Crédit à gogo : la Société générale donne l’exemple… en Roumanie

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La filiale roumaine de la Société générale en Roumanie, c’est la BRD, la Berede, en langage courant, et au long la Banca Română pentru Dezvoltare (pour le développement). C’est le second établissement de banque et de crédit en Roumanie, l’une des entreprises filiales de groupes français de premier plan avec Alcatel et Orange ou Renault-Dacia. L’un de ses axes de développement est, comme aux pires heures de la crise aux États-Unis, le prêt aux étudiant·e·s et aux jeunes en formation. Illustration avec l’action commerciale agressive de la BRD à l’Université de l’Ouest à Timisoara (Timis, Banat).

La Universitatea de Vest din Timisoara souffre d’une baisse de près de 10 % de ses effectifs estudiantins lors de la rentrée 2009. Elle est due pour majeure partie à la baisse démographique (les classes 1989 et 1990 ont fortement fléchi du fait de l’émigration et des mutations sociétales), et accessoirement au relèvement des frais d’inscription. Pour compenser le manque à gagner, le « rectorat » (soit le sénat de l’université présidée par le recteur, le président de l’université) ne manque pas d’initiatives. Bizarrement, cela prend à la fois la forme d’un mastère européen consacré aux relations avec et à la défense des consommateurs et celle de l’autorisation d’ouverture d’un guichet bancaire au profit de la BRD, la filiale roumaine de la Socgen, sur le domaine même de l’université.

À Timisoara, toutes les banques européennes ou presque sont présentes, depuis la Royal Bank of Scotland jusqu’aux établissements bancaires grecs (dont la Piraeus ou l’Emporiki) ou chipriotes (Bank of Cyprus) ou israéliens (Leumi). Mais la BRD est omniprésente, de par ses agences ou ses automates bancaires, disséminés sur le complex studentesc (le campus). Depuis le début du siècle dernier, Timisoara n’avait qu’un bâtiment dominant : la cathédrale orthodoxe. Puis vint l’hôtel Continental. L’immeuble de la BRD les a éclipsé tous les deux et c’est désormais le plus haut et le plus imposant de la capitale du Banat. La BRD s’est implantée voici dix ans, dès le tout début de la fin de l’ère Ceauçescu.

Tout comme Orange ou les autres opérateurs de téléphonie, la BRD « travaille » très activement les diverses universités banatéennes (notamment la Polytechnique et l’université Babès, de médecine et pharmacie, qui accueille désormais des étudiant·e·s français·e·s en premiers cycles). Au premier étage de l’UVT, le stand de la BRD propose des cartes de crédit valant carte internationale d’étudiant (ISIC) et surtout des crédits.

Tot mai simplu. Tout est plus simple quand on est jeune et étudiant avec la BRD. Il suffit d’être majeur et d’avoir moins de 30 ans pour bénéficier de crédits à flexibilitate maxima allant de 250 à 3 500 euros. Il faut savoir que 250 euros représentent un salaire mensuel convenable à Timisoara même si beaucoup  de jeunes désireux de se loger de manière indépendante en viennent à cumuler deux boulots quotidiens pour « joindre les deux bouts » avec de tels salaires. Besoins de conseils supplémentaires avant de s’engager ? Qu’à cela ne tienne, on peut téléphoner sept jours sur sept et de 8 à 22 heures. Petit détail : les dépliants ne mentionnent aucun taux, ni aucune autre indication sur les modalités de remboursement hormis la mention de durées (14 ou 15 mois, 5 ans) permettant d’obtenir des réductions ou facilités restant bien floues.

Aux États-Unis, des couples d’étudiant·e·s se sont endettés pour vingt ou trente ans et doivent à présent rogner sur tout, après avoir fait appel aux parents épargnés encore par la crise, pour tenter de subsister tout en remboursant des échéances plus ou moins mal aménagées. Ici, en Roumanie, où le chômage s’est aussi accru en dépit des transferts d’activités en provenance l’Europe occidentale, le financement des études ne va plus de soi. Mais la BRD est là, avec ses avantages multiples, ses offres Apple pour s’équiper en ordinateur portable, ses assurances en cas d’hospitalisation, &c. Le site dédié aux jeunes vante de multiples réductions de commissions et toute une gamme d’avantages mais pour consulter de près les conditions de remboursement, il faut télécharger ou afficher un PDF, beaucoup moins attrayant. Les enfants ne sont pas oubliés : on leur propose d’ouvrir un compte d’épargne, en versant l’équivalent de cinq euros, en vue de pouvoir s’acheter de la musique ou des consoles de jeux. En fait, l’argumentaire s’adressant aux parents, les taux sont indiqués un peu plus clairement. Pour les adolescents, dès 14 ans, une offre « appropriée » différente est proposée. Bref, on épargne d’abord, afin éventuellement de mieux pouvoir s’endetter ensuite.

Après avoir largement, voire outrancièrement, été incités à s’endetter, les Roumaines et les Roumains, qu’ils soient jeunes ou dans la force de l’âge, ont compris parfois, voire trop souvent, que le revers du crédit était une spirale de lourdes charges. D’autant que les banques leur ont trop souvent proposé des crédits en euros, dont les taux ont grimpé, alors qu’ils perçoivent leurs salaires en lei. Or, la valeur du leu (ou Ron) contre l’euro a chuté, passant de trois, encore fin 2007, à près de 4,3 à l’automne 2009. Il suffit qu’un salaire vienne à manquer dans un ménage pour que les dettes soient vite insurmontables. L’éclatement d’une nouvelle bulle spéculative pourrait avoir de très graves répercussions sur des pays où Bouygues et d’autres « bâtisseurs » ont fait des profits colossaux avant de se reporter sur d’autres pays et licencié ou abandonné leurs sous-traitants.

En attendant on ne sait encore trop quoi, l’illusion que la crise est révolue est soigneusement entretenue. Les plus jeunes adultes, qui peuvent s’engager sans devoir quémander la signature de leurs parents, peuvent s’y laisser prendre. Pour rembourser, il leur faudra peut-être se résoudre à émigrer à leur tour. Mais où ? L’un des entrepreneurs les plus avisés de Bucarest, Laval Conseil, confronté à la baisse drastique de la construction dans la capitale roumaine, prospecte désormais les marchés asiatiques… depuis Singapour !

 

Avant la crise, la Roumanie importait des ouvrières chinoises pour ses usines textiles. Désormais, elle forme des spécialistes qui songent à accompagner la croissance des entreprises occidentales en Asie. Mais il n’est pas sûr que toutes celles et ceux qui ont été séduits par les sirènes des banques pourront trouver à s’employer sur ces marchés où la Socgen est déjà implantée et saura peut-être les « accompagner ». Il est des compagnons de route qui peuvent être aussi de déroute, si ce n’est de banqueroute…

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Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

Une réflexion sur « Crédit à gogo : la Société générale donne l’exemple… en Roumanie »

  1. salut, c’est avec un grand plaisir de vous contactez pour vous demandez un crédit c’est vous pouvez me le donnez car j’ai accepter toutes les condition, contactez moi svp, lyes cordial.

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