Après le scandale de la viande de cheval, puis le retrait des rayons des tartes au chocolat Ikea, voici le lait contaminé aux aflatoxines. En cause cette fois des laits provenant des Balkans et de la région des Carpates (Roumanie) et du maïs destiné à l’alimentation du bétail ou des porcs et volailles. La Belgique a fait procéder à des analyses, tout comme les Pays-Bas. Un député serbe a estimé que la Serbie était devenue « un entrepôt de lait contaminé pour toute la région ». Dans la Roumanie voisine, trois fermes laitières et deux laiteries sont soupçonnées et l’autorité sanitaire contrôle aussi du lait en provenance de Hongrie. Air connu : les doses d’aflatoxines cancérigènes ne sont pas dangereuses pour la santé.

Il en est où en France le scandale de la viande cheval ou des viandes avariées ? Un peu dans les limbes alors qu’on reparle de la société choletaise Covi, incriminée pour des viandes avariées fin 2006, fournisseuse d’autres sociétés dont celles du groupe Lur Berri (Spanghero) et dont le dossier reste à l’instruction depuis… 2008. Comme Spanghero, la Covi, qui fabrique du corned beef, se dit « victime d’une tromperie » après la découverte de corned horse dans son bœuf en boîte issu de son unité de production de Bressuire (Deux-Sèvres).

Castel Viandes (viandes présumées avariées), qui fournissait Flunch, se dit toujours victime d’une dénonciation calomnieuse d’un cadre licencié, mais, ce mardi 12 mars, place 330 salariés en chômage technique. Les faits incriminés remontent à 2007-2008, mais selon la direction, tout est à présent en ordre. Reste à en convaincre la clientèle.

Mais le scandale de la viande perdure en Europe avec de la viande de cheval contenant des anti-inflammatoires au Portugal, des saucisses contaminées découvertes en Pologne, &c. Le scandale s’étend au Maghreb à présent.

À présent, c’est autour du lait. Maïs et céréales (mais aussi des fruits secs, le soja…) peuvent être contaminés aux aflatoxines. Lorsqu’elles passent chez l’animal nourri au maïs d’ensilage, certaines bêtes peuvent trépasser. Mais c’est comme pour la peste de Jean de la Fontaine, si tous ne meurent pas, tous sont touchés, dont les vaches laitières.

Quiconque a visité une laiterie industrielle importante conçoit fort bien que le contenu des cuves est destiné tant à l’embouteillage qu’à la mise en packs, à la fabrication de lait en poudre ou de divers produits lactés, ce n’est qu’une question de répartition du même contenu qui finira conditionné pour des marques génériques ou autres, indifféremment. Ou fournira yaourts, fromages, &c.

L’aflatoxine M1résiste aux traitements de conservation et transformation. Elle se retrouve très peu dans le beurre mais peut être présente en quantités nocives dans les fromages et surtout dans le lait ou les produits lactés.

En Serbie, les analyses ont décelé des doses inférieures aux normes européennes mais supérieures aux doses nationales. Du coup, le ministre de l’Agriculture a proposé de s’aligner sur les normes européennes, provocant un houleux débat parlementaire.

En Roumanie, les autorités sanitaires viennent de trouver des doses supérieures à la normale et trois fermes laitières et deux laiteries (qui traitent aussi du lait hongrois) sont visées en particulier. Les quantités sont de l’ordre de 2 000 litres pour les fermes, de 80 tonnes au total pour les laiteries.

Mais deux laiteries ont été provisoirement fermées au Pays-Bas la semaine dernière (l’activité a repris depuis) et 53 000 tonnes de maïs ont été bloquées en Belgique. Le maïs provenait d’Europe centrale et transitait par l’Allemagne. Dans tous les cas, « la norme n’était généralement pas dépassée ». Mais parfois en particulier.

On retrouve aussi des aflatoxines dans des pistaches iraniennes, dans divers fruits secs et fruits à coque.

Les ministres de l’Agriculture de Serbie, Croatie, Bosnie et Macédoine, réunis à Belgrade, venaient de convenir que la situation était sous contrôle, mais ce jour, c’est la Roumanie qui s’alarme.
Déjà, 14 000 litres de lait ont été retirés de la circulation en Roumanie. Le Premier ministre, Victor Ponta, annonce « des mesures radicales ». Des produits présents dans des cantines scolaires ont été détruits.

Le Parlement européen était réuni en séance plénière ce mardi pour débattre de sécurité alimentaire. Il est question de débattre de « l’incapacité des États membres à appliquer les législations européennes en termes de contrôles tout le long de la chaîne alimentaire ». C’est fort bien résumé, reste à savoir ce qu’il en résultera.
Car le commissaire européen Tonio Borg a estimé que le scandale de la viande de cheval était surtout davantage une affaire de fraude que d’étiquetage, « problème distinct ». Il est surtout question de relever les amendes et sanctions financières à un niveau au moins égal aux profits réalisés. Pas vu, pas pris, et si pris, on ne perd que sa mise du moment.

Le scandale de la viande de cheval commence à faire des victimes collatérales. Ainsi de Fraisnor (de Feuchy, Pas-de-Calais), qui fabriquait des lasagnes au porc ou au bœuf correctement contrôlées. L’entreprise a vu ses commandes chuter et elle a dû se placer en redressement judiciaire. Guillaume Garot, ministre de l’Agroalimentaire, s’est rendu hier soir sur place.

Autre conséquence, les grands groupes de distribution se tournent vers des circuits courts et des producteurs locaux. Casino se fournit à présent, pour la région Rhône-Alpes, auprès de la laiterie des Monts du Forez (15 salariés). La ferme Mona dans le Sundgau (Haut-Rhin) qui ne vend qu’en circuit direct (sur place, à des collectifs bio locaux comme La Ruche qui dit oui ou des Amap) a vu sa clientèle s’élargir considérablement.

Mais la proximité n’écarte pas tout danger. À Hélécine, près de Nivelles (Belgique), un couple d’éleveurs de faisans et perdrix se fournissaient en poussins depuis la France où leur fournisseur employait une alimentation cancérigène sans le moindre contrôle de l’Agence fédérale pour la surveillance de la chaîne alimentaire. Il y eut bien des contrôles à Hélicine en 2009, mais le trafic s’était poursuivi. Le couple d’éleveurs a été condamné à une amende de 5 000 seulement (assortie de prison avec sursis). Pas vu, pas pris, si pris, passer par pertes et profits.

Le gouvernement français, mais aussi les autres en Europe, se voient confrontés à un dilemme : rassurer les consommateurs ou se laisser convaincre par les lobbys mettant en avant les risques pour l’emploi de dizaines, centaines, voire milliers d’unités industrielles. Sans compter qu’une amélioration qualitative se répercutera sur les prix à la consommation.

Candia fermera trois sites de conditionnement en France (Saint-Yorre, Villefranche, Le Lude) d’ici à 2014, cumulant 314 emplois. Unilever France prévoit 152 suppressions de postes cette année (avec quelques transferts aux Pays-Bas). Le groupe breton Gad (abattage et découpe de porcs), placé fin février en redressement judiciaire, emploie 1 600 personnes.

On peut comprendre qu’Éric Woerth et Brice Hortefeux aient fermement condamné la précipitation du gouvernement de sanctionner Spanghero. Un coup on joue sur les sentiments des consommateurs, le suivant sur ceux des salariés (et des patrons, donc !).

Lidl vient de « renouveler sa confiance » à Spanghero. Tout va bien, le minerai de viande va retrouver toute sa place sur nos tables. Accompagné d’un grand verre de bon lait…