La justice Française est ainsi faite. Un coupable faute de preuves, reste un coupable faute de preuves dès lors qu’il est jugé par une juridiction compétente. Une phrase bien énigmatique mais qui pourtant prend tout son sens au travers de divers cas, bien réels, loin d’être imagés, même dans les pires romans policiers, et qui font le malheur de bien des hommes jour après jour dans l’Hexagone.

Loic Secher, Daniel Massé, Dany Leprince. Ces noms ne vous disent peut être rien, mais pourtant sont bien réels, et ces trois personnes sont tombées bien malgré elles dans les rouages d’une justice qui ne passe qu’une fois, sans regard dans le rétroviseur, et qui préfère de loin voir croupir un innocent en prison, plutôt que de se voir bafouée dans son honneur par une vérité qu’elle a trafiqué de toutes pièces. En France, le plus dur n’est pas de prouver sa culpabilité, mais de prouver son innocence, tous les accusés vous le diront, mais de quelle manière un innocent peut-il prouver qu’il est bel et bien innocent lorsque la justice l’accuse sans une once de preuve? Est-ce possible de prouver son innocence ou cela résulte-t-il d’un combat de longue haleine perdu d’avance?

 

 

 

Bien des Hommes à travers l’Histoire se sont vu accuser à tort pour des crimes, des délits, qu’ils n’avaient pas commis. Dreyfus, Agret, les accusés D’Outreau, Dills, etc. Autant d’accusés à tort que la Justice Française a condamné avant, sous la pression populaire, de se voir contraindre à un retour en arrière forcé et à contre coeur. Des Happy End qui n’effaceront jamais le préjudice subit mais qui verront la mémoire et l’honneur de ces personnes à demi lavé des horreurs subies.

Penchons nous donc sur le cas des trois personnes cités en préambule de cette étude, pour comprendre pourquoi la il est si difficile en France de prouver son innocence, quand justement l’on est effectivement innocent.

 

Premier Cas : Daniel Massé

Daniel Massé, homme de la région de Toulouse est accusé en décembre 1994 d’une double tentative d’assassinat au colis piégé (remplit d’essence)  sur les personnes des époux Hernandez pour une histoire de dette commerciale. Une accusation sans la moindre preuve, sans empreintes ADN, sans témoignage à charge, etc. Accusé par les victimes du fait de ce conflit commercial, ce dernier se retrouve jugé en Mai 2002, mais faute de preuves, la Cour d’assises se fait louable et honnête sur le coup, acquittant Daniel Massé. Cependant la décision est frappée d’un appel qui va s’avérer terrible.

En Septembre 2003, nouveau jugement donc pour Daniel Massé et les siens. Cette fois ci, la partie civile se sentant mal embarquée trouve un argument qui n’a aucun lien avec le dossier pour faire ajourner les débats, en montrant un brevet que Daniel Massé n’a vraisemblablement jamais consulté en plein milieu de l’audition des témoins. Victoire, le président renvoie les débats qui se tiennent au mois de Décembre de la même année. A l’heure du nouveau procès l’issue est cette-fois ci totalement différente. Toujours sans aucune preuve attestant d’une culpabilité éventuelle de Daniel Massé, le tribunal condamne l’accusé à 25 ans de réclusion criminelle. Aucune preuve formelle, mais pourtant Daniel Massé passe par la case prison et pour une durée prévue de 25 ans.

En Mai 2009, une requête est déposée devant la commission de révision des condamnations pénales pour étudier le dossier de Daniel Massé, mais cette dernière rejette la demande et ne prend pas en considération les carences du dossier d’accusation.

En Février 2010, Daniel Massé et son comité de soutien déposent une requête auprès de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. A ce jour la décision est toujours pendante et entretient l’espoir d’une issue favorable. Entretemps une seconde requête avait été déposée devant la commission de Révision, mais à nouveau l’échec fut retentissant.

 

Second Cas : Loïc Sécher

 

Loïc Sécher, habitant de la région Nantaise, se voit en 2000 accusé du viol d’une mineur de 13 ans par cette dernière, bien qu’aucunes preuves ne viennent étayer les dires de la jeune femme. Pas de traces ADN, pas de traces de sévices, pas de traces de coups, etc. Seuls les dires de la jeune femme viennent aggrémenter le dossier de l’accusation. Loïc Sécher a beau clamer son innocence, rien n’y fait, il passe par la case prison et est condamné en 2003 à 16 ans de réclusion criminelle, mais fait appel. En 2004, l’appel passe, mais la justice continue de faire la sourde oreille, et la peine est confirmée.

Coup du sort et énorme surprise en Avril 2008, la victime avoue tout, et confesse qu’elle a menti à propos des accusations qu’elle a porté envers Loïc Sécher. L’accusation s’effondre complètement, mais pour autant, la justice doutant, l’accusé à tort reste en prison.

Avril 2010, la commission de révision de peines, alertée par le cas Sécher, demande et ordonne une suspension de sa peine, remet l’accusé en liberté, et un nouveau procès est attendu pour Juin 2011.

 

Troisième Cas : Dany Leprince

 

Dany Leprince, homme de la terre Sarthoise, est accusé en Septembre 1994 du meurtre de son frère, ainsi que ceux de sa belle soeur et de ses deux nièces. Aucunes preuves, aucunes empreintes ADN ni palmaires, rien. Seul les témoignages de sa fille ainée en pleine crise d’adolescence et de sa femme viennent conforter le faisceau de présomption du juge d’instruction. En Décembre 1997, sans aucunes preuves formelles de sa culpabilité, Dany Leprince est accusé à perpétuité pour le quadruple homicide après avoir à la 46ème heure de garde à vue avoué le meurtre de son frère (et seulement celui là) avant de se rétracter immédiatement. Dany Leprince, se prépare donc dès la fin du jugement à passer sa vie en prison, pour un crime dont il n’est pas coupable et dont rien ne l’accuse si ce n’est les témoignages changeant du tout au tout au fil du temps de son ex épouse et de sa fille, et cela malgré un ADN présent sur la scène de crime qui ne lui appartient pas, et bien des éléments troublants qui l’innocente. En 2005, une demande est faite après une contre enquête privée apportant de nouveaux éléments auprès de la commission de révisions des peines qui prend en charge le dossier. En 2008 un supplément d’information est demandé par la même cour afin d’étudier plus en profondeur le dossier complexe du meurtre de Thorigné sur Dué.

Surprise inattendue le 1er Juillet 2010, la commission de révisions des peines, après étude du dossier et des éléments, ordonnent une suspension de la peine, statuant que les nouveaux sont de natures à remettre en question la culpabilité de l’accusé. Dany Leprince contre toute attente retrouve la liberté sous contrôle judiciaire dans l’attente de la décision de la cour de révision. Mars 2011, la cour de révision se réunit, le parquet demande la remise en liberté complète du prévenu, et une mise en cause de l’ex épouse de Dany Leprince. Réponse de la cour, un délibéré doit avoir lieu.

06 Avril 2011. Le délibéré tombe et c’est la stupeur. Dany Leprince est déboutée de sa requête, l’affaire est classée, l’accusé, bien que innocent, retourne en prison pour purger sa peine. Un scandale de plus, une torture morale ignoble au pays des droits de l’Homme.

 

Trois Cas, Trois histoires, Trois hommes que rien n’accuse, mais qui pourtant sont accusés par la Justice de leur pays envers et contre toutes logiques. Trois citoyens qui aujourd’hui sont sous le coup de décisions judiciaires gravissimes et qui doivent prouver leur innocence pour espérer un jour être reconnus innocents. Trois hommes qui depuis leur prison et avec l’appui de leur comité de soutiens respectifs attendent d’enfin pouvoir se faire entendre dans la sphère juridique et se voir reconnaître tel qu’ils sont, à savoir des innocents. Pour autant, la Justice est-elle prête à avouer ses propres erreurs et admettre aux yeux de tous qu’elle n’est pas infaillible? Par ailleurs, que faut-il pour prouver son innocence quand aucune preuve matérielle n’est présente pour démontrer par A+B qu’un suspect ne peut être suspect, et encore moins coupable? Le doute devrait permettre à un suspect normalement de jeter un doute sur sa véritable culpabilité mais qu’en est-il réellement?

 

« Innocenter la Justice est plus important qu’innocenter un innocent »