Pour Christian Iacono cette nouvelle année ne sera sans doute pas la meilleure de son existence mais ça, il le sait déjà. Tout comme il sait que le combat à mener va être rude et la bataille épuisante. Retour à la case prison pour cet homme de 76 ans qui avait été remis en liberté le 23 juin 2010.

Condamné à neuf années d’emprisonnement en 2009, sentence confirmée en appel deux ans plus tard, pour le viol de son petit fils, cet ancien élu qui se dit innocent a donc franchi lundi matin les portes de la prison de Grasse.

Retour  entre quatre murs pour cet homme pourtant blanchi par son accusateur.

Si j’avais vaguement entendu parler de l’affaire, je ne m’y été pas intéressée plus que ça. Je ne suis pas très branchée histoires criminelles et autres faits sordides relevant de la justice.

De rebondissements en déclarations fracassantes, difficile de passer à côté de cette actualité. Tout comme il est difficile de ne pas suivre la voie que nous ouvrent les médias : celle de l’erreur judiciaire.

 

Honteuse justice qui place en détention un vieillard malade et innocent. Dans quel monde vivons-nous pour laisser faire de telles abominations ? Outreau a laissé des traces et aucun juge ne veut plus commettre d’erreur « dans ce genre d’affaire ». Oui mais est-ce suffisant pour remettre en prison un homme que tout le monde dit innocent, un homme contre lequel il n’y a apparemment pas de témoignages à charge.

Pourquoi a-t-on cru hier celui qui se présentait comme la victime et ne l’écoute-t-on pas aujourd’hui alors qu’il crie son mensonge et tente de faire arrêter le rouleau compresseur judiciaire.

On a connu la justice plus prompte à reconnaître ses erreurs. Au lieu de cela, elle persiste et signe. Ça ressemble à de l’acharnement. Pourquoi ? C’est la question que je me suis posée.

Alors qu’on nous montre un homme fatigué et las de toute cette histoire pourquoi n’y a –t-il pas une vraie levée de boucliers ? Un bracelet électronique n’aurait-il pas suffi ? 

Tout cela me plonge dans le doute.

Alors je cherche, je fouille et tente de me faire une idée, voire une opinion.

En matière de viol (car c’est bien de cela qu’il s’agit) la justice ne se fonde normalement pas (mais on sait que la justice ne fonctionne pas toujours « normalement »…) uniquement sur la déclaration de la victime, qu’il s’agisse d’un adulte ou d’un enfant. Les dires, du ou des accusateurs, doivent être corroborés par des indices très précis, jugés de nature « grave » et surtout concordants par le biais d’expertises, et/ ou de témoignages. C’est ce qui s’est passé dans « l’affaire Iacono ».

Nous sommes en 2000. Le petit Gabriel âgé de 9 ans déclare à ses parents que pendant plusieurs années (entre 1996 et 1999) son grand-père Christian  a abusé sexuellement de lui. L’enfant était donc, au début des faits qu’il décrit âgé de cinq ans.

Toujours selon l’enfant les faits se seraient déroulés pendant des vacances passées à Vence et incrimineraient un hôtelier de la région en plus du grand-père paternel.

Bien que niant farouchement les faits qui lui sont reprochés, l’ancien député maire de Vence passera quand même trois mois en en détention provisoire pendant l’année 2000.

A l’issue du procès en avril 2009, il est condamné à neuf ans de prison pour « viol et agressions sexuelles ». Verdict confirmé en février 2011 lors du procès en appel.

Son petit fils déclarait alors « mon grand-père, je l’aimais. C’était un dieu à mes yeux. Mais il a fait les choses les plus dégueulasses possibles ».

 

 

 

Pour les avocats de l’accusé, Gabriel ne ment pas forcément mais est en fait confronté à de faux souvenirs, conséquences du divorce douloureux de ses parents et de la guerre que se livraient le notable de Vence et son fils Philippe, père de Gabriel. Christian Iacono enfonce un peu plus le clou, se disant victime d’un complot et suspectant son propre fils d’avoir manipulé l’enfant.

Lors du procès, c’est la grande lessive.

Philippe Iacono explique que son père le « considérait comme un faible, une marionnette influencée par ma femme. Il bafouait mon autorité, voulait m’empêcher d’éduquer mon gamin comme je l’entendais ».

De l’autre côté, le grand-père d’expliquer que son fils  « ne sait pas être tendre avec son fils. D’ailleurs, il pense qu’il faut dresser les enfants ».

Alors, qui croire ?

Les experts qui se sont succédés à la barre tiennent, à quelque chose prés, le même discours.

Les médecins affirment que « les cicatrices présentes sur l’enfant sont  compatibles avec des actes de sodomie » tandis que les psychologues sont formels quant à « l’existence, chez Gabriel, d’un syndrome post-traumatique spécifique à une agression sexuelle ».

Difficile de démêler tout ça. Et comme si ce n’était pas encore assez, l’affaire prend une tournure inattendue courant 2011. En mai, Gabriel alors âgé de 20 ans revient sur ses accusations. Accusations qu’il maintenait depuis onze ans contre son grand-père. Il explique alors qu’il a menti de façon tout à fait consciente dans le but d’attirer l’attention en espérant que ses parents, divorcés, se remettent ensemble.

 


Christian Iacono  est alors remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire mais cela n’a pas duré. Même si aujourd’hui l’ancien maire de Vence est de nouveau sous les verrous, il ya fort à parier qu’il n’y séjournera guère très longtemps.

Le 16 janvier prochain, la Commission de révision des affaires pénales devant la cour de cassation doit étudier le dossier et donner un avis quant au maintien ou non en détention.

 

La justice remettra t’elle en liberté cet homme qui a abusé sexuellement de son petit fils âgé de cinq ans ou bien laissera t’elle en détention un vieillard de 76 ans innocent ?

Condamné un homme à neuf ans de prison pour viol me paraît une sentence bien légère au regard de la monstruosité de son acte.

Emprisonné un homme innocent, même une seule journée, est ignoble et insupportable.

Alors ?

Dates marquantes dans l’affaire Iacono

2000 : Gabriel confie à ses parents avoir été violé par son grand-père.

10 juillet 2000 : Christian Iacono est arrêté et incarcéré
12 octobre 2000 : Il est mis en liberté et placé sous contrôle judiciaire dans l’attente d’être jugé.

11 avril 2009 : Christian Iacono est condamné à neuf ans de prison par la cour d’assises des Alpes-Maritimes, pour viol et agressions sexuelles. Il est incarcéré puis libéré suite à une décision de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence dans l’attente de son procès en appel
23 février 2011 : Christian Iacono est condamné en appel par la cour d’assises d’Aix-en-Provence à 9 ans de prison
et incarcéré à la maison d’arrêt de Grasse.

Mai 2011 : Son petit-fils se rétracte dans une lettre adressée au parquet de Grasse.
23 juin 2011 : Christian Iacono est libéré.
23 novembre 2011 : Le pourvoi en cassation de Christian en Iacono est rejeté. La condamnation est donc définitive et doit être exécutée.
24 novembre 2011 : Les avocats de l’ancien maire de Vence saisissent la commission de révision des condamnations pénales d’une demande de suspension de peine.

26 décembre 2011 : Christian Iacono qu’il va devoir se constituer prisonnier
9 janvier 2012 : Le septuagénaire est incarcéré à la maison d’arrêt de Grasse.
16 janvier 2012 : La commission de révision des condamnations pénales doit examiner la suspension

Un reportage qui laisse interrogateur…ou renforce une intime conviction.

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