L'information n'a pas fait grand bruit : une grande entreprise française, le groupe Saipol (propriétaire de Lesieur), numéro un français de la transformation des oléagineux, a acheté à bas prix et commercialisé de l'huile de tournesol originaire d'Ukraine, avant de constater tardivement que l'huile avait été mélangée avec de l'huile de moteur. Le Canard enchaîné s'est emparé de l'information le 14 mai et a révélé que si une grande partie des produits a été retirée des magasins, certains lots de produits contenant encore de l'huile frelatée à hauteur de 10% maximum, sont toujours en vente, ce qui après recherche est bien le cas, avec la bénédiction de l'AFSSA et de l'AESA, deux organismes sanitaires, français pour l'un et européen pour l'autre. Ces produits ont été diffusés dans plusieurs pays européens et sont encore sur les rayons de nos grands magasins.

De larges extraits de l'article du canard enchaîné sont en consultation sur le site Naturavox, article qui relate comment 40000 tonnes d'huile frelattée en provenance d'Ukraine ont atterri en Europe , destination la France, mais aussi l'Espagne,  l'Italie et les Pays-Bas. Pour la seule France, sur 2800 tonnes d'huile livrées, 19 auraient plus particulièrement leur place dans des moteurs de voiture. Il faudra un mois pour que le mélange soit constaté, non pas par l'entreprise Saipol, mais par un de ses clients, un industriel du nord et un mois de plus (le 21 avril) pour que l'entreprise en alerte la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) française. Entre temps selon Saipol, cité par le canard enchainé, l'huile aurait été raffinée et vendue à "une trentaine de clients de l'industrie agroalimentaire", non citées par le groupe.

Si les produits sont rapidement retirés, certains vont rester en vente, après analyse des services sanitaires, comme ne représentant pas un danger suffisant pour le consommateur, sous 10% de cette huile dans le produit final. Le Canard enchaîné explique "contrairement à ce qu'ont d'abord assuré la Commission européenne et les pouvoirs publiques français, tous les produits additionnés d'huile contaminés n'ont pas été retirés des rayons. En effet, le 2 mai, la Commission européenne s'est fendue en catimini d'une recommandation autorisant la vente de tous les aliments contenant moins de 10% d'huile de tournesol frelatée". Ces renseignement sont confirmés par des documents officiels (communiqué de presse du 15 mai  et le point de la situation), selon lesquels le 30 avril, l'AESA (agence européenne de sécurité alimentaire) indique "que l'huile en cause est d'un faible niveau de toxicité" et conclue le 7 mai à "l'absence de danger pour la santé humaine". Néanmoins, ce sont 150 à 200 références qui sont concernées et aussi, à présent, surveillées : ces produits ne devront pas excéder 300mg d'huile contaminée par kilo du produit fini. Il n'y aurait pas d'additif toxique dans l'huile de moteur ajoutée et un homme de 60 kg pourrait en avaler 1,2 grammes par jour sans risque pour sa santé…
Parmi les produits concernés se trouvent les mayonnaises, les plats cuisinés, les conserves contenant de l'huile (les sardines par exemple) et selon Natura vox "Parmi lesquels (les industriels) on trouve Saupiquet, Unilever (propriétaire de Knorr, Magnum, Fruit d'Or, Miko, Planta Fin, Amora…) mais également Carrefour Promodès et Auchan. Ainsi, on peut trouver cette huile de moteur dans des batonnets de Surimi, du cèleri rémoulade, de la soupe de poisson en conserve, du poisson pané, des paupiettes de veau, du thon et des sardines à l'huile, mais aussi dans la pâte à tartiner chocolatée, le blé pour petit déj', les gauffrettes à la confiture, les barres céréalières et sucrées pour les enfants, les cookies et bien sur la mayonnaise, le tarama, la sauce béarnaise et enfin de la sauce vinaigrette."
Aucun des produits déjà vendus n'a été rappelé, aucun appel à la vigilance n'a été lancé pour le consommateur, à ma connaissance.
L'on s'étonnera de ce que les services sanitaires concluent à un faible niveau de toxicité (même faible, un niveau de toxicité signifie bien que la toxicité existe) avant de conclure à "aucun danger pour la santé", autorisant la commercialisation sous 10% d'huile, tandis que la Grèce a par précaution, après avoir repéré un lot contaminé, mais pas signalé parmi les autres par l'Union européenne, retiré tous les produits importés depuis le 1er janvier contenant de l'huile de tournesol, ce dès le 20 mai. Un peu plus tard, le 23 mai, Bruxelles soumet les importations à des normes plus strictes en exigeant un certificat sur les huiles importés… d'Ukraine uniquement!
Quelques constatations s'imposent : le groupe Saipol a importé un produit à bas prix et n'a vraisemblablement pas pris la peine d'en vérifier la qualité, c'est un client qui l'a fait après achat (selon les informations dont nous disposons, l'industriel du nord). Le temps de réaction pour prévenir les services concernés est anormalement long, un mois pour constater, un autre mois pour prévenir. Le consommateur n'est pas réellement avisé des différents produits concernés et achètera à son insu des produits contenant de l'huile de moteur pour sa consommation propre, ce qui lui enlève sa liberté de choix en tant que consommateur. Bruxelles réclame un certificat pour l'Ukraine, mais l'huile pourrait tout aussi bien venir d'un autre pays, à ce titre l'on s'étonne que cela n'existe pas déjà et que la mesure ne soit pas appliquée à tout achat d'huile d'où qu'elle vienne. Enfin personne ne mangerait en conscience une huile additionnée d'huile de moteur… Les produits affichent généralement leurs ingrédients, il serait intéressant de trouver sur nos boites de sardines le pourcentage d'huile de moteur utilisée pour leur confection.

Enfin chers lecteurs, il n'est pas difficile de faire sa mayonnaise soi-même et faire une vinaigrette est à la portée de chacun. Inutile donc de se fournir en produits déjà tout faits. Le numéro du service consommateurs de Lesieur au 0 810 193 702 (tarif appel local) pour ceux qui seraient tentés de téléphoner (information issue du site bellaciao) pour demander un complément d'information. Ajoutons que certaines associations de consommateurs existent et pourraient ici prouver leur utilité en élevant la voix face aux pouvoirs publiques notamment européens, n'hésitons pas à diffuser cette information.

Merci à Mirabelle, qui avait déjà entrepris de diffuser l'information.