Les élections législatives viennent de se terminer et comme on s’en doutait, le parti du président de la république a fait une véritable razzia des sièges en balayant pour l’instant 123 sur les 225 disponibles. C’est une grande première en Cote d’ivoire en 20 ans de multipartisme.
Aucun parti depuis l’instauration de la démocratie n’a fait tant l’unanimité dans le cœur des ivoiriens, et l’on pourrait être pressé de dire que le nouvel homme fort du pays est beaucoup apprécié de ses compatriotes. Sauf que dans le fond, c’est une élection à sens unique qui a vu la participation de la seule coalition de partis au pouvoir et qui a connu un fort taux d’abstention.
Le refus du parti de l’ancien président Laurent Gbagbo de participer à ces élections a décrédibilisé au maximum le scrutin au point de poser la question de sa légitimité. En effet, dans les milieux politiques, plusieurs personnes se demandent si la démocratie en cote d’ivoire connaît vraiment une ascension comme le prétendent les nouveaux dirigeants qui font tout pour étouffer l’opposition. Et si la communauté internationale qui est le parrain de ce pouvoir trouve que ce nouveau parlement consolide Alassane Ouattara dans sa posture de chef d’état détenant la majorité des sièges au parlement, à l’intérieur, c’est la consternation d’un peuple qui assiste à une véritable tyrannie. 80% de taux d’abstention c’est évocateur quand on prétend avoir gagné avec 56% des voies aux élections présidentielles. Et le plus surprenant, c’est qu’aucun mot d’ordre de boycott n’a été donné car tous les médias sont contrôlés par l’état. A quelques jours du scrutin, certains journaux de la presse libre ont été interdits de parution pour empêcher qu’ils incitent justement au boycott. Cependant, comme par télépathie, les ivoiriens dans leur grande majorité ont préféré rester chez eux. Motif avancé pour la plupart d’entre eux, éviter que leur vote face encore objet de conflit armé comme en novembre dernier lors des présidentielles. Seuls 20% ont daigné faire le déplacement pour indiquer au monde entier qui se gourent sur son compte, la vraie côte de popularité du nouvel homme fort du pays, qui visiblement ne fait pas la côte en terre d’Eburnie. C’est donc une assemblée nationale unilatérale digne des tristes années de parti unique que nous pensions révolues qui siègera pour les 5 années à venir.
Autre fait majeur, c’est que des rebelles d’hier dont la prise des armes a fait plus de 5000 morts en 2002, sont devenus eux aussi des législateurs avec à leur tête Soro Guillaume actuel premier ministre, cherchant ainsi une immunité parlementaire afin de ne pas être poursuivis pour les nombreux crimes crapuleux commis. Et comme la fraude rime toujours avec eux, même dans une élection à sens unique où ils s’affrontaient entre partis alliés, ils n’ont pas pu s’empêcher de frauder. Dans l’ouest du pays, le président de la commission électorale locale a été pris en otage par un parti qui le soupçonnait de nager en eau trouble pour le compte du camp du président. De nombreux autres irrégularités ont été constatés dans plusieurs localités du pays et le conseil constitutionnel a été saisi en recours par certains candidats.
Mais comme travaillant à l’aveuglette pour satisfaire leurs mandataires, les observateurs ont récité leur leçon d’habitude : tout s’est bien passé, il n’y a rien à signaler.