A ceux qui ont vu et aimé le film datant de 2004 comme à tous les autres, je recommanderai la version adaptée et mise en scène par Patrice Leconte dans l’intimité du théâtre de l’Atelier (jusqu’au 15 avril). De fait, le réalisateur a été bien inspiré de transposer son long métrage en pièce de théâtre. Le texte de Jérôme Tonnerre est ainsi mieux mis en valeur avec ses subtilités et ses silences.

 

Le casting est formidable : Jacques Gamblin et Mélanie Doutey  forment un duo attachant et tout en retenue et plus encore que dans le film, les seconds rôles servent de contrepoints de l’intrigue. Marilyne Canto, qui interprète l’ex-compagne de William et Alain Rimoux, le psychanalyste l’enrichissent de leur regard extérieur.

C’est l’histoire d’une rencontre inopinée entre une jeune femme désemparée et un conseiller fiscal pris pour son voisin psychanalyste. Anna s’est juste trompée de porte. De cette méprise initiale naît le quiproquo qui, de fil en aiguille, va  se transformer en relation ambiguë. Dans ce huis-clos puissamment érotique s’épanouit le sentiment amoureux contrarié. « L’oreille est le premier organe sexuel » dira plus tard le docteur Monnier à un William bouleversé par ce que lui dévoile Anna sur sa vie de couple. C’est qu’il ne contrôle plus rien, les choses lui échappent.

 

Quelle douce connivence un brin perverse s’est instaurée au fil de leurs rendez-vous ! Impossible d’ignorer dans quelle confusion des sentiments le conseiller fiscal se débat désormais. Sur scène, Jacques Gamblin campe un personnage solitaire amarré dans ses habitudes. Touché par le désarroi et la grâce de cette femme qui fait brutalement irruption dans sa vie, il se décidera à déménager pour la rejoindre dans une ville du Sud.

 

Si dans le film, Fabrice Lucchini se révélait plus juste en conseiller fiscal coincé dans son vieux décor immuable, Jacques Gamblin apparaît plus séduisant et Mélanie Doutey plus vulnérable que ne l’était Sandrine Bonnaire qui jouait le rôle d’Anna. Le jeu de séduction est plus évident ici. Notons que Sandrine Bonnaire a été à plusieurs reprises la partenaire de cinéma de Jacques Gamblin.  

Ce qui m’a frappée d’emblée, c’est le raffinement du décor reproduisant l’univers feutré d’un cabinet de psychanalyste inversé, une méridienne-divan placée au milieu, à laquelle répond l’élégance vestimentaire des deux interprètes principaux. Lui tout en harmonie prune et elle, en superposition parme et grisée, portant de superbes bottines serrées lacées. Le tout concourt à créer une atmosphère propice aux confidences, un lieu magique où les mots sont rois. Reste qu’il faut réussir au théâtre à faire abstraction des commentaires et des râclements de gorge intempestifs dans le public avant de pouvoir s’immerger dans le récit. Comptez dix petites minutes « d’écoute flottante », après plus rien ni personne ne pourra vous déconcentrer.