Delanoë et le libéralisme

Si le libéralisme veut dire « marchés libres » et rien de plus, il serait en effet surprenant que la gauche reprenne cette étiquette à son compte. Il me semble pourtant que Delanoë n’a pas mérité les foudres qu’il s’est attiré de toutes parts. Car le libéralisme ne veut pas forcément dire « loi du plus fort et du plus friqué » : c’est en effet une philosophie de la liberté et de l’émancipation, puisant ses racines dans le XVIIIème siècle.

Bernstein, ce socialiste allemand qui a rompu dès 1890 avec l’orthodoxie marxiste, a tout exprimé en peu de mots : « Le libéralisme, nous dit-il, avait pour mission historique de renverser les barrières que les institutions du Moyen Age opposaient au développement économique. Peu importe qu’il ait d’abord adopté la forme du libéralisme bourgeois : il représente un principe d’une portée beaucoup plus universelle dont l’aboutissement est le socialisme », puisque celui-ci cherche à éliminer la « servitude économique ».
Le libéralisme authentique, c’est en effet la séparation des pouvoirs, le refus de l’arbitraire au profit de l’accroissement de l’autonomie humaine, l’éloge du pluralisme, l’homme comme finalité de la sphère productive. C’est donc un héritage à défendre et assumer, alors qu’en France les pouvoirs sont concentrés de façon incroyable, et qu’à l’échelle planétaire une globalisation laissée à elle-même aboutit à la constitution d’une nouvelle aristocratie financière. Un vrai libéral, s’il est conséquent avec lui-même, admet que les droits civiques ne constituent qu’une liberté atrophiée si la question sociale n’est pas prise en compte. Donc, sans se dire « antilibéral », et même en rejetant ce qualificatif absurde qui ne cache parfois qu’une radicalité de façade, on peut tout à fait défendre le principe d’une redistribution par l’impôt progressif, un accès égal aux biens fondamentaux (eau, logement, santé…), et la promotion d’un secteur d’économie sociale échappant aux dérives du capitalisme financier.
La supériorité du socialisme sur le libéralisme reste toutefois de concevoir l’homme comme autre chose qu’un loup pour l’homme, mais comme un être aspirant aussi à une dimension sociale, et se réalisant autant dans la coopération que dans l’émulation avec ses congénères. Le vrai manquement de Delanoë, c’est de ne pas préciser cela, et de ne pas assez relever en quoi le système économique actuel est en contradiction totale avec la tradition libérale que la gauche peut à juste titre revendiquer.

Une réflexion sur « Delanoë et le libéralisme »

  1. Ne serait-il pas plus simple d’en venir vers une Sociale Démocratie à la Scandinave ? Je pense que ce serait beaucoup mieux qu’un Socialisme pur et dur et beaucoup mieux qu’un libéralisme pur et dur !

Les commentaires sont fermés.