L’attentat visant Charlie-Hebdo a déclenché des cyberattaques, assorties de menaces de mort visant l’hébergeur belge de son site, et une multitude de messages, haineux (et injurieux en retour) sur la page Facebook officielle de la publication. L’attentat n’a toujours pas été revendiqué.

Ce jour, la rédaction de Charlie a convoqué une conférence élargie à tout journaliste, histoire de capitaliser sur l’événement.
De son côté, les Ni putes, ni soumises (entre autres organisations), ont appelé à un rassemblement devant l’Hôtel de ville de Paris en des termes qui fleurent bon le clientélisme : l’association dénonce « des communautés religieuses fermées et vivant de la haine de la religion ou de l’athéisme de l’autre… ».
On ne voit pas trop qui vit « de la haine de la religion » et en quoi la détestation des religions serait religieuse. Siné Mensuel, qui « conchie toutes les religions », serait donc le siège d’une secte ?
C’est une sympathique TPE commerciale, comme NPNS, plus rigolote et leste toutefois… et non-subventionnée (ou si peu) que je sache. Divers excités ont agi, soit par détestation du sionisme sauce actuelle (le sionisme ne se réduisant pas davantage à son actualité que le marxisme au communisme stalinien), que serait censé soutenir Charlie-Hebdo, on ne voit plus trop pourquoi, soit pour manifester leur volonté d’instrumentaliser l’islam…

Il s’agit d’en faire le vecteur de leur prise de pouvoir, ils se sont massivement manifestés.
D’autres, pour les mêmes raisons inverses et identiques à la fois, se déchaînent (voir notre « Bal tragique à Charia Hebdo : 0 mort », d’hier, et surtout les commentaires).

Civitas, qui organisait les prières devant le théâtre du Chatelet (devant le 104 à présent) où un acteur interprétant un schizo sénile serait supposé bombarder de chocolat un portrait d’une idole chrétienne – en fait, ce n’est pas du tout cela, et le spectacle n’a rien de profanateur –, dénonce tout amalgame : ses motivations sont uniquement spirituelles (à d’autres) et pacifiques (dont acte, Civitas dénonçant tout débordement). L’important n’est pas la teneur de la pièce, mais le besoin de se faire voir, d’amuser la galerie, et peut-être de recueillir des dons. Même chose d’ailleurs pour la prétendue djihad contre Charlie Hebdo : pognon.
Nous avons déjà une parodie, « Shoah Hebdo » (voir le lien supra), pas encore de « Blandine Hebdo » (du nom de cette immigrée lyonnaise d’une secte chrétienne parmi d’autres condamnée à mort sous Marc-Aurèle), mais cela ne pourrait pas tarder.

Il est évident que cette pièce serait passée inaperçue avec un titre plus anodin que Sur le concept du visage du fils de Dieu et que, même intitulé Charia Hebdo, Charlie se serait moins vendu sans référence implicite aux caricatures de Mahomet.

Et alors ? Chacun ses trucs de pub et de com’. Le Vatican en a bien d’autres ; La Mecque fait le plein comment ? En faisant de pèlerins morts dans un incendie de leur bus des martyrs. C’est pas du bon teasing, cela ? Tu te prends un platane en allant à Lourdes, tu as peut-être ton ticket d’admission au balcon des bienheureux. Chacun son spectacle, chacune sa réclame.

Attentat non revendiqué

Dans Le Point, Sihem Souid, auteur d’Omerta dans la police, rappelle que « de nombreux faits (…) devraient nous inciter à la prudence. ». Elle mentionne « l’illuminée du RER D qui avait inventé une agression par des jeunes beurs. ». Elle pourrait aussi bien évoquer des profanations de tombes judaïques imputées un peu vite au Front national (même si leurs auteurs n’avaient que de très vagues et lointains liens avec des groupuscules proches du FN, voire aucun).

Tout aussi hâtivement, elle énonce : « on sait d’avance qu’avec le défilé des “spécialistes”,les musulmans seront une fois de plus stigmatisés… ». Faux. Pas « tout à fait », admettons. Il est, parmi les personnes de diverses cultures musulmanes de toutes provenances et opinions, des agnostiques, des athées, et parmi les musulmans, ou disant l’être, une large diversité d’approches. Tout spécialiste ou même profane quelque peu lucide ne peut le nier. Parmi les intervenants dans la vie publique, les spécialisés de la question tenteront de défiler, c’est sûr. Il n’est pas évident que la majorité de la presse leur accorde plus d’attention qu’à Sihem Souid. Elle a certes raison de relever que les vrais problèmes sont ailleurs, qu’il est plus facile de légiférer sur des faits de société que de réduire la pauvreté, mais il n’est pas sûr du tout que l’UMP tente de faire passer une nième loi que le Sénat ridiculiserait.

Acte politique à visées politiques

Pas un seul spécialiste ne peut soutenir que les musulmans de France soient davantage la cinquième colonne de l’émir du Qatar que les protestants français sont des éléments infiltrés soutenant les visées du Carlyle Group ou d’Halliburton. D’ailleurs, ces États du Golfe, ces entreprises et d’autres, ont bien d’autres soutiens en France. Tout s’achète, même les consciences.

Admettons que les auteurs de l’attentat se revendiquent de l’islam, d’une oumma à rallier à leurs visées de prise du pouvoir. Ce sont en fait des politiques pour qui, Saumur, Niort, Poitiers, et tant d’autres localités d’anciennes provinces hexagonales (et non « françaises » forcément), ayant été terres musulmanes doivent l’être ad vitam. Ce, en s’appuyant sur l’interprétation d’un texte de circonstance, dont le ou les auteurs ne peuvent être scientifiquement distingués, afin de prendre le pouvoir et de lever impôt ou dîme, pour eux-mêmes ou, espèrent-ils, leurs descendants. Partout ou l’islam fondamentaliste s’est implanté, il s’est transformé en dictatures, plus ou moins éclairées, tolérant plus ou moins bien les dictatures fondamentalistes voisines, en tentant de jouer leur partition sur les sentiments religieux, en fonction de l’état de leurs opinions et sociétés. On l’a bien vu avec Omar al-Bashir, Kadhafi, Ben Ali, amis ou ennemis, rabibochés ou non, se disant prou musulmans à des degrés divers. Les musulmans de France, dans leur large majorité, le savent tout autant que d’autres.

À l’inverse, d’autres groupes visant le pouvoir agissent de même au nom de conceptions fumeuses, en s’imaginant que telle ou telle fraction d’un présumé vote juif, musulman, chrétien, qui pourrait tout aussi bien être raélien, ou laïcard, leur vaudra des sièges, ou, tout au moins, des aides publiques. Cela ne trompe que les naïfs.

Asservissement

La partie décisionnaire de la rédaction de Charlie fait dire à « Mahomet », éditorialiste de « Charia Hebdo », qu’« autoriser les partis politiques religieux, c’est permettre l’asservissement de la politique par la religion. ». Une bonne partie de l’Histoire et nombre de pratiques actuelles démontrent plutôt l’inverse, que des partis religieux soient autorisés ou non. « Mahomet » présume : « quel intérêt aurait un parti religieux à prendre le pouvoir pour ne pas appliquer ses idées ? ». Question application, d’idées proclamées et autres, que ce soit les partis démocrates-chrétiens ou les laïques, le constat est le même : pouvoir d’abord, idées ensuite, postes en priorité, idéaux à portée et concrétisation variables.

Philippe Val, l’ancien directeur de Charlie, avait aussi pris son temps. Un doigt, puis un autre, et puis, etc., pour reprendre les termes de cet édito qui prédit aux Tunisiennes et Tunisiens que Nadah (Ennedha) aurait l’éternité devant lui. « Bonjour, nous sommes le parti bolchévique, et si vous votez pour nous, nous promettons de ne jamais vous parler de communisme… ». Certes, mais on n’a jamais vu un dirigeant s’en remettre à l’éternité et renoncer à se bâfrer de son vivant. S’il faut, pour cela, parler d’autre chose que lors des campagnes électorales, peu importe.

En Libye, certains « révolutionnaires » beuglent Allah akbar ! en se livrant, littéralement saouls comme des cochons, aux pillages. Il est vrai que l’opium du peuple (la religion) est plus propice à faire régner l’ordre dans les rangs que la distribution du quart de pinard ou de gniôle, même si, de temps à autres, un illuminé tourne « amok » et devient immaîtrisable. Les plus ou moins portés sur les spiritueux l’emporteront ou non sur les moins ou plus portés sur le « spirituel ». Voilà tout. De cet édito, j’aimerais ne retenir que le post-scriptum : « Merci à Sarkozy et BHL pour le coup de pouce en Libye. ». Certes, des titres pro-sionistes pourraient écrire la même chose. Ils le font, en substance, ça et là… Plus que des crimes (attestés), une faute. Mais ce ne doit pas être Philippe Val qui a dicté cela.

La direction (et sans doute pas la rédaction dans son ensemble) deCharlie ne s’est sans doute pas livrée à une escroquerie à l’assurance, comme j’ai pu le lire hier sur un site très à droite, histoire de renflouer sa trésorerie. À une sorte d’escroquerie intellectuelle en pointant les visées présumées de Nadha, je ne sais… C’est une opinion, que l’avenir confortera ou infirmera. Elle en vaut d’autres, la mienne, dont l’étayage ne vaut guère mieux.

Indignations convenues

À moins de faire un journal humoristique de la veine du défunt Marius Le Hérisson († 1983), aux audaces convenues, toute et tout journaliste d’opinion un peu caustique doit s’attendre à recevoir un cocktail molotov dans son local ou une balle dans son bocal. Celles et ceux de Charlie ont fait leur métier, tout comme la foultitude de reporters-photographes improvisé·e·s, affluant de partout en Libye, l’ont fait. Sans protection de la police. Ils ont fait « le job ». Pas trop finement, à mes sens et gré, pour la rédaction de Charlie. Cela se discute. J’ai comme le sentiment qu’il y a de quoi s’indigner plus urgemment.

Tant qu’à manifester, autant le faire devant le Crédit mutuel, dont les éditoriaux économiques de « sa » presse tentaculaire ne vont pas vraiment dans le sens d’une moralisation de la profession bancaire. L’écrire ne suppose aucune connivence avec Willy Legrand, des Jeunes avec Marine Le Pen, du FNJ qui remarque que les grands financiers, les cartels bancaires, &c., ne sont pas trop fort dénoncés par Claude Guéant alors que « leurs moyens de pression et leur nuisance est (sic) sans commune mesure avec [ceux des] islamistes de France. »

Hassen Chalghoumi, imam de Drancy, ne trouve aucun justificatif à un attentat qui serait « contre tous les principes de l’islam ». Ah bon ? Il n’y avait aucun aumônier, pasteur ou imam militaire à bord du Charles de Gaulle pour saluer les pilotes allant bombarder des cibles civiles en Libye ? Il poursuit : « je connais le double langage des islamistes, je suis musulman, je suis tunisien. » Jamais de petits arrangements entre les religieux, quels qu’ils soient, et les pouvoirs en place ? Je veux bien croire qu’Hassen Chalghoumi soit aussi sincère qu’André-Mutien Léonard, primat catholique romain de Belgique, qui soutient moralement les Indignés campant devant la cathédrale Saint-Paul de Londres. Ou même aussi scrupuleux et respectueux des valeurs républicaines que certains politiques largement plus modérément pourris que d’autres.

A.-M. Léonard a laissé vaguement entendre qu’il condamnait l’attentat contre Charlie Hebdo sans toutefois contrecarrer l’esprit œcuménique élargi : « Quand on sent que l’intention est de choquer, de blesser, profaner (…) il faut se poser des questions. ». La non-représentation d’un dieu ou d’un prophète n’engage que les croyants en ce dieu ou prophète. Les autres peuvent faire tout ce qu’ils veulent tant qu’ils ne s’attaquent pas à la propriété privée d’une communauté religieuse, telle devrait être la loi d’un État républicain et laïque. Comme l’exprime Laurent Léger, de Charlie, « quand on passe près d’une synagogue ou d’une église ou d’une mosquée et qu’on y entend des choses qui ne nous plaisent pas, on est également choqués, ce n’est pas pour autant qu’on y met le feu. ». Cela étant, une petite aspersion de poil à gratter, histoire de rigoler… Non, même pas.

Bon, foutre, ce n’est pas tout cela, foutre, comme aurait pu l’écrire Le Père Duchesne, faut peut être pas prendre Charb pour Marat, ni, non plus, les enfants du « bon » Charlie pour des canards sauvages. Mais cela vaut-il de telles – souvent feintes – indignations tapageuses ?