Or donc, Nicolas Sarközy, partie civile, pourrait-il faire appel de la condamnation de Florian Bourges, si tant était qu’il estime que le jeune auditeur financier mériterait de lui fournir des dommages et intérêts..? En revanche, il ne pourrait charger davantage le journaliste Denis Robert et aurait renoncé à poursuivre de nouveau Dominique de Villepin alors qu’il n’est pas en mesure de le faire. On peut se demander où Nicolas Sarközy a trouvé sa capacité d’exercer la fonction d’auxiliaire de justice (il reste avocat). Quoi qu’il en soit, la relaxe motivée de Denis Robert replace sous un jour nouveau ses précédentes condamnations pour lesquelles il s’est porté, avec ses co-accusés de la presse, en cassation… Quant à l’appel interjeté par le fameux procureur Marin, il permettra peut-être de se remémorer la première affaire Clearstream…
L’audiencer lors d’une seconde crise financière serait tout à fait idoine.

Me Hervé Témime (l’un des avocats de Denis Robert) : « C’est une très bonne décision, en particulier du fait que le tribunal a considéré que Denis Robert était protégé par des principes supérieurs qui sont ceux de la liberté de la presse, de la liberté d’information, de la liberté d’expression. Dans ce cadre il ne pouvait être condamné. ».

 

Pour sa part, le Comité de soutien à Denis Robert, qui continue de pourvoir aux frais divers qui ont frappé Denis Robert et sa famille, à la suite des poursuites intentées contre lui par Clearstream Banking, a diffusé le communiqué qui suit :

« 

J’avais pensé envoyer ce texte :

La justice a été rendue. Après plusieurs années d’épreuves, mon innocence a été reconnue.
Je pense à cet instant à ma famille qui a connu jour après jour la rumeur et la suspicion.
Je salue le courage du tribunal qui a su faire triompher la justice et le droit sur la politique.
Je suis fier d’être le citoyen d’un pays, la France, où l’esprit d’indépendance reste vivant.
Je n’ai aucune rancœur. Aucune rancune. Je veux tourner la page.
J’ai été blessé par l’image que l’on a voulu donner de la politique (journalisme), de l’engagement qui a été le mien, pendant 30 ans.
Et c’est vers l’avenir que je veux me tourner…”

Mais c’est déjà fait, c’est de Dominique de Villepin…
Me concernant…
Je suis satisfait.
Heureux pour les centaines de milliers de personnes qui se sont inquiétées de voir qu’un journaliste pouvait être poursuivi en France pour avoir fait son travail.
Ce jugement crée une jurisprudence.
Il dit que les journalistes sont maintenant protégés par des principes supérieurs qui sont ceux de la liberté d’informer, la liberté de la presse et la liberté d’expression.
Je rappelle que c’est moi qui aie apporté la preuve que les fichiers à l’origine de ce scandale étaient des faux et la démonstration qu’il s’agissait de listings Clearstream manipulés.
Cela a totalement disculpé Clearstream qui – en remerciement – a porté plainte pour «
recel de vol ».
Si j’ai été sur le banc des accusés c’est surtout par la volonté d’une entreprise et de ses dirigeants.
En même temps, je n’ai jamais été autant sollicité, notamment par des acteurs internationaux
de la vie économique, sociale et politique.
Les demandes viennent de partout, de France mais aussi d’Espagne, d’Allemagne, des USA, d’Italie. Ils s’intéressent à l’affaire Clearstream, la vraie, celle d’une multinationale sur laquelle j’ai enquêté depuis 1999.
L’Affaire Clearstream (la 2) aurait pu s’appeler l’affaire Villepin/Sarkozy ou l’affaire des faux fichiers.
Cela aurait été plus simple pour moi. Mais bon
. ».

Même si sa condamnation n’est pas infâmante, les quatre mois assortis de sursis qui frappent Florian Bourges qui, a estimé le tribunal, « contrairement à ce qu’il prétend, ne pouvait ignorer le caractère confidentiel des documents extraits des serveurs » de Clearstream, peut surprendre. Le droit a ses raisons que la raison commune ne sait décrypter. Pour se faire une idée du rôle de Florian Bourges, écœuré par la manière dont le cabinet Arthur Andersen, qui l’employait, lui semblait avoir été instrumentalisé par Clearstream Banking pour enterrer l’enquête de Denis Robert, on se reportera utilement à la bande dessinée de la série L’Affaire des Affaires. Florian Bourges a été l’un des informateurs privilégiés de Denis Robert. Il n’a pas été « donné » par Denis Robert mais il s’est manifesté de lui-même.

C’était extrêmement courageux de la part de Florian Bourges ; il ne peut y avoir d’enquête journalistique sans accès aux sources, et lorsqu’elles sont dissimulées, il faut trouver des informateurs. Et tous les informateurs n’ont pas le statut de feu Philippe Seguin. On ne pourra s’interroger sur les montages financiers du Carlyle Group (dirigé par le demi-frère de Nicolas Sarközy) au Luxembourg sans informateurs. On ne peut s’interroger sur le devenir de l’immeuble de l’ex-Imprimerie nationale (devenue SA comme La Poste, mais c’était alors que Nicolas Sarközy était ministre du Budget), sans renseignements qui ne sont pas tout à fait du domaine public. Denis Robert a tourné la page, il est désormais auteur et plasticien (sur cette photo, à la galerie W, proche de la place de Clichy, à Paris). On peut espérer que d’autres Florian Bourges ne tourneront pas désormais les pages sans s’inquiéter de ce qu’elles révèlent…

C’est peut-être ce à quoi aboutira l’appel interjeté par le procureur Jean-Claude Marin (billets gratuits du couple Chirac, mise en cause du pdg d’Edf, Pierre Gadonneix, du président du Sénat Poncelet, mise sous le boisseau ou temporisation de cas gênant diverses personnalités), qui intervient alors que la magistrature manifeste de plus en plus ouvertement son exaspération à l’égard des mesures diligentées par l’ex-Garde des Sceaux, Rachida Dati. Le parquet ne se pressera pas trop : fin 2011 conviendrait fort bien à l’impétueux omniprésident. Mais si une seconde crise financière venait à secouer les consciences, cet agenda pourrait bien avoir des effets pervers.