Newsnet n’y va pas avec le dos de la cuillère : Domnica Cemortan, de la compagnie Costa, en congé sur le Concordia, a beau indiquer qu’elle n’est pas la maîtresse du commandant, elle aurait fait la traversée tragique sans qu’il lui soit attribuée une cabine. De plus, Franco Schettino aurait été gris au point qu’on ne l’aurait pas « laissé conduire un scooter ». Voilà qui infirme ce que j’estimais plus « à chaud » : n’accablons pas le commandant sans trop savoir. Cela étant, des doutes persistent. Sauf un : les croisières vont coûter plus cher aux touristes…
Ces nouvelles ne vont pas faire plaisir aux voyagistes pour qui les croisières sont devenues une source de revenus presque primordiale. « Francesco Schettino n’a pas abandonné le navire, mais il a été extraordinaire, héroïque, il a sauvé la vie de 3 000 personnes grâce à son sang-froid. Tout l’équipage est de cet avis, » indique Domnica Cemortan, Moldave russophone nationalisée roumaine. Ce serait pour elle et son chef, le patron du personnel hôtelier, originaire de l’île proche de l’îlot fatal, afin de les épater, que Franco Schettino aurait monté l’allure à « en avant toute ». Ou plutôt, pour sa gloriole.
Forcément, le témoignage de cette hôtesse (et d’autres membres de l’équipage assez concordants) est suspect quant à la suite des événements. Le commandant a-t-il quitté le navire depuis le pont 3 trop incliné pour qu’il puisse faire quoi que ce soit, après avoir tenté de diriger les opérations d’évacuation, on non ?
L’affaire intéresse à présent moins la presse, sauf l’italienne qui relève que le navire (ou plutôt l’épave) donne du gite à raison de sept millimètres de l’heure, ce qui pourrait passer à 15 mm à la proue. L’Orione devrait tenter, si la météo le permet, de récupérer le carburant dans les soutes. La zone est un parc naturel marin, et les conséquences pour la faune (et le tourisme) pourraient être très lourdes.
Schettino est interdit de circulation hors de sa demeure de Meta di Sorrento, et on se désintéressera de son sort jusqu’au procès.
En revanche, cette tragédie aura des conséquences pour les compagnies, au moins sous pavillon d’un pays européen ou relâchant dans les ports de l’Union européenne. Simm Kallas, commissaire européen, entend obtenir une révision générale des règles de sécurité. L’aurait-il exigé auparavant que toute la presse (bon, au moins celle du Royaume-Uni, pour la généraliste), et surtout la professionnelle (maritime, tourisme) se serait sans doute insurgée contre les règles trop tatillones de « l’Europe ».
Le gigantisme, source de profits, pose problème. C’est aussi l’Airbus « jumbo » 380 qui donne des soucis. Ses ailes ou plutôt, les attaches les reliant au fuselage : elles se fendillent. Airbus Industries reverra le problème mais, pour l’instant, il ne pose pas de problème de sécurité en vol. Comme le nucléaire à terre ?
Pour les touristes, on ne sait trop quelles seront les répercussions. Panorama, site italien, relève que le navire coûte quelque 400 millions d’euros et que les dommages et intérêts pour les passagers survivants ou les familles des naufragés s’élèveront à près de trois milliards de dollars. Carnival, le propriétaire, est assuré auprès du groupe Aon, un courtier qui a passé le contrat au Lloyd’s de Londres et à l’italienne Generali. Lesquelles sont bien sûr réassurées. Auprès de compagnies qui répercuteront sur tous les contrats de même type.
« Moralité », si vous envisagez de partir en croisière, les prix vont monter. Dès à présent, les compagnies étant prévoyantes (mais ne peuvent réviser trop vite leur catalogue), au fil du temps. D’une part elles vont prévoir le coût accru des assurances, mais aussi celui des nouvelles mesures de sécurité. Carnival enregistrera une perte sèche : le navire ne sera pas remboursé à sa valeur de remis à flot ou d’une unité similaire. De plus, la note de la protection civile italienne lui sera sans doute répercutée. Elle sera lourde. Il y a le carburant, et puis l’huile, « hautement cancérigène » selon le porte-parole du ministère italien de l’Environnement.
Pour le moment, indique La Repubblica, 11 corps ont été retrouvés. 24 disparus sont encore recherchés. Plus les revenus des victimes étaient élevés, plus leurs familles prendront les meilleurs avocats pour obtenir le maximum. Ce qui alourdira encore la note des assurances.
Bien sûr, le prix des croisières dépendra aussi des nouveaux bâtiments que les compagnies lanceront. La concurrence jouant, certaines compagnies devront modérer leurs tarifs. Mais ne comptez plus trop, à l’avenir, proche, et surtout à moyen-terme, obtenir des tarifs similaires à ceux de 2011. Donc, si vous envisagiez une croisière, dépêchez-vous de la réserver au barème catalogue actuel. Et puis, pensez à tout hasard à une assurance individuelle supplémentaire… et réglez avec une carte de débit ou de crédit, et non par chèque…
Profitez-en ?
Je sais, tout cela paraît cynique. Involontairement, l’agence parisienne Voyages Rive Gauche (.fr) l’est davantage. Son site, ce samedi 21 janvier, propose encore quatre croisières sur le Costa Concordia, à des prix « cassés », du 4 au 25 juillet. Bien évidemment, le Concordia ne risque pas d’être réparé à temps.
Vous avez peut-être jusqu’à lundi pour réserver. Gageons qu’il vous sera proposé, à des prix très voisins, une autre croisière, sur un autre paquebot, de la même compagnie ou d’une autre. Avant que les tarifs catalogue soient révisés en conséquence du naufrage.
Voir aussi la suite : « croisière Costa de Savone à Savone ».
Les voyagistes et les compagnies voudraient bien que cela reste perçu comme une erreur humaine fatale, sans que soit remis en cause le gigantisme des paquebots.
L’Organisation maritime internationale (OMI) de l’ONU a été saisie par les organisateurs de croisières. De Christine Duffy, présidente de l’Association internationale des croisières (CLIA): « [i]Nous demandons à l’Organisation maritime internationale d’engager une évaluation complète des conclusions de l’enquête sur le[/i] Costa Concordia, [i]afin que les croisières demeurent l’une des industries de loisirs les plus sûres du monde[/i] ». Hmm… Certes, aucun véhicule, pas même le chameau ou l’éléphant, n’est totalement sûr. Mais si on imposent aux armateurs des coûts trop forts, ils seront les premiers à critiquer.