La revanche du pire

 

L'air gourmand de certains anticapitalistes qui, enfin, tiennent leur revanche après l'évacuation de l'idéologie criminelle qu'ils soutenaient aux temps de la Guerre froide, n'augure rien de bon.

 

Si, effectivement, le « tsunami financier » (expression d'Attali) emporte l'économie américaine, l'Europe, l'Union européenne plus précisément, n'aura pas d'autre choix que de construire un nouveau modèle de croissance.

L'inquiétude doit nous tenailler si se dessine comme première puissance, dans un premier temps qu'économique, mais pour la suite militaire, un Etat autocratique. La résurgence des nationalismes, des appétits croisés et des virulences provocantes pourrait faire revenir au premier plan une violence étatique que d'aucuns voulaient croire révolue. Lorsque le regard se concentre sur le terrorisme, il néglige les menaces traditionnelles. Une crise financière qui dégénèrerait en crise économique mondiale favoriserait les stratégies agressives.

Que sait-on réellement de l'objectif des pouvoirs chinois, russes, etc. ? Rien, en dehors des postures officielles. La circonstance exceptionnelle d'un effondrement américain pourrait aiguiser des appétits jusqu'alors bien dissimulés.

Par ces quelques réflexions, je n'excuse en rien les dérives capitalistes. Dès le 18 août 2007, j'écrivais, dans mon Journal, sur la crise des subprimes. L'occasion d'insister sur le crétinisme comportemental de certains milieux financiers, avec ses rumeurs délétères et son suivisme amplificateur :

« Parc désert, étendue d'eau paisible, si loin des agitations boursières. Le libéralisme à tout prix, étendu à l'économie virtuelle, connaît sporadiquement ces hoquets, décrochages qui paniquent les détenteurs de titres. On peut être pour le capitalisme, sans réserve, et considérer comme caverneuses les hystéries de la finance mondiale.

 Internet a eu sa bulle boursière inconsidérément gonflée pour, un beau jour, ruiner les plus aveugles. Depuis, pourtant, Internet grandit toujours, tel un univers en expansion, et fait la fortune des plus avertis. La marque Google n'est-elle pas reconnue comme la plus chère du monde, avant Microsoft et Coca Cola ? Les pionniers de cette dimension du réseau mondial n'avaient donc pas tort de croire aux potentialités économiques du système virtuel, mais le grégarisme amateur a fait imploser les valeurs attribuées à des milliers de jeunes pousses du Net.

Si on doit pointer l'inconséquence d'organismes financiers atteints de prêtite aiguë, si l'on doit soupçonner les agences de notation des émetteurs d'emprunts, au mieux, de s'être vautrées dans la complaisance, au pire d'avoir masqué les difficultés de ces organismes qui les financent, on ne peut se limiter à la stigmatisation des boucs émissaires qui évitent de s'interroger sur la tare consubstantielle.

Aujourd'hui, toute la complexité des causes des baisses boursières ne doit pas occulter la simplicité dérisoire du suivisme, de l'amplification des rumeurs, de la méfiance soudaine, du chaos cultivé. De vraies grossières ficelles psychologiques qui déterminent, et c'est là le point inquiétant, une bonne partie  de la santé économique mondiale. Poupées gigognes non décoratives, plutôt du genre affligeant, où la tête d'épingle incommode le tout.

Comme souvent, ce n'est pas le système qui présente des vices, mais les vices humains qui dénaturent le système. Primaires de Cro-Magnon pour encore longtemps, nous sommes. »

8 réflexions sur « La revanche du pire »

  1. quel bel article, intéressant objectif et prospectif à la fois…
    merci de nous aider à prendre conscience des retombées prévisibles de la crise financière américaine sur nos propres économies et notre mode de vie !

  2. et puis il y a aussi les retombées imprévisibles : la dérive sécuritaire visant à prévenir toutes formes de rebellions que pourrait engendrer un chaos économique:
    « Les responsables de la sécurité des six principaux pays européens et des Etats-Unis étaient réunis samedi à Bonn pour évoquer la coopération internationale en matière de lutte anti-terroriste. »
    l' »antiterrorisme » pourra sans doute être étendu en fonction des nécessités du moment !!!!
    regardez en 1930 en Allemagne , comment ça s’est passé .

  3. [b][u]Ne faudrait-il pas une autre alternative à ce capitalisme sauvage… Je pense à la Sociale Démocratie, qui, comme dans les pays scandinaves, a fait ses preuves et les fait toujours[/u] :[/b] [i]pourquoi ne pas l’adapter en France et dans tous les pays de l’Union Européenne ?[/i]

  4. Ou un capitalisme impérial encadré d’une main de fer par une droite dure dans l’Empire euro-méditerranée qui va maintenant prendre la 1ere place sur la scène mondiale .

    Journal du dimanche:
    « Dans le flot des félicitations qui se bousculent à l’endroit de Nicolas Sarkozy, il en est une qui détonne, celle du sulfureux leader de l’extrême-droite autrichienne, Jörg Haider. Dans les colonnes du quotidien populaire Österreich, celui-ci s’est qualifié de « modèle » pour le nouveau chef d’Etat français. « C’est une ironie de l’histoire que les Français élisent maintenant leur Jörg Haider, et une satisfaction que le ‘Napoléon de poche’, Jacques Chirac, appartienne désormais du passé », a poursuivi le dirigeant populiste. »

    Alors même que Jörg Haider était présenté comme antisémite par la presse israélienne il y a encore quelques mois, à l’occasion de ses prises de position sur la guerre d’Irak, le voici redevenu fréquentable. Le 13 mars 2004, le Parti socialiste (SPÖ) a conclu une alliance de gouvernement avec le FPÖ pour constituer le gouvernement régional de Jörg Haider en Carinthie.

    En novembre 2003, le gouvernement Sharon reçoit en grande pompe Gianfranco Fini, patron de l’Alliance nationale, une dissidence du Mouvement social italien (MSI), parti néo-fasciste revendiquant explicitement l’héritage de Benito Mussolini.

  5. La revanche du Pire
    L’idéal dans l’équilibre en effet. Le seul problème est qu’il est impossible de l’imposer au niveau mondial… Regardez seulement le mal qu’ont les nations pour édicter quelques règles à l’OMC… Il y aura toujours un décalage entre l’utopie de justice et les possibilités d’échappatoire offertes aux arrivistes sans scrupule.

  6. la revanche du pire : je me demande si la gourmandise n’atteindrait que certains anticapitalistes revenchards…

    je ne sais plus qui a dit : « les victimes d’hier seront les bourreaux de demain »

    Ne pensez-vous pas que si nous avions déjà de véritables sages exemplaires et dignes de gouverner, cela serait déjà beaucoup plus probant…

    et quoi et comment faire pour que cela « soit » ainsi ?

    les hommes qui se veulent ou se disent « leaders », tout primaires et poilus qu’ils soient encore, envers et contre tous leurs vices… et vertus,ne les oublions pas, semblent en général avoir une préférence encore et toujours pour les jeux dangereux…

    mais comme le montre cette belle image très sage à la fin de votre article,

    ce ne sont plus de simples cailloux qu’ils concassent à genoux…

  7. La Revanche du Pire
    @ Cat LEF

    En effet, la sélection des dirigeants des Etats démocratiques se faisant par la voie de la séduction, et non de l’intégrité, cela ne peut rien donner d’exemplaire… Je n’ai malheureusement aucune solution réaliste pour parvenir à changer cette tendance. Passer par une autre voie que celle des suffrages, ce qui est le cas de la très grand majorité des Etats membres de l’ONU, ne conduit qu’à aggraver la situation des citoyens, assimilables alors à des sujets opprimés.

  8. Merci d’avoir répondu…

    Je pense, en ce moment précis, au début d’un des livres de Jean-François Deniau :

    « La délégation venue de la cour s’incline devant Confucius :
    « [i]Les enfants ne respectent plus leur père, ni les pères leurs engagements. Les digues n’étant plus entretenues, le fleuve Jaune sort de son lit et noie les récoltes. Les paysans affamés ont mangé leurs semences pour survivre et ne peuvent plus ni semer ni payer l’impôt. Les gouverneurs gardent l’argent du Trésor et les soldats sans solde dévastent l’Empire. Le Mandat céleste est interrompu.
    Maître, que faire ?[/i]

    [i]Confucius répond : « un dictionnaire.[/i] »

    [i]Pour s’entendre, il faut d’abord entendre, c’est-à-dire comprendre…[/i] »

    (J.F. Deniau « ce que je crois » 1992)

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