Des gourous du développement durable
Lorsque j’ai écrit cette chronique écologique, il y a 4 ans, je l’avais intitulée : « des ayatollahs du développement durable » mais comme je n’ai pas envie de me faire buter par un de ces barbares barbus et de connaître le même destin que les artistes de Charlie Hebdo, j’ai choisi le mot « gourous » tout aussi dangereux idéologiquement mais un peu moins meurtriers !
Qu’a-t-il bien pu se passer en si peu de temps pour que notre monde fût autant affecté par le CO2 ? Ce gaz inoffensif aux faibles concentrations, présent dans notre atmosphère, est devenu, en quelques années, le guide suprême de nos existences, le dictateur absolu, le Duce, le Führer, bref, le nouveau Néron.
En effet, sa nature gazeuse et donc insaisissable, l’apparenterait plutôt à une créature mystique plus proche du Dieu vengeur punissant les hommes de leurs péchés que du tyran ordinaire.
Bien entendu, comme toute créature divine, il n’est rien sans ses disciples ou ceux qui prétendent l’être : j’ai nommé les écologistes, pas les vrais, pas ceux qui étudient sérieusement les problèmes réels, non, je veux parler de ceux qui passent à la télé.
Mon premier contact avec l’un de ces individus fût fortuit. Un de mes amis avait reçu en cadeau un bouquin aux photos assez jolies et appelé « La terre vue du ciel ».
Poussée par la curiosité, je m’informais sur cet ouvrage et découvris le nom de l’auteur : Yann Arthus Bertrand.
Palsambleu ! Pour être affublé d’un nom pareil, la famille ne devait pas se prendre pour de la merde en sachet !
Trois clics de souris sur internet me confortèrent : la famille était dans la joaillerie, j’avais vu juste.
J’appris ainsi, qu’après une brève carrière d’acteur dont il n’est sorti aucun joyaux impérissable digne d’une palme d’or, il avait voué sa carrière à la photo après avoir géré une réserve naturelle. Fort bien.
Par la suite, j’oubliai le personnage jusqu’à sa réapparition écologique il y a quelques années.
Le ton avait changé.
L’heure était grave et la mise en accusation sérieuse.
Cet homme m’avait déclaré coupable de tous les maux simplement parce que je prenais une douche tous les jours, et même deux fois par jour parfois, que je générais trop d’emballages en carton, que j’avais une voiture que j’entendais utiliser (au prix qu’elle m’a coûtée !) et que de temps à autre, je jetais dans la poubelle le reste de pâtes que je n’avais pas fini.
Je replongeais dans la biographie de ce personnage afin de m’informer depuis quand il avait repris ses études pour posséder une aussi admirable analyse du problème et des solutions à apporter.
Que nenni ! Il avait passé son temps à survoler la planète en long et en large, ses mois de janvier à couvrir le rallye Paris Dakar, bullé à Roland Garros au mois de juin et arpenté les allées du salon de l’agriculture. Diantre ! Que d’empreinte carbone et le gars de me reprocher de me laver tous les jours !
J’espère qu’il n’avait pas fait de mauvaise rencontre au salon de l’agriculture car il m’a été rapporté qu’il y circulait un sinistre individu qui disait « casses toi pauv’con » à ceux qui refusaient de le saluer. Mais ce sont vraisemblablement des fables dans le genre de celles qu’on raconte aux enfants pour leur faire peur.
Pour revenir à notre YAB, nous avons maintenant une bonne vision de l’application qu’il peut faire à lui-même de ses préconisations pour les autres.
Bon, on peut au moins lui accorder le mérite de s’être farci durant dix ans de suite sur le Dakar, un crétin patenté du calibre de GH (je vous laisse deviner qui est GH) ce qui lui accorde toute ma compassion.
Mais la cerise sur le gâteau en ce qui concerne notre grand homme, arriva tout à fait par hasard sous la forme d’une conversation avec une copine qui avait participé à une conférence organisée par son entreprise. YAB devait intervenir en fin de journée pour un cachet que la confidentialité et surtout la décence m’interdisent de dévoiler mais très largement supérieur à mon salaire annuel.
Il prit la parole cinq minutes environ avant de prétexter un rendez-vous important (un truc mieux payé ailleurs) et de laisser la parole à l’un de ses sous-fifres qui enfonça des portes ouvertes pendant l’heure que dura son intervention. Le type le mieux payé au monde n’est pas Bill Gates. Au tarif horaire, il est enfoncé par YAB !
Mon enquête aurait été bien incomplète si je ne m’étais point intéressée au second donneur de leçon qui squatte abondamment nos écrans, plats si vous avez les moyens, je veux bien sûr parler de Nicolas Hulot.
Le nom est plus sympathique, plus peuple, et on se dit que ce personnage devrait moins nous prendre de haut.
Je connaissais évidemment la partie émergée de l’iceberg sous la forme de ses reportages au nom totalement imprononçable d’une contrée reculée d’Amérique du Sud où je ne poserai jamais mon 36 fillette et diffusés par une chaîne nationale.
Une rapide lecture de sa biographie m’informa qu’il avait pour point commun avec le précédent d’avoir, lui aussi, fait un Paris Dakar.
Décidément cette course poussiéreuse suscite les vocations, à moins qu’il n’y ait un micro climat.
J’appris également qu’il animait une chronique motocycliste sur France Inter dont le titre évocateur était : « la poignée dans le coin ». Fichtre, un titre pareil aujourd’hui lui vaudrait à minima 48 heures de garde à vue.
Cet ex « rejeteur de CO2 » converti à l’écologie me valut deux grandioses crises de rire.
La première lorsqu’il se mit en tête de faire un petit tour dans un avion de chasse et où il devait assurer le commentaire.
Au bout d’une minute de vol environ, notre athlète avait gerbé dans son casque avant de préférer s’évanouir pour ne pas voir la suite.
De là doit lui venir son aversion pour les transports peu économes en énergie et son amour du pousse-pousse.
La seconde fut l’inénarrable blague téléphonique de Lafesse qui réussit à faire croire à une brave dame que Nicolas Hulot remontait par les canalisations et allait bientôt apparaître dans sa cuvette de WC.
Ce que peut faire la notoriété ! Je ne sais pas si le droit de vote pour tous est une bonne chose, il devrait y avoir un permis de vote.
De petits détails m’interpellaient sur la cohérence du personnage, la chaîne qui diffusait son émission fétiche vivant exclusivement des recettes publicitaires procurées par ses annonceurs.
Je m’interrogeais alors sur son degré d’indépendance au cas fort improbable je vous l’accorde, où son propos aurait pu être contraire aux intérêts de ces derniers.
L’émission devant coûter un peu cher du fait de voyages lointains et de l’utilisation de moyens de transport parfaitement écologiques du type avions, hélicoptères et volumineux 4×4, cette chaîne avait besoin de sponsors pour arrondir ses fins de mois.
C’est d’abord Rhône Poulenc qui s’y colla, ancêtre commun d’Aventis spécialisé dans la chimie pharmaceutique et de Rhodia œuvrant dans une chimie plus lourde avant que le flambeau ne soit repris par EDF et L’Oréal.
Rien que de grands philanthropes ! Ce mélange des genres me laissait perplexe.
L’écologie médiatique d’aujourd’hui a ceci d’étonnant qu’elle est portée presque exclusivement par de gros pollueurs repentis ou par des entreprises désireuses de repeindre, en vert, leurs activités, un peu comme si pour devenir flic il fallait absolument passer par la case malfrat.
Il est certain qu’après avoir fait fortune en exploitant la crédulité et le sentiment de culpabilité du citoyen moyen pendant vingt ans, certaines mises en application de leurs préceptes deviennent plus faciles. Il est, ainsi, plus aisé d’aller bosser à TF1 en vélo si on habite un hôtel particulier dans le 16ème plutôt qu’une tour HLM à Sarcelles.
J’allais oublier le dernier écolo médiatico-drôlatique, un des plus emblématiques qui voulait faire la révolution en 68, changer le monde et nous faire vivre à la cubaine.
Le voilà aujourd’hui qui vient nous donner de nouvelles leçons, quarante ans plus tard, après il est vrai, avoir subi une assez longue éclipse dans un pays voisin avec qui nous avons une relation du type : « je t’aime moi non plus ».
Il est venu nous expliquer, sans rire, qu’il était favorable à un péage urbain à Paris au prétexte que la circulation y était catastrophique.
Puis-je émettre l’opinion que si les élus à la mairie de Paris ainsi que ceux d’autres villes ne s’étaient pas évertués depuis près de dix ans à empêcher toute circulation par des aménagements saugrenus, le problème ne serait peut-être pas aussi crucial ?
Cependant, force est de constater que ça marche et bien pire encore, les décisions les plus abracadabrantes, que dis-je, abracadabrantesques, deviennent pour le grand public force de loi.
Ainsi :
– Il faut acheter des voitures, soutenir nos constructeurs en difficulté pour sauver nos emplois, mais il est très mal vu de les utiliser. Trop polluantes, trop encombrantes dans nos villes et trop dangereuses car comme chacun sait, nous sommes tous des irresponsables qui ne savent pas conduire et leur destin est nécessairement de finir enroulées autour d’un arbre. Elles sont donc à bannir. Ainsi, voyez uniquement dans l’achat de votre prochaine voiture, un acte de soutien aux actionnaires de Renault ou de PSA
– Il faut se chauffer au bois, c’est plus sain. Je ne sais pas si la maire de Paris apprécierait de me voir scier les quelques platanes maigroulets situés devant mon immeuble mais cela pourrait être amusant et puis ça éviterait de voir quelques voitures s’enrouler autour. Je rappelle que la combustion du bois est toute aussi voire plus polluante que celle du charbon. Je connais l’argument massue de l’écolo de base qui m’expliquera que, durant sa vie, l’arbre a absorbé plus de CO2 que durant sa combustion, ce à quoi je rétorquerais : « Et si on le laissait sur pied ? »
– Il faut prendre les transports en commun. A l’heure de l’individualisme forcené, c’est le seul lieu de collectivisme non seulement toléré mais fermement recommandé. Qu’importe qu’ils soient saturés, puants, sales, peu pratiques et peu fiables, il s’agit d’un acte citoyen incontournable. Allez hop ! Tous dans la bétaillère !
– Il faut de la croissance, c’est à-dire produire plus, plus d’objets inutiles, plus de placebos pour lutter contre la vieillesse et les chairs flasques (certains sponsors précités ne vivent presque exclusivement que de ce mirage) et de pseudo solutions du genre éoliennes, panneaux photovoltaïques ou bouses de vache à la production poussive et inversement proportionnelle au taux d’aide qui leur sont accordées
Tout cela, bien sûr, financé par un contribuable apathique et des clients d’EDF captifs.
Ceux qui payent des impôts et ne s’éclairent pas à la bougie paieront deux fois.
Ce ne sont que quelques exemples mais ils démontrent à quel point une immense schizophrénie s’est emparée de ce monde qui veut tout et son contraire.
Remarquez, cela nous vaut de très grands moments télévisuels.
Ainsi cette illuminée ayant subitement décidé de vivre dans une yourte sur des sommets enneigés et se lavant à la neige fondue ou ces étudiants bobos stockant leur compost dans la commode du séjour de leur studette de 18m² en attendant que les vers accomplissent leur œuvre. L’idée que la vermine grouillante qui peuple ce tiroir se développe dans mon appartement me fait frémir.
A bon entendeur salut !