Gamelles de Sarkozy et de l’UMP (avec, récemment, les révélations sur le clan Tabarot), affaire Cahuzac, voire affaire Jérôme Kerviel : selon le rapport 2013 de Transparency International, plus de quarante pour cent des Françaises et Français pensent que la corruption a fortement augmenté au cours des deux dernières années, plus de trente estiment qu’elle s’est légèrement aggravée. Mais six pour cent estiment qu’elle décroît. Serait-ce « l’effet Mediapart » ? Qui révèle les multiples mensonges de Christine Lagarde, en toute impunité, devant la Cour de justice de la République…

Le Global Corruption Barometer 2013 de l’ONG Transparency International a été mis en ligne ce jour et les résultats pour la France montrent que, globalement, 72 % des Françaises et Français estiment que la corruption gagne du terrain en France. 21 % considèrent que le niveau de corruption est stable pour ces deux dernières années, tandis 4 % le voient légèrement régresser et 2 % fortement.
Avec toutes les affaires qui ont marqué le quinquennat de Nicolas Sarkozy, puis l’affaire Cahuzac, on ne s’étonnera guère que le sentiment prévalant en France soit que la corruption a gagné du terrain. Mais si le changement n’est pas tout à fait « maintenant », il se trouve six pour cent des Françaises et Français pour estimer que la corruption recule.

Est-ce du fait que 54 % estiment qu’elle touche les médias, ce qui laisse quand même une forte minorité à considérer que la presse n’est pas corrompue ? Faut-il y voir une relation de cause à effet ? Je risquerai cette hypothèse : dans la mesure où, depuis le changement de majorité, Mediapart, en pointe pour les enquêtes traitant des affaires, est beaucoup plus largement repris et même prolongé par le reste de la presse, il peut être perçu que le risque de voir ses turpitudes étalées a un effet dissuasif. Donc que la corruption est entrée en voie de régression.  

Il reste que la classe politique, estimée corrompue à 73 %, les institutions à 52 % tiennent le haut du pavé. L’affaire Tapie, dans laquelle on s’aperçoit que les deux autres arbitres, Bredin et Mazeaud, étaient beaucoup plus de mèche avec Estoup, n’a sans doute pas fortement joué. Ces révélations sont trop récentes pour que cela ait fortement joué.

Les médias viennent donc en troisième position après les partis et la classe politique, précédé par le monde des affaires (61 %), la fonction publique (48 %), la police (41 %). Le système judiciaire serait affecté pour un peu plus d’un tiers des répondants, suivent, de près les autorités religieuses puis les médecins et autorités sanitaires (les affaires Servier, PIP et autres ont dû jouer).

On notera que les ONG et autres associations, caritatives ou autres, ne sont guère loin avec 26 %, l’éducation et l’armée fermant la liste.

47 % des répondants considèrent que la corruption ne peut être combattue par les citoyennes et citoyens ordinaires, 13 % espérant fermement que leur opinion exprimée peut faire reculer fortement la corruption.

Les résultats globaux, portant sur 107 pays, seraient trop complexes à détailler, mais on notera qu’au Danemark et au Soudan, les autorités religieuses sont fortement critiquées. L’Islande, la Norvège et l’Algérie sont les pays dans lesquels le monde des affaires est perçu fortement corrompu (pour l’Islande, on comprend, du fait de la crise bancaire, pour la Norvège, c’est plus étonnant). Au vu de l’actualité libyenne, on ne s’étonnera guère que la fonction publique y soit considérée fortement corrompue.

Il y a, selon les pays, des disparités dues à des affaires récentes, telle la condamnation du groupe de presse Murdoch au Royaume-Uni. Mais, bizarrement, les autorités médicales et sanitaires, pourtant critiquées chaque jour outre-Manche, ne sont guère considérées très corrompues. La police y est aussi considérée bien moins corrompue qu’en France alors, que, justement, contrairement à la France, la presse se fait beaucoup plus largement l’écho d’affaires (et divulgue des statistiques globales, ce qui n’est pas le cas du ministère de l’Intérieur français).

C’est peut-être justement le sentiment du « on nous cache tout, on nous dit rien », qui peut, selon les pays, modifier la perception de la corruption. Le tiers des Britanniques considère aussi que le simple citoyen ne peut pas s’opposer efficacement à la corruption.

En Belgique, la corruption est fortement perçue stable ou vraiment en régression. Alors que la stabilité l’emporte en Suisse ou qu’il estimé que l’augmentation est légère.

C’est en Israël qu’il est le plus considéré qu’un petit groupe d’intérêts domine la vie du pays (avec 73 %, contre 57 pour la France, plutôt dans la moyenne des pays industrialisés).

Globalement, « dans les 17 États du G20 couverts par l’enquête, 59 % des personnes interrogées déclarent que les efforts de leur gouvernement pour lutter contre la corruption sont insuffisants. ». Par ailleurs, « 55 % des personnes interrogées estiment que l’action du gouvernement  obéit à des intérêts particuliers. ».

Pour la France, Transparency Intl note que les magistrats sont trop peu nombreux (trois pour 100 000 h contre plus de dix pour la moyenne européenne). 

Lors d’un colloque organisé en France jeudi dernier, Nicole Marie Meyer avait relevé que « La France est ce pays paradoxal où un ministre du budget pratique la fraude fiscale, mais où un commandant de police est révoqué pour avoir signalé un usage illicite de fichiers par son administration. ». De même, les lanceurs d’alerte appartenant à une administration n’y disposent d’aucune protection. En sus, le Sénat vient de supprimer l’article relatif aux lanceurs d’alerte du texte de la loi sur la transparence de la vie publique. Les lois votées n’ont pas été suivies de décrets d’application. Irène Frachon (affaire du Médiator) révélait que « d’autres acteurs du dossier continuent à être assignés en justice par Servier. ».

Ce qui frappe en France, et Mediapart le souligne, c’est que, par exemple, dans l’affaire Tapie, Christine Lagarde a pu impunément mentir. Elle a déclaré aux magistrats n’avoir pu signer un document le 23 octobre 2007 car elle se trouvait à Washington. Or, le matin, elle était en direct au micro de France-Inter, puis elle préside une conférence sur l’emploi et… le pouvoir d’achat à Bercy, avant de présider une conférence de presse le midi. Mais elle pourra déclarer impunément que c’est son directeur de cabinet, Stéphane Richard, qui aurait utilisé sa signature. « Christine Lagarde a menti devant la Cour de justice de la République », titre donc Laurent Mauduit. Pas que sur ce point qui n’est guère de détail, mais constamment, soit ouvertement, soit par omission en dépit des évidences. Or, elle n’est qu’une témoin assistée quand d’autres sont inculpés (mis en examen).
Pourquoi, par qui était-elle protégée, et selon quelles visées ? Pour faire en sorte que Nicolas Sarkozy s’enferre et que cette affaire lui revienne plus tard en boomerang ?

Ce n’est qu’un exemple, mais on peut se demander si l’actuel gouvernement, face à la corruption, ne continue pas à jouer une partie politicienne. Espérons que, dans deux ans, le baromètre 2015 fera état d’un glissement de l’opinion. C’est peut-être en bonne voie, mais encore ressenti largement insuffisant. Comme le titre 20 minutes, Christine Lagarde a menti au moins deux fois devant la Cour, composée de magistrats et de personnalités nommées. Elle avait d’abord déclaré devant les députés, en commission, qu’elle n’ignorait rien des recommandations de l’Agence des participations de l’État condamnant la voie de l’arbitrage. Devant la Cour, elle concédait simplement qu’elle ne les avait pas consultées lors de sa prise de fonction, admettons, mais après ?

Il a fallu l’affaire Cahuzac pour que l’ensemble de la presse commence à répercuter ce que, finalement, beaucoup, beaucoup de monde savait, sur de multiples affaires. Cela donne à la fois le sentiment d’une corruption beaucoup plus généralisée et tolérée par la classe politique, en dépit d’oppositions parfois de façade, et d’un sursaut, d’une plus large prise de conscience. Reste aux élus de concrétiser ce sursaut, de ne pas édulcorer sans fin les mesures qu’ils prétendent préconiser initialement, avant de les atténuer, de les rendre inopérantes. Dans quel but ?
Celui de voir traiter avec plus d’indulgence leurs propres turpitudes par leurs successeurs revenus aux affaires ? Ce soupçon, qu’on veut croire infondé, explique sans doute pourquoi la France est perçue par ses habitants tel un pays fortement corrompu. Il ne tient qu’à eux que cela cesse…

Toutefois, lorsqu’un Pierre Bédier, convaincu d’avoir touché des enveloppes contre des attributions de contrats publics, à l’issue de six ans d’inéligibilité, est aussi aussi bien réélu dans les Yvelines, on peut se poser la question : s’accommode-t-on si bien de la corruption dans ce pays ? Il est vrai que le taux d’abstention avait atteint, dimanche dernier, 72,50 %. De désespérés qu’on puisse jamais changer le cours des choses ? C’est sans doute vrai, au moins en partie. C’est aussi franchement désolant.