Réalisateur : Jean-Marc Vallée
Date de sortie : 6 avril 2016
Pays : USA
Genre : drame
Durée : 100 minutes
Budget : NC
Casting : Jake Gyllenhaal (Davis Mitchell), Naomi Watts (Karen Moreno), Chris Cooper (Phil), Judah Lewis (Chris Moreno)
Jeune banquier ayant réussi dans les affaires grâce au népotisme pur provenant de son beau père, Davis semble mener une vie bien rangée auprès de sa femme, sa maison d’architecte et sa belle Porsche Cayenne. Cette existence bascule quand un accident de voiture emporte son épouse. Au lieu de fondre en larmes, il va faire une lettre de réclamation à la compagnie gérant les distributeurs automatiques de l’hôpital pour ne pas avoir eu son paquet d’M’M’s alors qu’il attendait la mort de sa femme. Une lettre dont les nombreuses digressions attirent l’attention de Karen du service client.
Comme à son habitude, dans tout ce qu’il entreprend, Jake Gyllenhaal est brillant. Parfait, il maîtrise son personnage apathique mais attachant d’homme d’affaire parfaitement fagoté en costume cravate noirs, rasé de près, sombrant dans une curieuse forme de folie destructrice. Davis devient monsieur Bricolage, il démonte le frigo qui fuit chez lui, les portes des toilettes qui grincent, son ordinateur et jette son dévolu sur l’horloge hors de prix de son boss, legs familial depuis des génération. Il en vient même à payer des ouvriers pour pouvoir détruire les murs d’une maison. Une transformation psychologique et physique, Davis arbore des boots en daim, un pantalon trop grand et une barbe naissante pour s’adonner à ses nouvelles préoccupations. Cet homme inattentif, fruit d’une société spéculative reposant sur l’aspect, se meut en observateur du monde qui l’entoure, en bricoleur, en démonteur, destructeur pour voir ce qui se passe à l’intérieur des objets mais également dans son coeur. Un palpitant qui ne palpite plus trop et qu’il croit dévoré par un bombyx. Ses émotions sont en panne. Bien que sa femme soit morte tragiquement, pas une goutte de larme, pas de tristesse, de remord, de regret, de haine, uniquement un vide abyssal. Il arrive même à se demander s’il a aimé sa femme.
Jake Gyllenhaal n’est pas le seul à rayonner dans ce mélo, il faut compter aussi sur Naomi Watts qui malgré un coup de vieux garde toujours un charme indéniable. Pauvre mère addicte au cannabis, elle a fort à faire avec l’éducation un brin chaotique de son fils Chris. Interprèté par un Judah Lewis terriblement androgyne et convaincant dans un rôle où le personnage se cherche sexuellement, aime-t-il les filles ? Regarde-t-il les mecs avec envie dans le vestiaire après le sport ? Un personnage très rock’n’roll et tourmenté. Cette rencontre hasardeuse permet à Karen de trouver une bouée de sauvetage, bien que maquée avec un homme, elle ne l’aime pas. Cette correspondance, de nombreuses lettres vont être échangées, prend la forme d’une romance clandestine et sincère car écrite à cœur ouvert.
Beaucoup de choses sont métaphoriques dans ce film. Davis considère sa vie comme telle depuis que sa femme est partie, il semble déconnecté de la réalité, ne comprends plus très bien où il est, ce qu’il fait, ce qu’il doit faire, il est comme une coquille vide sur l’océan de la mélancolie. Voguant à droite, à gauche, constamment en mouvement mais ne sachant pas comment atteindre son but. Demolition est le deuil de Davis, sa façon de gérer la mort de sa femme. Certes elle n’est pas conventionnelle, pas de cri ni de pleur, mais un visage légèrement souriant et un regard perdu. Progressivement le passé refait surface par le biais des lettres et des flash, des souvenirs remontant à la surface comme des bulles dans un champagne, des petits détails qui permettent de voir plus clair. Certes Demolition possède un fond dramatique mais le film est bourré d’énergie positive et d’humour. Un condensé de philosophie pure et une vraie leçon de vie. La mort est une chose qui détruit les familles, le mari, les parents, les proches mais c’est également l’occasion de rebondir et de partir sur de nouvelles bases, prendre conscience des petites subtilités qui au fond, forment la richesse d’une existence.
Dans la fond le film est assez irrégulier, partant sur un jeu de pistes intriguant entre Karen et Davis, il se mu en errance identitaire. Le spectateur est un peu comme Jake, égaré dans ses délires. Heureusement, le film est fourni avec une bande son joyeuse et rythmée qui donnerait presque envie de danser. Le film vaut aussi pour sa mémorable scène de destruction de la maison, froide et hostile synonyme d’une vie révolue. Afin d’accentuer le réalité, le réalisateur a voulu que Jake et Judah vandalisent vraiment les meubles et les murs. Pas de plâtre donc, mais du vrai béton, du vrai bois, du vrai verre et du vrai marbre. Demolition est un film touchant, authentique et qui se veut proche de spectateur, en témoigne les lumières naturelles et la caméra à l’épaule, effet désiré afin de casser cette frontière matérialisé par une toile blanche.