Des normes hors normes


Loin des turpitudes des mois derniers à l’Assemblée Nationale sur le mariage pour tous et des amendements en série, tellement nombreux que la situation en est devenue ridicule, le gouvernement a mis sur pied une commission dans le but de faire un tri parmi la foultitude des normes existant dans le pays. Un travail de titan tant elles sont nombreuses et souvent obsolètes, incohérentes voire abracadabrantesques, en complète inéquation avec le contexte actuel. Comme si les normes se déposaient en série comme des strates de terre, années après années, recouvrant les anciennes sans les annuler. Ce décrassage administratif sera bien utile pour y voir plus clair et améliorer l’efficacité de l’Action Publique.


Cette mission d’essartage paperassier a été confiée le 21 décembre dernier par le Premier Ministre, via la ministre de la Réforme de l’État, Marylise Lebranchu, à Alain Lambert, ancien ministre et président du Conseil Général de l’Orne, et à Jean Claude Boulard, maire du Mans. Une tâche, car c’est bien de cela dont il s’agit, octroyée lors de la réunion officielle interministérielle visant à rendre l’Etat et son fonctionnement plus fluide. Autant dire que les rapports rendus le 15 mars sont scrutés avec beaucoup d’attention car de leurs analyses beaucoup de conclusions devront être tirées.


Leur premier objectif : déterminer les méthodes et les outils pouvant définir si une norme reste nécessaire ou non pour la bonne gestion des collectivités territoriales. Ensuite, recenser toutes les normes jugées inutiles pour décider s’il faut les maintenir en les modifiant, afin qu’elles soient en concordance avec l’ère du temps, ou bien tout simplement les abandonner en les abrogeant. Pour ce faire, la commission s’est tournée sur le constat des élus locaux, des entreprises et des plus assujettis, c’est à dire des citoyens. Comme Internet est un formidable lien entre les Hommes, où tout le monde peut apporter sa pierre à l’édifice, un blog a été créé pour l’occasion : missionnormes.fr. Il faut savoir que maintenir des normes cela coûte de l’argent, en maintenir trop cela s’appelle gaspiller des fonds publics, du temps et provoquer des instabilités administratives. Engendrant une accumulation de décrets, d’arrêtés et de circulaires, si bien que l’on ne sait plus à quel saint se vouer.


Jugez par exemple qu’il y a des règles immobilières prescrivant une taille de 50 cm de capitonnage sur les murs tout autour de l’enceinte d’un dojo, le tout chiffré à 5 millions d’euros. Autre cas absurde, l’obligation dans la cathédrale de Clermont, d’inverser le sens d’ouverture des portes pour plus de « sécurité ». Ou bien encore l’application des Grenelle I et II sur l’environnement imposant aux entreprises de plus de 500 salariés, aux établissements recevant du public et aux collectivités territoriales de plus de 50,000 habitants, d’effectuer un bilan sur les émissions des gaz à effet de serre et sur le suivi des plans climatiques, des mesures très onéreuses et pas toujours adaptées.


Allons plus loin dans les prises de tête inutiles. Les plats chauds servis dans les cantines doivent respecter des poids bien précis, les chipolatas sont calibrées, les friands doivent peser entre 55 et 70 grammes, le nombre de boulettes est proportionnel à la classe de l’enfant, en maternelle, c’est 2, en primaire 3 et 4 ou 5 au collège. Dans les centres de soins, il faut proposer au moins 4 ou 5 plats différents, une bonne idée mais cela coûte cher et fait fi du gaspillage. Sachez que les bandes peintes au sol aux passages piétons ne sont pas disposées au hasard, elles suivent des écarts très rigoureux. Les exemples ne manquent pas et leur énumération pourrait continuer encore longtemps.


Même si les normes s’amoncellent et dilapident les caisses de l’Etat, leur nombre ne cesse de croître. En moyenne, 300 normes sont instituées par an mais le stock serait de 400,000. En règle générale elles portent, pour un tiers d’entre elles, sur la revalorisation de la Fonction Publique, un autre, pour le Social et le reste pour se mettre en concomitance avec les règles européennes. Des lois aussi inappropriées et sans concession, à l’instar de l’installation d’ascenseur dans les bars possédant une cave, provoquant des coûts immobiliers très lourds et la fermeture de nombreux d’entre eux. Si en 2009, elles coûtaient 558 millions d’euros, en 2011, elles représentaient déjà 778 millions d’euros et bien plus à l’heure actuelle. En temps de crise, il est inadmissible de laisser passer cela car ce sont toujours les contribuables les plus pressés comme des éponges qui les financent. La tuyauterie est encrassée et il est nécessaire d’y mettre une bonne dose de dégraissant.

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