Des tortues d’eau douce, – tortugas de rierol en catalan -, endémiques, en voie de disparition, une station composée d’une douzaine d’individus de l’espèce Mauremys leprosa, ou « émyde lépreuse », déjà répertoriée dans les pays du Maghreb, la péninsule ibérique et le département des Pyrénées-Orientales, – dont leur existence n’est avérée que sur les cours d’eau de La Baillaury, du Tech et en partie basse de l’Agly -, ont été identifiées sur la partie basse du fleuve La Têt. Son habitat, rives couvertes d’une végétation dense, herbacée et arborée offrant protection contre les prédateurs terrestres et contre le soleil trop vif, est centré, sur la surface aquatique, entre Bompas et Villelongue de la Salanque.
L’émyde lépreuse découverte en Salanque est de couleur verte, jaune et orange. Principalement carnivore opportuniste, omnivore par défaut, elle semble avoir trouvé, dans les zones d’eau stagnante de la Têt, une alimentation assortie, de jour comme de nuit, sur terre et dans l’eau, de têtards, de jeunes anoures, de tritons, de mollusques, de vers, d’insectes, de poissons, de cadavres de vertébrés, – mammifères et oiseaux -, d’invertébrés , d’amphibiens et de leurs larves, et de plantes aquatiques.
Alors que les mensurations des mâles, peuplant la colonie, ne dépassent pas 19 centimètres, pour un poids de 750 grammes, certains spécimens femelles atteignant une taille de 25 centimètres de long et pèsent jusqu’à 1,5 kilogramme.
L’émyde lépreuse
L’émyde lépreuse est un reptile pourvu d’une carapace dorsale, – la dossière -, de couleur ocre-brun à verdâtre, à l’état adulte, carénée sur les écailles costales et vertébrales et marron tachée de rougeâtre ou jaunâtre, chez les juvéniles, et d’une carapace ventrale, – le plastron -, osseuses.
Leur plastron jaunâtre qui n’est pas articulé, est orné d’une bande noire centrale irrégulière qui s’estompe avec l’âge. Leur tête, – présentant une tache orangée derrière l’œil chez les jeunes qui peut entraîner des risques de confusion avec les tortues américaines exotiques -, leur cou, leurs membres et leur queue sont striés de traits longitudinaux jaunes.
L’émyde lépreuse, tortue aquatique, vivant dans ou à proximité immédiate de l’eau douce, est présente, du niveau de la mer jusqu’à 1.250 mètres d’altitude, dans la majorité des pays du Grand Maghreb, – Nord-Ouest de la Lybie, Tunisie, Algérie, Maroc, Mauritanie et Mali -, ainsi que dans la péninsule Ibérique, – Sud-Ouest, Sud, Centre et Est de l’Espagne et Nord-Est, Nord-Ouest et Sud du Portugal -.
En France, elle se rencontre à l’état naturel, avec des populations conséquentes, dans certains ruisseaux des environs de Banyuls sur Mer, et les cours d’eau de La Baillaury, – ayant migré, par leur propres moyens, du Rio Orlina sur le versant espagnol, car la Baillaury est le seul cours d’eau, situé près de la frontière, qui possède de l’eau toute l’année -, du Tech, de la Têt et en partie basse de l’Agly – Pyrénées-Orientales –, et des observations éparses en Languedoc, – Aude, Hérault et Gard où des preuves archéologiques, dans la grotte de la Salpêtrière, à Remoulin, attestent sa présence dès l’Holocène, au Chalcolithique, vers 4.000 ans avant J.C. –
Des constatations isolées, en Pyrénées-Atlantiques et en Aquitaine, sur des cours d’eau des Landes, ainsi qu’en Gironde, concernent, très certainement, des tortues échappées de captivité ou des individus probablement relâchés volontairement par l’Homme.
Bien que l’espèce, de la famille des tortues d’eau douce cryptodires, – les Geoemydidae -, tende à préférer des eaux peu profondes à faible courant avec une végétation dense, il n’est pas exclus de la rencontrer dans des habitats aquatiques variés, – bras morts, canaux, fossés, étangs, mares, fonds vaseux, amoncellements de détritus végétaux, rivières, fleuves et marais littoraux -, et il est très commun de la trouver dans des rivières permanentes et dans n’importe quel réservoir. Sa plasticité écologique importante lui permet de coloniser n’importe quel type d’écosystème aquatique y compris ceux pollués.
L’espèce, hivernant de Décembre à Mars, dans une retraite plus au moins profonde, – tas de débris végétaux, terrier, souches, tas de pierres… -, est surtout active, principalement de jour ou au crépuscule par les grandes chaleurs d’été, de Mars à Octobre, mais certains individus, surtout des mâles, peuvent l’être durant les jours chauds et ensoleillés d’automne et d’hiver.
La maturité sexuelle de l’émyde lépreuse apparaît vers les 7 ou 8 ans pour les femelles, – longueur de la dossière environ 110 millimètres -, les 4 ou 5 ans pour les mâles, – longueur de la dossière environ 90 millimètres -, l’accouplement s’effectue dans l’eau au printemps. À l’aide de ses pattes arrières, la femelle creuse un trou d’une dizaine de centimètres à terre, le plus souvent en début de soirée, durant les mois de mai et juin.
La femelle va pondre des œufs blancs à coquille dure, d’Avril à fin Août, entre 3 et 12, voire jusqu’à 22, plus communément entre 3 et 14 demandant une incubation de 60 à 90 jours selon les conditions météorologiques, une seconde ponte pouvant être déposée en automne. Le trou rebouché, le soleil assure la bonne incubation des œufs.
Les jeunes tortues sortent de terre en Septembre ou au printemps suivant, si les conditions, – absence ou retard des pluies -, ne sont pas favorables. À leur naissance, leur dimension varie de 22,7 à 26 millimètres de long pour un poids de 5 grammes. Leur queue atteint 20 millimètres de long.
A part l’homme qui agit directement, – captures, destructions volontaires -, ou indirectement, – modification des milieux -, les prédateurs principaux des émydes lépreuses sont les mustidés, – fouines, blaireaux, loutres… -, et les oiseaux, – rapaces, corvidés… -, qui s’attaquent aux nouveaux-nés et aux juvéniles ainsi qu’aux œufs.
Protection de l’espèce, Mauremys leprosa.
Au niveau international, l’espèce est inscrite à l’annexe II, espèce de faune strictement protégée, de la Convention de « la vie sauvage et du milieu naturel » de l’Europe, – Berne 1979 -. En France, l’espèce est strictement protégée ainsi que son habitat. L’émyde lépreuse est en effet visée par l’article 2 de l’arrêté du 19 novembre 2007 qui fixe les listes des amphibiens et des reptiles protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection, en application des articles L411-1 et 2 et R.411-1 à 14 du code de l’environnement. De plus, l’espèce est citée à l’arrêté du 9 juillet 1999 fixant la liste des espèces de vertébrés protégées menacées d’extinction en France. Ceci a pour conséquence le fait que les dérogations à la loi de stricte protection des espèces prévus à l’article L411-2 du code de l’environnement sont octroyées, non par les préfets, mais par le ministre en charge de l’environnement.