Alors que les peuples miséreux d’Europe passent un triste Noël sans guirlandes, sans crèches et sans chants traditionnels pour ne pas offenser les oligarques musulmans qui les châtient sans cesse, le radieux peuple de la Corée du Nord, toujours éploré par le décès du Grand Guide et Cher Dirigeant adulé Kim Jong-Il, fondateur et propulseur du Songun, voit ses bienfaits prolongés et amplifiés par son fils, le Commandant suprême, Kim Jong-Un… Du poisson frais est distribué dans la capitale, Pyongyang, trois jours avant les funérailles du Génie de la Création et du Développement…

Le Bahrein, l’un des rares pays épargné par la corruption ploutocratique impérialiste, a adressé, par la voix du Sheikh Khalifa Bin Sulman Al-Khalifa, ses vives condoléances au vice-président de la Commission militaire du Parti du Travail de Corée, le Commandant suprême Kim Jong-Un.
Comme quoi, hein, même chez les musulmans, il y en a des bons, progressistes, éclairés, &c.

En cet an 100 du Juhe, du nom de la doctrine élargissant et dynamisant les principes du marxisme-léninisme, j’ai bien rigolé en faisant, en cette veille de Noël, ma revue de presse. Comme chaque année, il est fait état de multiples initiatives d’édiles et d’éducateurs pour ne pas froisser les sentiments des populations musulmanes.
C’est devenu le marronnier de Nöel : plus de sapins, plus d’illuminations, plus de crèches.
Le pompon est remporté, depuis 2002, par le fameux conte d’un incertain Isaac de Barbanègre qui se termine par « pour détruire un pays, commencez par tuer les âmes d’enfants, c’est beaucoup plus facile…
Un sapin peut parfois suffire
. ».

Ce conte, intitulé Le Sapin d’Aurélie, narre comment l’institutrice, pour ne pas froisser les sentiments religieux d’autres ch’tits enfants (devinez lesquels), interdit à Aurélie d’amener une guirlande de Noël à l’école. Aurélie est une petite Lorraine, nourrie au lait français des mamelles françaises de sa môman (peut-être d’origine alsacienne).

 

Chaque année, à même époque, des bobards sont lancés et parfois repris par la presse, suivis ou non de démentis, et la moindre anecdote est amplifiée pour établir que l’islamisme sape les fondements de « notre » civilisation, laïque quand cela chante, chrétienne quand cela enchante. Cela a même amené le britannique Christian Muslim Forum, soutenu par diverses églises chrétiennes et l’Islamic Society of Britain, à répliquer par une campagne « Happy Christmas 4All ». En réalité, de nombreux musulmans fêtent aussi Noël, et leurs enfants participent aux crèches très souvent organisées dans diverses écoles lors de « Nativity plays ».

Question propagande, les ravagés phobiques primaires feraient bien de prendre exemple sur la Corée du Nord. La dernière astuce du régime, c’est de répandre la fable que le défunt dirigeant, mort le 17 officiellement, d’une crise cardiaque, dans un train qui l’amenait à guider un peu tout (la production de « lait d’haricots », des fabriques de chaussettes, des tirs de missiles), avait ordonné d’acheminer du poisson frais dans la capitale, juste avant de décéder. Il est distribué à la population (ou à une partie de la population, allez savoir) toujours éplorée jusqu’au 28 décembre, jour de la mise en bière du dirigeant qui serait, croit-on, embaumé. C’est bien sûr le successeur qui dirige, guide, organise la distribution, à pleine poignées de poiscaille aux ouïes encore palpitantes.

 

Je ne sais si l’agace picore des restes d’arêtes de poissons, mais je serais porté à le croire. Des nuées de pies sont venues tournoyer au-dessus de la place ou se recueillent les Nord-Coréens désireux de voir une dernière fois la dépouille du Guide. C’est un bon présage. Bon augure pour le règne du Commandant suprême.
Je vous invite à vous rendre sur le site de la KCNA (Korean Central News Agency) pour vous rendre compte à quel point la nature a été bouleversée par la mort du Grand Dirigeant Bien-Aimé. La glace a craqué, les houles se sont levées, et je vous en passe des plus étranges d’entre les multiples manifestations de la douleur des cieux, des éléments. Place aux pies qui saluent l’espoir que représente l’avènement du Commandant suprême (et son peut-être attirées par des relents de poissons pas si frais, allez savoir).

 

C’est en anglais, mais je vous suggère de passer à la version espagnole, plus poétique.

 

« Capitalinos reciben pescados con ojos nublados », c’est plus émouvant que la version anglaise.
Laquelle recèle cependant quelques bonnes formules : « People Seized with Bitter Grief at Loss of Their Leader ».

Il y a quand même un truc que je n’ai pas compris. La sous-préfecture (disons ainsi) du district de Samjiyon  dans la province du Ryanggang est somptueusement décorée d’illuminations, de rayons lumineux animés, en particulier le musée Paektu et le Palais des écoliers et des enfants. Pas de référence au grand deuil ni à Noël. Mais sait-on jamais ?
Les Nord-Coréens porteraient-il secrètement le Petit Jésus dans leur cœur, en tant que Sauveur ou prophète parmi d’autres selon la version mahométane ?
La question est de la plus haute importance : ce pays pourrait devenir ou non un refuge pour nos islamophobes compulsifs.

Allez, de toute façon, paix sur terre aux hommes et aux femmes de bonne volonté, joyeuses fêtes pour toutes et tous, et même Joyeuse Nativité, si cela fait davantage plaisir.

P.-S. – Voilà donc Moussa (Moïse), de Slough, qui va porter des chocolats et des cartes de vœux, de la part de son père, Naved, aux voisins de diverses croyances ou convictions. Shanon Shah est copain avec un révérend anglican. Et l’Écossais et révérend Alan Hamilton-Messer adresse ses voeux à tout le monde, quels que soient les fois ou foies de chacun. Quant à Marianne Goffoël, elle écrit : « Que Jésus illumine le cœur des fidèles et qu’ils apportent la paix. ».
Je suis infidèle, mais merci quand même, Marianne, de même.
Marianne est issue du Collège de la Sainte-Famille (jésuites) du Caire (Égypte). C’était un petit séminaire catholique romain. L’enseignement est en français, anglais et arabe (notamment l’histoire et la géographie sont enseignés en arabe).
Why not?
Parmi les anciens élèves, le communiste dissident Henri Curiel, de confession israélite, porteur de valises pour le FLN algérien, assassiné en 1978 à Paris. On ne sait qui a fait le coup : l’OAS, Abu Nidal (org. palestinienne, car Curiel plaidait pour la paix avec un Israël plutôt « laïque »), ou les services secrets sud-africains de l’apartheid.

Son fils, Alain Gresh, de mère juive, est dir.-adj. du Monde diplomatique, il avait été adopté par un copte. Il est l’auteur de 1905-2005 : les enjeux de la laïcité (L’Harmattan). Au moins, il sait un peu de quoi il disserte, contrairement à tant d’autres.
La tombe d’Henri Curiel, au Père-Lachaise, porte l’inscription « tombé dans la lutte pour le socialisme et la paix à laquelle il avait consacré sa vie. ». Ses pages Wikipedia sont en anglais, français, arabe et hébreux.

Au fait, je déteste peu Noël, qui me reste indifférent, au fond. Mais quand je lis, le jour de Noël, des chrétiens xénophobes, pour un peu, j’abolirais bien Noël. Bah, on remplacerait par la cueillette du gui, ils en prendraient aussi prétexte.