Francesco « Franco » Schettino, le commandant du Concordia, le paquebot des croisières Costa, n’a certainement pas voulu érafler la typo de Jean-François Porchez (créateur de la police Costa). Mais peut-être aurait-il voulu saluer un collègue, un officier de la marchande italienne, au repos sur l’île de Giglio. Une franche bêtise. Qui laisse six morts (ce lundi matin) et quinze disparus derrière elle. Faut-il, pour autant, accabler ce capitaine au-delà de la décence ?

C’est le capitaine Poltron (coward, pour la presse britannique). Voire même un scélérat qui aurait embarqué avec lui les recettes du bord, pas les livres de cuisine, mais le contenu du coffre. L’accable le témoignage d’un policier français, David du Pays (pas de Candy), et de sa compagne, la gradée de l’armée Ophélie Gondelle. Il aurait, l’un des premiers, pris place à bord d’une chaloupe, dissimulé sous une couverture. Deux témoins valent certes mieux qu’un (cujus unus… nullus), mais on sait ce qu’il faut penser des témoignages visuels.
Ce n’est pas pour prendre le contrepied d’une presse populaire qui fait son travail à sa façon, la plus souvent efficace, que je pose quelques hypothèses. Qui connaît mieux le navire que le commandant de bord ? Peut-être son second, et Franco Schettino aurait fort bien pu rester à la barre, ou sur le pont, et enjoindre à son second, Ciro Ambrosio, d’aller au plus vite coordonner les secours depuis la terre ferme…
Mais a-t-il tenté de faire échouer le navire à l’extrémité d’un môle, marqué par un phare ? Peut-être. Et ce choix n’est pas si discutable. Peut-être sa fuite, indéniable selon la justice italienne, est-elle due à la peur, celle d’une sorte d’une sorte de mutinerie, d’un règlement de comptes, allez savoir…
Mais qui peut le dire ?
Toujours est-il que c’est en vue de Giglio qu’il ordonne de mouiller l’ancre et de tenter une manœuvre que des marins expérimentés jugeront ou non hasardeuse.
Les torts sont aussi un peu partagés. Selon Malcolm Latarche, redchef de la revue maritime IHS Fairplay Solutions, la taille et le tonnage des paquebots de croisière sont désormais tels qu’un sauvetage en mer totalement réussi est hors de question.
En jauge et longueur, et surtout hauteur, le Concordia n’est sans doute classé que dans les 20 plus gros paquebots, après les dix premiers : il peut embarquer 3 206 passagers et 1 023 membres de l’équipage, contre respectivement 6 296 et 2 165 pour les deux premiers, Oasis et Allure, de Royal Carribean Intl.
Du fait divers « enjolivé »
Voilà donc que Le Parisien et d’autres relèvent que, lors du baptême, le magnum de champagne ne s’était pas brisé contre la coque. D’où le surnom dont on affublerait le navire : La Maudite. Il y a certes plus d’une Maudite au large… Mais comme elle aurait subi un incident dans le port de Palerme en 2008 Mais comme elle aurait subi un incident dans le port de Palerme en 2008…
De leur côté, les magazines pour agences de tourisme tentent de minimiser. Les croisières ont embarqué 420 000 passagers français en 2011. Effectivement, ce n’est pas parce qu’un avion se crache qu’on ne monte plus à bord d’un zinc.
Mais ce sont aussi les agences de voyagistes qui réclament des bateaux toujours plus gros, toujours plus hauts, notamment au groupe Carnival, l’armateur maison-mère de Costa, P&O, Cunard et d’autres, dont la taille des 101 bâtiments détermine le prix des croisières et la qualité de l’animation à bord
Costa communique que Franco Schettino avait été embauché en 2002 en tant que responsable… sécurité. Il fut promu second, puis commandant du Concordia, lancé en 2006.
N’en rajoutons pas. Je ne donnerais évidemment pas le lien vers la vidéo intitulée faussement « enregistrement du restaurant du Concordia ». Elle fut prise lors d’un incident survenu à l’australien Pacific Sun, en juillet 2008.
L’ennui, cependant, pour le commandant, c’est que ce serait la fille d’une passagère qui aurait la première alerté les carabiniers du port proche du Prato. Avant 22:42 et 43, quand, par deux fois, l’alarme fut donnée par un membre de l’équipage.
Déjà, le prédécesseur…
Le hic, c’est que l’ancien commandant de bord, Calisto Garbarino, avait déjà passé très près de l’île, histoire d’offrir aux passagers une vue rapprochée, et fait retentir sa sirène, ce qui lui avait valu une lettre sympathique du maire de Giglio.
On ne sait trop ce qu’avait signalé à l’armateur le second d’alors, Franco Schettino.
Katia Keyvanian, membre de l’équipage, a consigné sur Facebook que son commandant était resté, arrimé, sur le pont 3. « Vorrei poter rispondere alla marea di idiozie e falsità che sono state dette », écrit-elle.
Ce à l’intention des journalistes qui ont écrit un « plein sac d’idioties ». « Io ero sull’ultima lancia, e lui rimasto attaccato alla ringhiera al ponte 3, mentre la nave affondava… ».
Mais pour faire un scoop… poursuit-elle… Honte, conclut-elle.
Pourtant, les journalistes n’ont pas inventé le témoignage de deux officiers français, qui leur fut servi chaud. L’erreur est humaine.
Il Post, un site d’informations italien qui avait fait état de ce qui n’était encore qu’une rumeur, a publié, expurgé de quelques mots d’oiseaux, le témoignage de cette hôtesse. Espérons que les blogueurs sauront écrire : « à contrario de ce que nous avons publié, un nouveau témoignage… ».
Il reste que le commandant a été retrouvé sur le rivage près de 6 heures 20 après que les derniers passagers aient été massivement évacués (vers 6 heures du matin).
Et quoi ? Que pouvait-il faire de plus ou de mieux ? Jouer les Ulysse ?
Espérons en tout cas qu’aucun pianiste n’est au nombre des 15 derniers disparus. Tant que j’y suis, mes excuses pour ce titre quelque peu cavalier : c’est aussi une loi du genre, accrocher, en frôlant les récifs. Mea culpa, ma non troppo, pas trop maxima… Vous avez en tout cas les bonjours des Alfred qui avaient le loisir de ne pas trop se précipiter pour faire du contenu illico et trop presto, voire pesto, et qui s’en félicitent.

Au fait, comment sont rétribués les commandants ? Comme les traders, ils ont des primes ? Fondées sur les économies de carburant ? J’attends de voir qui calculera les différences de consommation entre les caps et les routes…