Un de ces moments que l’on aime à faire durer, « Alceste à bicyclette« , le film de Philippe Le Guay avec dans les rôles principaux, Serge Tanneur, (Fabrice Luchini) et Gautier Valence, (Lambert Wilson) ! C’est pour relancer sa carrière au théâtre que Gautier, grande star de séries télévisées décide de retrouver Serge le comédien reclus dans son île de Ré, afin de le convaincre de monter ensemble un projet de mise en scène du Misanthrope de Molière. 

Ermite pur et dur dans sa vieille baraque perdue au milieu de la mer, des marais salants, du port de St Martin, Serge qui aime à pédaler à bicyclette, coule des jours tranquilles bien loin de la société des hommes qu’il exècre tant. Bien que très récalcitrant à revenir sur les planches, la tentation de jouer le Misanthrope le séduit quelque peu et il propose cinq essais avant tout engagement. Suspense…

En dépit de son attirance pour le rôle d’Alceste auquel il s‘identifie, son ami lui, bien que Philinte de caractère, refuse de se cantonner dans l’unique rôle de ce dernier, préférant l’alternance. Ils décident donc de s’en remettre au hasard, pile ou face, Alceste ou Philinte. Un beau duo d’acteurs qui, le temps des répétitions à huis clos, deviennent personnages entre lesquels s’établit un duel où chacun se compare, se voit dans l’autre, se surpasse et excelle. 

Une bataille à boulets rouges entre celui, dégoûté jusqu’à la nausée de l’hypocrisie du monde, qui refuse de pactiser et le pessimiste à la démarche inverse. Entre celui qui sacralise le texte et l’éternel conciliant prêt à jouer sur les syllabes sous prétexte de l‘actualiser au profit du public. Entre celui qui a un ascendant démesuré sur l’autre et celui qui ne supporte plus une telle posture.

Et à Fabrice Luchini de s’acharner pour s’approprier les vers, en ressortir le nectar dans toute sa splendeur face à Lambert Wilson non moins éloquent, qui bute et rebute sur le mot effroyable lui préférant indicible. Un lapsus récurrent qui laisse à penser que malgré un travail d‘arrache pied, endosser un rôle n’est pas chose aisée et quand est chevillée au corps une certaine peur comme celle de l‘effroi, l’inconscient se charge à tous les coups de l’expulser ! 

En dehors des séances de répétitions qui incarnent le cœur du film, il y a la vie et ses trahisons inattendues venant de personnes de confiance  qui viennent conforter Serge dans sa haine définitive du genre humain.  

« Moi votre ami, rayez cela de vos papiers. (ALCESTE)

J’ai fait jusques ici profession de l’être; 

Mais après ce qu’en vous je viens de voir paraître. 

Je vous déclare net que je ne le suis plus, 

Et ne veux nulle place en des cœurs corrompus. 

Je suis donc bien coupable, Alceste, à votre compte ? (PHILINTE)

Beau, touchant, et surtout drôle, ce film donne l’envie de relire ce chef d’œuvre de Molière. 

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