Quoi de mieux pour juger de la déliquescence de nos concitoyens que de les observer pendant les vacances…
J’ai eu une très mauvaise idée. Pour la fin de ma carrière professionnelle, j’ai repris avec mon épouse une petite brasserie située dans une cité médiévale, donc touristique. Cela fait 15 ans que je n’avais pas touché à la restauration. En effet, on gérait depuis ce temps un hôtel sans restaurant.
Et puis une opportunité s’est présentée et hop, on s’est retrouvé dans l’ambiance. Un confit de canard pour le 12, une entrecôte saignante pour le 15, et pour la petite dame, qu’est-ce que ce sera ? Une petite salade fraîcheur, c’est parti.
Début avril, pas de problèmes majeurs sauf que je trouvais que les clients ne se lâchaient pas beaucoup. Ma provision de bonnes bouteilles de vin ne faisaient pas l’unanimité. En revanche, le pichet de vin ordinaire, oui. Diantre ! Que Paso ?
Je n’avais pas le temps de réfléchir à la question, et puis l’effroyable vérité à commencé à poindre son nez courant mai. Apothéose en juin/juillet, pour enfin arriver à une consommation à peu près normale, bien que pas terrible, en août.
Tout au long de cette saison jusqu’à aujourd’hui, la constatation est édifiante : les gens consomment peu et très mal. La crise sert de blanc-seing à tout un chacun qui en rajoute une couche. Si la crise était vraiment là, les gens ne gaspilleraient pas la nourriture. La crise ? Quelle crise. Celle que les médias nous rabâchent depuis 2008? Celle que les gouvernements ont mise en place pour augmenter les taxes directes et indirectes ? Celle que les grands groupes alimentaires ont créée pour augmenter les matières premières ? Allons donc. Si les gouvernements et certaines Multi-nationales aidés par les médias nous ont fait croire à la crise, nos concitoyens ont sauté à pieds joints dans "la crise". C’est d’ailleurs pour ça que des sites comme Blablacar ou Airbnb ont autant le vent en poupe. Loin de moi de critiquer plus que ça, mais il faut bien avouer que pas mal, d’utilisateurs poussent un peu loin le délire. C’est devenu plus une mode qu’un véritable moyen d’économiser des sous. A part pour une très petite minorité, cela va de soi.
Que l’on m’explique si c’est la crise, pourquoi beaucoup de touristes ne finissent pas leurs assiettes ou ne finissent pas la glace du petit dernier. Ce n’est pas bon ? Oh, mais si monsieur, mais pensez-vous, je n’ai plus faim… Plus faim pour ne pas finir le sorbet framboise du gamin ? Sans blagues…
Les gens consomment mal. Ils vont claquer 30 euros dans des chocolats moyens, des nougats à la mode et des churros, mais vont venir me casser les pieds pour un plat du jour à 9,80 €, carafe d’eau. Un petit dessert ? Oh non-monsieur, pensez-vous, on a bien mangé, on ne peut plus rien avaler, houla, là… L’addition.
C’est cela, prenez-moi pour une truffe…
J’avais à un moment donné, quelques magrets de canard dont la DLC allait arriver à son terme. Au lieu de les perdre, je me suis dit, bon, je vais les mettre en plat du jour à 9,80€. Miracle, Miracolo, Wunder, Milagro… Quatre seniors et plus. On a vu votre plat du jour, et on vient pour ça. Oh ben oui, hein, vous comprenez…
Bon allez, assis les papys. Vous buvez quoi avec ça ? Carafe d’eau ? Pas possible !
À la dernière bouchée, une des mammy s’est précipitée à la caisse en me laissant le compte exact. Ils fuyaient comme des voleurs. Je n’ai pas pu m’empêcher de lui dire qu’il fallait qu’ils arrêtent de s’éclater comme ça, qu’ils risquaient une rupture d’anévrisme… Pathétique et affligeant !
Il y a aussi le cas du gars qui sort sa chérie, avec de grandes manières, qui se la joue, ah chérie, chérie, je t’aime et… Bon, plat du jour carafe d’eau. Un petit ballon de vin ? Non, ben non.
Poétique. J’aurais fait un coup comme ça à mon épouse, je lui aurais donné l’autorisation de divorcer.
Tiens en voilà quatre autres. Ce sera ? Deux Croques Monsieur et deux saucisses frites. Oui. Un peu de vin ? Unanimes : non, on conduit. Ah ! Ben oui. Vous êtes quatre à conduire ? Heu… Un ange passe… Voix timide : une carafe d’eau. Original !
Autre maladie à laquelle je n’étais pas habitué, la vitesse. Plus ca va, plus les gens mangent vite. Au diable l’aspect ludique du resto, c’est l’heure de bouffer, alors bouffons. À peine, la fourchette posée, hop, il y en a un qui vient payer. Mais heu, le petit dernier, il n ‘a pas fini son hamburger fais-je remarquer à la brave maman… Pas grave, il finira en marchant.
Je passe sur quelques-uns qui, en entrant, s’exclament "Manger, boire, bière, glouglou… ". Pas de formules de politesse, ni rien. "Manger, faim, bais…" "Pas ici Monsieur quand même. Mais dites, moi, vous vous êtes évadé depuis quand ?
Il y en a même un qui m’a fait le coup d’acheter une petite bouteille, de terminer la sienne devant moi en rotant, de me dire que ca va mieux et de repartir. Ben oui quoi, comme à la maison…
Je passe aussi sur la bonne quinzaine de personnes par jour voulant utiliser les toilettes du resto sans rien consommer, bien sûr. Immanquablement, je les jette, mais ca devient lassant. Ras, le bol de jouer les gardes-chiourmes. J’ai tenté d’expliquer à une personne, qu’une chasse d’eau ayant une contenance de 9 litres, X par 20 personnes par jour = 180 litres d’eau x 30 jours = 5 400 litres par mois. Plus le savon, le papier, l’essuie-main… A part me regarder avec une expression aussi animée que l’œil d’une carpe, je me suis dit que j’allais économiser ma salive.
Hop, dehors. Du balai. Vous consommez, vous allez aux toilettes sinon, pas question.
Autre sport national nouveau chez les touristes, jeunes ou vieux d’ailleurs. Le coup de la bouteille d’1,5 litre vide à remplir d’eau.
Le premier qui s’est pointé était un sexagénaire. J’ai trouvé la façon de faire extrêmement légère et il m’a pris en plus pour une truffe. J’étais sûr que vous alliez me remplir ma bouteille m’a-t-il dit l’air ironique.
Pour rappel, on est tenu d’offrir le verre d’eau, mais pas de remplir les bouteilles ni les cubitainers. J’en ai jeté quelques-uns comme cela qui évidemment m’ont dit que je n’étais pas aimable. Notamment des cyclistes, qui rentraient presque avec le vélo pour faire remplir leurs gourdes. Non mais je rêve. Des retraités pleins de blé qui se foutent de la gueule du monde et surtout du commerçant.
Mais oui, c’est vrai le commerçant, il n’est là que pour remplir les gourdes et faire office de Madame pipi. On se demande comment il va faire pour payer son loyer, mais ça, c’est une autre histoire.
Je passe aussi sur les utilisateurs des toilettes et qui oublient de fermer le robinet d’eau, de tirer la chasse et de nettoyer après leur passage.
Je passe aussi sur les 75 % des clients qui n’ont rien à se dire quand ils mangent, mais dont le jeu consiste à fixer le cuisinier qui œuvre devant ses fourneaux (cuisine ouverte) ou de fixer le serveur, car ils ont englouti le plat en 1 minute. Bonnes vacances… Le problème est qu’ils sont comme ça toute l’année. C’est ça qui est dramatique.
La bouffe TGV, c’est le pied. Bientôt la bouffe LGV. Encore plus vite, le tout avec le nez dans le portable ou dans la tablette.
Faire manger les gosses à 14h. C’est la mode aussi. Les gamins sont bien entendu, infernaux, car ils ont faim. Et évidemment, c’est au restaurateur de pédaler, car, vous comprenez, ils ont faim les chérubins. Vite, il faut aller vite pour calmer les chères têtes blondes. Énervant à la fin. Vous ne pouvez pas les nourrir à une heure convenable, 12 ou 12h30 ? Trop difficile ? Pas mal de parents sont totalement irresponsables à ce sujet. On gave les gamins de sucre, et on les nourrit à des heures indues. Faut pas s’étonner qu’il y ait de plus en plus de jeunes obèses et d’excités.
Autre effet de mode. Entrer dans une brasserie et ne pas consommer. Qu’ils soient deux, trois, quatre ou plus, il y en a toujours un pour vous dire qu’il n’a pas soif. Ah… 38° à l’ombre, mais pas soif. Tiens donc.
Il y a aussi le coup du café pour 1, mais 5 aux WC. C’est pas mal non plus ça.
Bref ! À 75 %, les gens ont des oursins ou des cactus dans les poches. Comme si le commerçant était responsable de leur pingrerie débile. Mieux vaut faire du gastronomique. C’est au moins un domaine ou les gens se lâchent plus. Même si, cela demande un travail très rigoriste, au moins l’argent rentre un peu. Parce que le petit resto, lui, aura disparu dans 15 ans. Vive Flunch, vive Mac Do. C’est déjà acquis. Mais que personne ne vienne se plaindre. Vous l’avez voulu, vous l’avez donc et vous l’aurez. Déjà, nous avons les zones commerciales autour des villes, aseptisées et homogénéisées. Les mêmes marques partout. De GIFI en passant par la Halle aux Chaussures pour finir chez Kiabi. Que ce soit à Besançon, à Brest ou à Marseille, jamais dépaysé. Super, ma Foir’fouille à moi est là. Larmes à l’oeil.
Les gens sont de plus en plus égoïstes. Uniquement leur petit monde. Sous couvert d’un vernis social branlant, il faut du "tout mâché". Surtout ne pas réfléchir, cela fait mal aux neurones. Tout est dû aujourd’hui. Tout.
Les gouvernants sont le reflet des gens. De droite comme de gauche d’ailleurs.
La déliquescence de nos élites est directement proportionnelle à la déliquescence de chacun. CQFD
« La charité du plus grand nombre se refroidira,
parce que l’iniquité se sera accrue » dit Jésus.
NOT HAPPY END !!!!