Plus qu’une grande dame, une femme dans un combat sans faille jusqu’à sa mort !

Support Wikipedia J’ai connu comme beaucoup de Français Danielle Mitterrand par son époux François, et j’ai toujours admiré dans cette femme sa simplicité. Ce n’est donc qu’au travers de la presse et des médias que je m’exprime sur elle. Je ne saurais dire plus que ce qui a déjà été dit par tous ceux qui l’ont fréquentée et connue. Ce que je ressens envers elle c’est son engagement pour les causes humanitaires, une vraie pensée à gauche, bien plus que François son époux, qui devait jouer à la politique et qui parfois impliquait des positions condamnables par ceux, qui comme elle, sont de gauche jusqu’au fond de leurs convictions.

Elle n’avait pas de contraintes dans son engagement pour les autres et François Mitterrand n’a jamais fait obstruction à ses prises de positions qui parfois le mettaient dans l’embarras diplomatique, quand elle embrasse Fidel Castro et portant aux nues le sous commandant Marcos, il faut lui en rendre hommage. Elle a donnée à la fonction de première Dame une dimension autre que celles d’être présente, comme ses prédécesseuses, auprès des enfants infortunés et des malades en leur apportant la bonne parole et du bien matériel. Combien à sa place auraient pris une certaine hauteur marquant une différence de classe, pas elle. La position de première Dame qui donne des possibilités, elles les a misent à sa cause.

Son engagement fut international sillonnant l’Afrique, l’Amérique latine, le Grand-Moyen-Orient auprès des déshérités. Mitterrand sans elle n’aurait peut être pas été Mitterrand, c’est elle qui le pousse. Le jour de leur mariage à la mairie du 6ème arrondissement puis à l’église Saint-Séverin, le 24 octobre 1944, à la fin du banquet, Mitterrand part pour une réunion du mouvement national des prisonniers et déportés qu’il préside. (A cette époque, son engagement auprès de Pétain en 1942 n’avait d’autre but que de venir en aide aux prisonniers de l’Allier, Mitterrand reçu, comme beaucoup d’autres la Francisque, voir François Mitterrand). Le gâteau n’est même pas coupé, je vous accompagne s’écrit-elle ! Et la voilà partie en robe de mariée au fond d’une salle enfumée vers son destin. Elle a 20 ans et déjà dans le tourbillon d’un homme exceptionnel.

Ses parents sont des enseignants de gauche qui ont de suite vu la profondeur intellectuelle du jeune Mitterrand qui a 28 ans. Son père René Gouze directeur du collège de Villefranche-sur-Saône et franc-maçon au Grand-Orient de France, militant de la SFIO qui refusa d’établir la liste des enfants Juifs de son établissement fut suspendu sans traitement. «J’avais 16 ans. J’ai dû sortir de l’insouciance et mesurer ma capacité de révolte devant l’injustice, celle que subissaient ces enfants, celle que subissait mon père», écrit-elle dans Le Monde en mai 1986. Elle le suivra partout, rien ne l’arrêta, ni les campagnes harassantes, ni les mondanités qu’elle subira sans renicher. Elle accepta en 1960 un pacte selon lequel chacun pourra suivre sa vie comme il l’entend. Elle gardera au fond d’elle même ce qui lui en coûta de l’accepter.

De la naissance de Mazarine la fille d’Anne Pingeot et de son époux, elle dira que «ce ne fut un drame ni une découverte». Mais quand fut rendue publique son existence à l’hiver 1994, «ce fut un choc terrible», qui certainement fut la cause de son opération cardiaque pour réparer son «pauvre petit cœur». Mais sous les yeux de la France entière elle eut la force et l’intelligence d’accueillir Mazarine entre ses deux fils lors des funérailles de son époux en 1996 et de l’embrasser. En récompense, elle reçu un courrier considérable.

Dans toutes les batailles de son époux, elle pleure de rage quand il perd en le 19 mai 1974 pour 0,62 % des suffrages, et le 10 mai 1981, elle pleure de joie, avec la France entière, quand il le bat avec plus de 3,5 points d’écart. Ce soir là, elle lui murmure à l’oreille, à Château-Chinon, que vous arrive-t-il mon Danou, elle l’aimait !

Présidente de la fondation France-Liberté qu’elle crée en 1986, tiers-mondialiste, altermondialiste, son combat fut pour ce qu’elle estimait être des causes justes. Son engagement fut de construire un monde plus solidaire afin que chacun puisse exercer sa liberté dans le respect de l’autre. Ce fut pour elle une revanche politique en devenant le cauchemar des ambassadeurs, la bête noire du Quai d’Orsay. La cause du peuple Kurde opprimé fut une obsession. Bousculant les dirigeants du monde, elle apportait un peu de lumière dans ce monde d’égoïsmes. Son amitié avec le Dalaï-Lama irrita les Chinois. Son soutien au Front Polissario et aux prisonniers politique fit du roi Hassan II son meilleur ennemi. Une décennie avant les révolutions arabes, elle interpella le pouvoir Tunisien dans son entreprise de dévastation des libertés, et ces dernières années c’est pour l’eau potable qu’elle se bat.

Le système actuel condamne toute une partie de l’humanité à disparaître «On s’est rendu compte que, pour défendre les droits de l’Homme, il fallait que l’homme vive et que la vie se perpétue sur cette terre. Or, aujourd’hui, elle est menacée avec le manque d’eau». Pendant un siècle, on a formaté les générations à être compétitif, à être concurrent, à avoir toujours plus. Défendant «le partage des valeurs vitales que sont l’eau, l’air, la terre, la lumière, l’énergie», elle finissait par s’emporter. «Le PIB c’est un leurre, c’est fallacieux, c’est faux». «Mais aujourd’hui, il y a des prises de conscience qui sont vraiment réelles». «Quand je faisais des conférences il y a dix ans, où je défendais l’idée que l’eau n’a pas de prix, j’avais l’impression que ça passait au-dessus de tout le monde». Aujourd’hui quand je dis ça, tout le monde dit «bien sûr», se réjouissait Danielle Mitterrand.

Une femme droite qui ne s’embarrassait pas des contingences politiques sachant que dans son combat, elle avait raison. Sa position de première Dame de France dont elle détestait d’être ainsi nommée, lui permit tout de même de pouvoir agir à sa guise en femme libre.

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Danielle Mitterrand entourée de la famille du président de la République François Mitterrand lors des ses funérailles à Jarnac, le 11 janvier 1996. Reuters/PHILIPPE WOJAZER, document Le Monde.fr

François Mitterrand avait renoncé à une sépulture commune, et l’enterrement eu lieu à Jarnac ou sa famille l’a récupéré en quelque sorte. Elle sera enterrée à Cluny près des siens. «Je ne me suis jamais ennuyée en partageant sa vie, ni dans la joie ni dans la peine», écrit-elle dans son livre En toutes libertés (Ramsay, 1996). «Rien de banal ou de médiocre, je ne regrette rien. Pour tous ceux qui nous aiment, François et Danielle sont inséparables, indissociables».

Avec elle disparait ce qui nous restait de François Mitterrand, une partie de notre histoire s’est terminée avec elle le 22 novembre 2011 à l’âge de 87 ans. Cette femme était aimée par ce qu’elle résista avec courage, simplicité et honneur à la charge de première Dame sans jamais le montrer, malgré l’affront que lui fit François Mitterrand. C’est bien vrai, ils sont indissociables même séparés.

Le prochain article sera, Mario Monti le sauveur de l’Italie,