriade, de Diagonal, un correcteur orthotypographique, je lance InDesign ou Quark Xpress, et « ça le fait ». Là, si je lance MSWord ou MSOutlook, par exemple, que se passe-t-il&nbsp? Ou me fallait-il redémarrer mon ordinateur pour que des macros s’installent ou s’activent ?
Ah ben, non, car je lis dans l’aide « il suffit de sélectionner le mot dans votre application (en général par un double-clic) puis de cliquer sur le bouton de l’hyperappel ci-dessus (simple clic), dans la barre des tâches ». Soit que, dans la barre des tâches Windows, une icône s’installe. Cela « fonctionnait » déjà en v. 2, renvoyant le plus souvent un message « assertion failed ». En version 3, j’ai l’impression que cela s’embrouille avec la v. 2, non-désinstallée.

Bon, allez, l’important, c’est que « hyperappel » figure bien dans cette v. 3 (et non déjà dans la v. 2, où pourtant, la fonctionnalité était présente). Attention au faux-ami, un hypercall, lui, permet de décrocher son téléphone en surlignant un mot, ou un truc encore plus complexe pour Linux ou Windows (employé pour la virtualisation et l’interopérabilité).
Ce qui laisse de la marge pour une future version 4. Mais ne l’attendez pas, la 3 devrait vous apporter de nombreuses satisfactions. Enjoy! (anglicisme ? Non, pas déjà…).