Décidemment, je ne suis plus du tout doué pour les titres… C’est en tout cas celui-ci que m’inspire la lecture successive d’un texte d’un certain « Charles Marteau » (qui pourrait être Pierre Cassen ou tout autre) sur le site de Riposte Laïque et de l’essai d’Aïssa Lacheb qui vient de paraître au Diable Vauvert. On a en fait le choix : sombrer dans le grand baquet d’une mélancolie confinant au tonneau de la sinistrose danaïdienne, se muer en Oussama Breivik, opter pour le mélanchonisme ou quelque chose d’approchant, ou… ou… relire Candide et s’adonner à autre chose.
Je professe – soit transmettre ce qu’on a pu découvrir par soi-même – énormément d’estime à l’égard d’Aïssa Lacheb. Qui respecte fort « châtie » copieusement. Il me semble donc idoine d’écrire qu’à vouloir respecter le format imposé (celui d’un essai de 50 pages au format Livre de Poche, vendu au prix public de cinq euros par le Diable Vauvert, soit même pas de quoi s’offrir un bon repas avec ses droits d’auteur), Aïssa Lacheb ne s’est guère grandi à honorer de la sorte ce qui pourrait (à tort) sembler une commande de l’éditeur. Pas vraiment rapetissé non plus, c’est de la belle ouvrage, conforme aux canons du genre, qui oblige à ne pas trop s’attarder sur la complexité et à épurer les nuances. C’est toujours mieux, en tout cas, que de pondre un titre aussi abscons que supra.
Il me semble aussi adéquat de me faire le répétiteur zélé du peu de considération que m’inspire Riposte judéo-christique (Riposte Laïque ; totalement dévoyée derrière Marion Maréchal-Le Pen, peut-être même l’Opus Dei ou la branche ultra-sioniste du consistoire). Tenez, ces gens poussent un fort sincère et mesuré Aïssa Lacheb à écrire cette grosse bêtise : « Oussama Ben Laden, Anders Behring Breivik, c’est un même combat (…) L’un au nom de l’islam, l’autre au nom de la chrétienté. ». C’est en rester là aux apparences, car la religion de l’un et de l’autre, c’est surtout leur renom, leur quête de notoriété et de pouvoir sur les autres. Admettons, comme les laïcards, que c’est l’essence même des religions, et donc cette approximation reste admissible.
Mais quand vous voyez, sur le site de Pierre Cassen, Christine Tasin et consorts, un présumé Charles Marteau choisir pour avatar un Godefroid de Bouillon à la tunique barrée de l’emblème des croisés, on peut se fourvoyer, et dans le cas d’Aïssa Lacheb, se plier aux contraintes de l’essai.
Ce « Marteau » pilonne l’éducation nationale en se posant tel un « enseignant en ZEP » (« zone sous l’emprise du prophète »). Les ZEP n’ont plus cette appellation depuis belle lurette, mais reconnaissons-le humblement, serais-je stipendié par Riposte Laïque que je me vanterai d’un tel titre. Zone sous l’emprise, ça claque. C’est fort bien trouvé. Au passage, félicitons la ou le graphiste du Diable Vauvert : au format carré, cette croix de saint André formée par ces deux « choisissez ! » ferait un sigle convenable si Aïssa Lacheb avait rédigé le manifeste de son futur parti… Le sien n’est autre que celui de réfléchir et de tenter d’inciter autrui à faire de même. Soit l’antithèse du parti pris de Riposte judéo-christique.
Le bouillon du Marteau, c’est celui d’un Charlot poitevin. Qu’importe si le contesté fait d’armes se soit situé, vers 732, plus près de Tours que de Poitiers, appellation victorieuse ayant valu à un édile parisien de se livrer à un coup d’État, fort admiré par le Marteau (ou Cassen, ou Tasin, ou, en réalité, l’un des auteurs attitrés du site rédigeant d’habitude sous son vrai nom). Remarquez que sa compilation de faits divers lus dans la presse ou serinés par les sites identitaires ultra-droitiers, présenté telle un témoignage de première main d’un « sachant » se voulant crédible, n’est pas totalement dénuée de fondements. Tenez, je vais même en rajouter et abonder. Savez-vous que les dirigeants du sud de la Méditerranée instrumentalisant l’islam sont quelque peu révisionnistes ? Actuellement, au Maghreb, oubliés les historiens arabophones de l’époque ayant évoqué (fort peu) cette grosse escarmouche devenue mythique au nord de la Loire ; car la simplification pédagogique destinée au cours d’histoire du primaire veut que, c’est sûr, Abd el Rahman n’a pas du tout été tué au sud de Tours (en tout cas plus près de Tours que de Poitiers). Il a au contraire sauvé son armée car la peste ravageait la contrée. Jamais il n’a reculé devant des Francs ou des Pictons, ne croyez pas ce qui se raconte dans les collèges français…
L’historiographie adore le flou, faire de Marignan une victoire due à la seule bravoure de François Ier, &c. Plus tard, au lycée, ou plutôt à la fac, il sera toujours temps de nuancer dans l’entre-soi des initiés.
Mais la même falsification simplificatrice vaut pour les prières d’insérer. Ainsi celui de ce Choisissez ! qui résume que l’auteur « interroge la nature des terroristes, français d’origine arabe ». Comme si ces Français n’étaient que d’une seule lointaine origine yéménite… Comme si les Rifains de Bruxelles n’étaient pas surtout d’origines diverses, berbère (et même kabyle : leurs ancêtres étaient frontaliers de l’Algérie), « juive », voire romaine, &c. Comme si janissaires et barbaresques n’avaient pas fait souche au Maghreb. Dans son texte, Aïssa Lacheb se distancie en plaçant arabe entre guillemets lorsqu’il s’agit de faire référence à une origine maghrébine. Mais lui aussi caricature. Aïssa Lacheb exagère un poil (ou non, ce n’est pas tout à fait son genre de glorifier les filles et fils de harkis ou de se faire l’exégète des chibanis et de leurs descendants). « Nous autres, les enfants « arabes » de ces rapatriés de la guerre d’Algérie, étions tous relégués en fond de classe ou peu s’en fallait, les maîtres n’instruisant réellement que les Français dits « de souche » qui étaient majoritaires parmi nous. » L’époque, c’est les années 1960-1970, le lieu, la très proche nouvelle banlieue de Reims, et l’action serait politique de longue date puisque l’école ne s’intéresserait qu’à la reproduction des élites (Aïssa, à l’ombre ou devenu infirmier psy, parfois de garde de nuit, a eu tout le temps de potasser Bourdieu).
Attention, je ne soutiens pas qu’il ne soit pas sincère. Viré de la communale en classe de cinquième, à l’âge de 15 ans, Lacheb s’est surtout fait tout seul. Je n’étais pas en classe avec lui à Croix-Rouge (son quartier rémois), j’ai juste fait un stage de capésien à la Goutte d’Or, où, sur trois classes, le seul Européen était un jeune Bosniaque resté quelque peu shockshelled (traumatisé par les détonations). Les enseignants étaient dévoués, compétents, parfois agrégés, &c. Ma tante, enseignante du primaire au Maghreb puis en France, ma fille et ma bru, profs de collège, ne se comportaient ou comportent pas du tout comme les maîtres barbus « socialauds » de « Marteau » ou les titulaires ou auxiliaires de Lacheb. Lequel fait peu de cas de ce qu’il doit à l’école française qui lui a appris à lire et écrire et du fait que ce Choisissez ! est déjà son huitième bouquin publié. Cherchez l’erreur… Il explique donc que nos djihadistes sont le fruit de l’école et de la société françaises (nombre de profs français, d’origines diverses, sont tout à fait d’accord avec lui sur ce point, mais avec des nuances) qui n’ont pu se construire une identité d’esclaves consentants de la technocratie financière qui nous régit. Bon, là, moi aussi, je fais à l’emporte-pièce : mais il y a un peu de cela.
Je ne sais si « Marteau » a jamais été enseignant, j’atteste que Lacheb fut infirmier en HP vers Toulouse et à Reims. Des déboussolés de toutes origines ou conditions, il en garde sa dose. Il est assez bien placé pour constater les dégâts que peuvent engendrer précarité, déchéance sociale, &c. Il en témoigne en identitaire. Pas du tout « identitaire arabe » comme peuvent l’être à l’inverse les « identitaires croisés », les foldingues de la fachosphère qui se recasent ensuite auprès de Marion ou Marine. Lui, il est identitaire « français », soit de cette France formée et forgée de Français, Maghrébins (dont pas mal d’israélites), de républicains espagnols, de Polonais, &c., qui ont inspiré le Conseil national de la Résistance. Il constate ce que nous pouvons observer, cette identité est devenue obsolète, révoquée, anéantie par les gouvernements successifs et leurs antennes dans les ministères, dont celui de l’Éduc’ nat’. La plupart de nos politiques sont devenus les séides de la technocratie financière.
C’est effectivement ce que dénoncent des Oussama, des Anders, qui n’ont pas plus confiance dans les urnes qu’en la vulgate libérale. Ou des Cassen-Tasin qui font semblant d’y croire le temps des élections mais avec, peut-être (je ne m’avancerai pas trop, c’est peut-être faux, facile supputation que m’inspire leur prose par déduction hasardeuse) l’arrière-pensée qu’un pouvoir fort saura, une fois installé, se passer du suffrage universel ou le canaliser durablement. Suivez mon regard vers Béziers.
Aïssa Lacheb conclut ainsi : « choisir entre vivre soumis et silencieux dans le dénuement financier et matériel puis la souffrance psychologique ou mourir noyé dans une fosse à lisier tels en France ces agriculteurs et petits paysans qui se suicident de la sorte ou en avalant de la mort-aux-rats, je ne choisis pas, je refuse ce choix. ». Car, de fait, « la spéculation sur le travail et sur toute chose, vivante ou non, [prévaut et dicte] sa loi à tous. ».
Sa démonstration est très claire, documentée, fortement étayée. Faut-il pourtant en tirer une directe relation de cause à effets « justifiant » (terme qu’il n’emploie pas, bien sûr) des formes de terrorisme ? Non, bien évidemment. C’est beaucoup plus sinueux que direct. Aïssa Lacheb en est sans doute parfaitement conscient. Mais en cinquante petites pages, il ne parvient pas clairement à éviter de prêter le flanc à cette approximation. Je me place là en lecteur lambda, feignant de ne point le connaître, et maladroit au point de laisser l’impression que je renverrai son essai et le pseudo-témoignage de « Marteau » dos à dos. Non, ce n’est pas tout à fait : à chacun son truc, le bréviaire djihadiste pour les rebeus, les hadiths maurassiens pour les bruns au teint et yeux clairs. Mais il y a de cela (de manière patente chez « Marteau », insidieusement par moments et sans aucun doute à son corps et son esprit défendant chez Lacheb, contraint autant que moi à faire court, donc bancal).
Lacheb en appelle à un sursaut collectif et surtout, d’abord, individuel. Il tente d’expliquer, tant à nous tous qu’aux « rebeus » (les guillemets s’imposent) djihadistes, voire aux « Marteau », qu’il est d’autres voies que les « intégrismes violents » imposant leur vision – univoque, lacunaire, dévoyée, et pour certains à l’occasion véritablement suicidaire – « du monde et de l’humain ». Est-ce trop tard ?
Je ne sais s’il fut pris de « stupeur et tremblements » en constatant qu’on soit parvenu à créer de si forte identités « Conti », « Florange », « Mittal », « Doux » ou « Lejaby ». Il est sidéré d’entendre une « Technicolor » en « quasi-crise d’hystérie publique » : « ce n’est donc plus une ouvrière, ce n’est donc plus une femme, ce n’est même plus un être humain, c’est une ‘Technicolor’.Ce sont des ‘Technicolor’. ». A-t-elle, ont-ils encore le choix ? Oui dit Lacheb, qui a su faire d’autres choix que ceux qu’on lui prédestinait. Mais nous-mêmes, en tant que producteurs de « valeurs marchandes » ou consommateurs de biens et services, avons-nous encore le choix ?
Je reviens du Moyen-Atlas, où si vous donnez la moitié de qu’il obtiendrait d’un autre au tarif habituel local, le prestataire vous dit quand même « merci » et reste disposé, tant qu’il ne trouve pas mieux, à œuvrer de nouveau pour vous. C’est toujours mieux que rien, c’est toujours cela de pris. C’est ce qu’a bien compris tel ou tel industriel ou commerçant occidental ou chinois qui s’implante à Madagascar ou en Éthiopie… « Question de survie » pour leurs esclaves salariés à vil prix… Survie aussi, pour certains paysans français grugés davantage par leur coopérative que par la grande distribution (ou inversement, selon qu’on prête l’oreille à tel ou tel groupe de pression). Le « dilemme terrible et insoutenable » que relève Aïssa Lacheb c’est que nous sommes placés soit en mesure de boycotter ce que produisent d’autres précaires et de les plonger ainsi dans une plus désastreuse précarité, soit de nous rendre « coupables et complices » de l’industriel ou du commerçant (lequel est d’ailleurs parfois aussi notre propre employeur). « Voici l’injonction ultime », résume-t-il. C’est presque du Voltaire, cela tend vers Candide.
Voltaire, en dépit de ses mesquineries et petitesses, a tracé d’autres voies. Lacheb est une autre voix. Malgré quelques faiblesses, son essai est marquant, pertinent. Je lui souhaiterai de peser au moins autant que certaines thèses universitaires dont les volumes d’à peu près, d’observations douteuses induisant des semi-vérités, d’indicatifs présents maquillés en conditionnels, outrepassent massivement les quelques rapides vraisemblances-faussetés qu’Aïssa Lacheb a pu s’autoriser, faute peut-être de temps, assurément d’espace. La critique est aisée… Ma très sincère louange exigerait bien davantage d’efforts et de talent. Vous comprendrez que pour furtive qu’elle soit, elle n’est pas totalement absente. Aïssa Lacheb démontre son refus de se considérer « coupable d’être exclu et pauvre » (ce qu’il fut, aux yeux des autres, trop longtemps). En cela, un « Marteau » qui souhaite peut-être, sans jamais l’avouer, qu’il le redevienne, et si possible en face de Marseille, d’Algésiras, de Marsala ou de Larnaca, diffère radicalement. « Marteau », autant qu’il s’en défend, agit de sorte qu’un Lacheb soit à jamais un « arabe », donc, partant, un « musulman ». Si ce n’est toi, c’est donc ton frère, concède-t-il, argumentant chaque jour, si ce n’est chaque heure. Lacheb, Français de naissance (peut-être de parents français s’ils avaient, en tant qu’Algériens de « régime musulman », obtenu la nationalité française avant 1962 ou mars 1967), considère les autres Français tels des frères (« au sens de la Fraternité républicaine »). Il souhaiterait vivement qu’un « Marteau » conçoive de même ses nièces et neveux, Français de seconde ou troisième génération. Cela favoriserait sans doute mieux la réciprocité que la sempiternelle dénonciation des « enseignants-moutons bobos-gauchistes de la Ripou-blique ». Lui, « Marteau », se pose en rarissime exception… En glorificateur de la « race blanche » et de la Vraie France aux Vrais Français.
L’un des commentateurs de la prose « martelée » résume fort bien ce qu’elle implique : « l’assimilation à la mode LRPSFN suppose une volonté commune qui n’existe chez aucune des deux parties en présence. ». Comprenez que le Front national de Marine (moins celui de Marion) est devenu trop mou et qu’il faut déporter un Lacheb de l’autre côté de la Mare Nostrum. Eh oui, on choisit ses amis, pas forcément ses compatriotes (ou ses commentateurs pour les propagandistes du vote FN). Il en est qui auraient volontiers voué un autre Charles (« le traître de Gaulle », du temps de l’OAS) à la déchéance nationale. En partie, large ou réduite, je ne sais, ce dernier finit par se résoudre : l’assimilation lui semblait un objectif hasardeux. Il ne concevait guère d’autre voie. Il saborda donc le pont liant Alger à Marseille.
Actuellement, les faits sont présents et têtus. Ceux que dénonce « Marteau », avérés ou fictifs mais plausibles (un meurtre par noyade, commis par un caïd scolaire, évidemment maghrébin, classé en accident, par exemple), ceux que pointe Aïssa Lacheb. Pour les uns, un Français assimilé et Breton communautariste, passe encore, mais pas question que d’autres nourrissent le moindre sentiment communautaire, même strictement culturel et non pas forcément cultuel. On parle corse ou alsacien en famille, c’est folklorique. Si c’est du dialectal maghrébin, c’est séditieux : ils ne s’assimileront jamais, soutiennent mes chers compatriotes adeptes des déportations massives, si possible au seul faciès, car la mosquée reconnaîtra les siens. Il est d’autres choix, d’autres paris : choisissez ! Rabâcher que le seul et unique facteur de la situation actuelle est la propagande islamiste est une imbécile gageure : les faits le démentent.
Comme Aïcha Lacheb le relève, Kelkal était lyonnais, Merah, toulousain, les frères Kouachi des Corréziens de Paris. Mais Merah, par exemple, a fini par se considérer surtout des Izards (quartier toulousain) avant de s’inventer une identité musulmane radicale, une appartenance à une oumma dont il n’a qu’une vague idée idéalisée. Avait-il le choix de résider ailleurs qu’aux Izards ? Oui, sauf qu’il a fait le choix des limbes d’un fantasmé califat. C’est ce qu’explique Aïssa Lacheb. Choix qui ne fut pas celui d’un Mustapha Ourrad, pourtant, lui, parfaitement acculturé en arabe et ayant étudié la religion musulmane… Il est devenu, après Charlie, chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume.
Je ne sais dans quelle condition matérielle un Mustapha Ourrad est venu vivre en France. En revanche, j’ai lu, à Meknès, Le Ciel, Hassan II et maman France, de Mohamed Hmoudane, écrivain franco-marocain très prometteur. Un littéraire, comme Ourrad, féru de culture française. Qui en a copieusement bavé chez « maman », en tant que pauvre, et « crouillat » de surcroît. Il lui a fallu moins d’une décennie pour obtenir la nationalité française que nos préfectures accordent au compte-goutte, ce qui constitue une exception notoire. Ourrad, résidant en France depuis ses vingt ans, en 1974, ne deviendra un Français qu’en décembre 2014, à 60 ans. C’est dire comment « maman » et nos « Marteau » préfectoraux s’empressent d’assimiler. Du coup, bien sûr, il est plus facile de soutenir que l’assimilation, ou même l’insertion, est quasi-impossible. C’est l’histoire du « pas de bras, pas de chocolat ». Lisez Lacheb, lisez Hmoudane, cela vous permettra de sortir moins d’âneries au comptoir du bar du Commerce, et peut-être, espérons-le, de vous livrer à une analyse du texte de « Marteau » comme on aurait dû vous l’apprendre à l’école… Lequel, s’il n’affabule pas totalement, a dû obtenir son diplôme de l’IUFM (l’École normale d’alors, vers les années 1990) dans une pochette surprise. En tout cas, s’il enseigne le français (il ne précise pas sa discipline, bizarrement… mais il se campe en professeur des écoles primaires, donc… logique), on comprend mieux comment se fabriquent les Merah.
Lacheb est loin d’être universitaire. Il aurait pu le devenir. Tout comme mes condisciples de DÉA ou DÉSS (aujourd’hui mastères deux), dont certaines et certains étaient de culture dite, de manière trop réductrice, « arabe », en proportion au moins égale à celle des étudiantes et étudiants provenant d’autres pays européens. Mais que lit-on chez « Marteau » ? « Sur une promotion d’une centaine de lauréats professeurs des écoles, pas un Noir, pas un Arabe. ». Peut-être, mais ce n’est pas ce que reflètent le Capès ou l’Agreg. Étrange, non ? Eh, à en juger par les effectifs du barreau de Paris, ou celui de Bobigny, à l’en croire, il est plus difficile de devenir maître d’école qu’avocate ou spécialiste en droit des affaires si l’on est « Noir ou Arabe »… Les proportions des promotions de l’École supérieure de magistrature sont encore plus éloquentes.
Lacheb a inventé un personnage : Oussama Ben Breivik. Il ne pouvait alors connaître Charles Marteau, son jumeau. Mais il en a connu bien, trop, d’autres. Mais aussi ceux auxquels il dédicace son livre : Meyer Ittah, médecin et dirigeant de sociétés et laboratoires, Daniel Faugnatti, écrivain et conseiller à Pôle Emploi. Je subodore qu’il aurait aimé les avoir pour professeurs des écoles. N’exagérons rien. Nos Coulibaly, Kelkal, Kouachi, n’ont pas eu droit qu’à d’autres « Marteau » en classe. Mais il suffit parfois d’un seul, et de la complaisance, ou lassitude, et résignation des autres. Ce qui se conçoit quand Lacheb traite du personnel hospitalier qui « faute de pouvoir faire mieux avec le peu qu’il a, est méprisé de jour en jour et par les pouvoirs publics, pourtant responsables de cette situation, et par les usagers malades ainsi que leurs familles. ». Parfois, il faut l’envisager (mais non l’admettre), il peut y avoir de quoi devenir marteau, voire Oussama Ben Breivik. Aïssa Lacheb nous exhorte : il est d’autres choix.