J’ai revu « Amen ». Ce film du réalisateur Konstantinos Costa-Gavras dénonce le silence de Pie XII durant la guerre. Pourtant, dans l’ombre, le Pape s’est opposé au nazisme.


« C’est l’histoire d’un ingénieur allemand, membre des SS. Il est chargé du fonctionnement des chambres à gaz. Il prend conscience de la réalité de l’Holocauste et tente d’attirer l’attention du Vatican. En vain», expliquait le réalisateur français d’origine grecque, Konstantinos Costa-Gavras, à propos de son long métrage «Amen». Ce film a fait scandale avant même sa sortie sur grand écran (2001-2002). L’affiche a été conçue par Oliviero Toscani, l’ancien publicitaire controversé de Benetton. L’homme n’a pas failli à sa sulfureuse réputation : il a graphiquement fait l’amalgame entre les croix chrétienne et gammée. Le thème d’«Amen.» est tout aussi dévastateur. Costa-Gavras y dénonce le silence du Vatican durant le régime hitlérien. «Amen.» est une adaptation de la pièce de théâtre «Le Vicaire» de l’Allemand Rolf Hochhuth. Durant les années 60, elle a soulevé les passions les plus antagonistes. «Avant Hochhuth, Pie XII était considéré comme un saint homme», assurait Costa-Gavras. La pièce a eu un énorme retentissement.

Aujourd’hui, les historiens s’entendent pour dire que le Pape n’a pas condamné explicitement l’extermination des juifs. D’autres savaient et n’ont pas protesté, comme le président américain Roosevelt. Mais Pie XII avait une véritable autorité morale et son silence reste assourdissant.» Tous les historiens ne sont pas aussi critiques à l’égard du Pape depuis que les archives du Saint-Siège sont partiellement accessibles. Pour l’historien et jésuite français Pierre Blet, «les documents du Vatican manifestent les efforts tenaces et continus du Pape pour s’opposer aux déportations dont on soupçonnait l’issue. Le silence apparent couvrait une action secrète à travers les nonciatures et les épiscopats pour éviter ou restreindre les déportations, les violences, les persécutions.

Les motifs de cette discrétion sont expliqués par le Pape lui-même aux évêques allemands.» En 1940, le Pape a notamment servi d’intermédiaire entre des généraux allemands, désireux de se débarrasser d’Hitler, et le gouvernement britannique. Deux entrevues secrètes ont eu lieu au Vatican pour supprimer le Führer. En novembre 1944, une délégation de 70 rescapés des camps exprimait à Pie XII, au nom de l’organisation United Jewish Appeal, leur reconnaissance pour son action. À Jérusalem, dans la vallée des Justes, un arbre porte toujours le nom dudit Pape. «Il ne faut pas se méprendre, j’ai filmé la cohabitation entre les nazis et l’Église. C’est une vérité historique !», assène Costa-Gavras. «À aucun moment, je ne dis que l’Église a été une complice active du génocide. Ce n’est pas non plus une attaque contre tous les papes ou le Vatican.»