Cuba : premiers pas vers le capitalisme.

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À la fin du mois passé, et sur l’instigation de son président Raúl Castro pressé par la situation économique catastrophique de l’île, le Parlement cubain a commencé à étudier la possibilité d’autoriser l’ouverture de petits commerces privés.

Ainsi, les députés cubains vont-ils envisager la possibilité d’étendre le programme de location de salon de coiffure qui avait débuté de manière expérimentale il y a trois mois.

Jusqu’à présent, les coiffeurs qui travaillaient dans des locaux décrépits et avec du matériel détérioré appartenant à l’État touchaient un pourcentage sur ce que leur apportait leur travail. Pour subsister, ils devaient s’en remettre aux pourboires et rechercheraient, en dehors de leurs heures de travail, des clients à domicile.

Dans le cadre de ce programme de location, les coiffeurs ont le droit de fixer librement leurs tarifs, mais, en contrepartie, ils doivent s’engager à améliorer leurs services et leurs outils.

L’État passe donc du statut d’administrateur à celui de rentier, et les employés deviennent des travailleurs indépendants qui devront payer une licence, la location des locaux, leur sécurité sociale. Ils devront également s’acquitter de leurs factures d’eau et d’électricité. Mais, chose importante et réellement nouvelle à Cuba, ces nouveaux travailleurs indépendants pourront engager du personnel… et ainsi devenir des petits patrons, rejoignant cette classe sociale dont le castrisme avait voulu se débarrasser.

Ce programme de transfert de gestion des petits commerces de l’État à des centaines de coiffeurs, débuté en avril 2010, est considéré comme la réforme la plus importante intervenue sur l’île depuis la nationalisation de ce secteur dans le milieu des années soixante.

Le même genre d’expérience a été entamée le mois passé avec les chauffeurs d’autobus qui sont ainsi passé du statut de chauffeurs-fonctionnaires à celui de travailleurs indépendants louant leur autobus à l’État… et le Parlement devra étudier la possibilité d’étendre cette mesure aux chauffeurs de taxi, ce qui devrait sensiblement améliorer la qualité du transport public urbain.

Concernant l’agroalimentaire, et en réponse aux multiples critiques concernant l’offre insuffisante, les coûts élevés et le mauvais état des produits disponibles sur les marchés locaux, les parlementaires cubains vont également étudier la possibilité d’appliquer ce programme, tant au niveau de la production que de la vente. Il y a quelque temps, et pour remédier aux diverses carences du secteur, l’État avait déjà donné en usufruit les terres en jachère et avait éliminé dans ce secteur la sacro-sainte égalité salariale. Hélas, ces deux mesures ne s’étaient pas révélées suffisantes.

Le gouvernement a également signalé qu’il étudiait sérieusement les propositions qu’il avait reçues pour la remise en état du système de transport ferroviaire. Il devra également débattre de ces relations commerciales et politiques avec l’Union européenne et avec les États-Unis d’Amérique… comme si les démons d’hier pouvaient devenir les partenaires de demain. La libération et l’extradition des prisonniers politiques vers l’Espagne seraient d’ailleurs considérées comme un geste de bonne volonté.

Il semble évident que le gouvernement qui désespère de trouver les solutions permettant de relancer la production nationale et doit fournir du travail au million de fonctionnaires excédentaire, est en train d’abandonner l’économie d’État — qui représente 95 % de l’économie du pays — et le système de nationalisation pour rétrocéder certains pans de son économie au secteur privé.

Petit à petit, le gouvernement cubain semble tourner le dos aux grandes directives du parti qui avait installé à Cuba ce que Yoani Sánchez, la célèbre blogueuse et journaliste dissidente, qualifiait de capitalisme d’État pour se diriger vers une économie plus libérale où les gens seront payés en fonction de la quantité et de la qualité de leur travail.

Ce retour à une certaine idée du capitalisme est-il la bonne solution, je ne sais, mais une chose est certaine, en nos régions, où les fonctionnaires sont souvent critiqués, personne n’aurait jamais osé proposer de transformer tous les travailleurs en employés de l’État… comme était presque parvenu à le faire Cuba.

C’est pourtant également sur ce chemin que s’est engagé le Venezuela d’Hugo Chavez, celui visant à transformer l’État en unique entreprise du pays dont tous les travailleurs seraient les fonctionnaires. Le président vénézuélien devrait peut-être se rappeler ce qu’il a dit aux FARC : « Le monde d’aujourd’hui n’est plus le même que celui des années soixante », nous sommes au XXIe siècle, il faut l’admettre et agir en conséquence.

 

Source :

Parlamento cubano analizará apertura de pequeños negocios privados, Noticias24, Caracas, 28 juillet 2010

Parlamento cubano analizará apertura de pequeños negocios, Notidiario, Caracas, 28 juillet 2010

El Parlamento cubano analizará las reformas económicas aplicadas, Madrid, 28 juillet 2010

"Guerrilla colombiana debe reconsiderar su estrategia", El Universal, Caracas, 24 juillet 2010.

Cubanos planean montar pequeños negocios privados, Milenio,Mexico, 5 août 2010

Raúl Castro permite que cubanos abran pequeños negocios, Nicaragua, 2 août 2010

Raúl Castro permite abrir pequeños negocios en Cuba, Nacion, Costa Rica, 2 août 2010

Cuba liberalises barber shops and beauty salons, BBC News, avril 2010

Communist Cuba will allow some hair salons to go private, Associated Press, avril 2010

3 réflexions sur « Cuba : premiers pas vers le capitalisme. »

  1. La « vérité », tout particulièrement dans le domaine de l’économie, ne fait pas parti des habitudes des « grands libérateurs » adulés par la bourgeoisie gauchiste oisive française (multi-pléonasme).

    La « réalité » n’est pas une option que l’on peut renier par idéologie.

    Tout n’est que temps, même si pour guérir de la folie, il faut du temps.

  2. QU’ILS N’ Y AILLENT PAS TROP VITE !:
    [b]Moody’s menace de dégrader la note de quatre pays dont la France ![/b]

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