Il ne se passe pas une journée actuellement sans que les médias ne parlent de crise de la dette, de crise financière ou de l’humeur des marchés. Mais qui sont exactement ces marchés ?
"Les marchés sont rassurés", « les marchés sont fébriles », « les marchés n’ont pas confiance », « les marchés sont optimistes », …
Chaque citoyen qui suit un tant soit peu les informations a déjà entendu une de ces phrases énigmatiques. Énigmatique, parce que finalement, on ne l’a jamais vu ce marché. Alors, qu’est-ce qui se cache derrière ?
Quand les médias de masse parlent de marché, implicitement ils font référence au marché financier. Or, n’importe quel étudiant ayant eu une matière économique sait qu’il y a un marché des produits, un marché monétaire, un marché de l’emploi, en plus du marché financier, et que ces marchés font eux-mêmes l’objet de plusieurs subdivisions. Ce qui traduit bien l’état d’esprit des « journalistes » qui rapportent les faits économiques, pour qui la finance mène la société au détriment des autres caractéristiques de l’économie. Ils donnent ainsi une importance exagérée aux aspects financiers. Et ce n’est pas le seul abus de langage qui traduit une déficience de connaissance.
Le marché financier lui-même fait l’objet de sous-division entre un marché primaire, un marché secondaire et des nouveaux marchés. En enchaînant des commentaires sur le marché financier puis sur la Bourse, les médias assimilent ces deux termes. Or, la Bourse n’est qu’un marché secondaire du marché financier, un marché d’occasion où les s’échangent titres émis sur les marchés primaires. De ce fait, quand nos journaux parlent de marché financier ou de Bourse, à quoi font-ils allusion ? Au marché primaire, secondaire, au marché officiel, au second marché, au hors-côte, au Matif,… ?
En insistant autant sur les marchés financiers, les médias leur donnent une apparence de toute-puissance. Mais les marchés n’ont qu’un seul rôle à remplir, celui de faire se rencontrer une offre de capitaux et une demande de capitaux. En d’autres termes, faire converger les prêteurs d’argent et les emprunteurs qui veulent financer leurs investissements. Les marchés financiers ont un rôle de finance directe, par opposition à la finance intermédiée des banques. Ils sont donc uniquement un moyen de financement alternatif.
Il n’y aucune raison pour que les institutions financières qui œuvrent sur les marchés financiers, comme les agences de notation, bénéficient d’une attention surdimensionnée par rapport à leurs rôles dans l’économie. Leurs voix n’ont pas plus d’importances que les salariés qui perdent leurs emplois à cause des délocalisations, des entreprises qui subissent une concurrence non soutenable vis-à-vis des pays à bas salaires ou encore des sans-abris qui ne peuvent accéder aux logements.
Si les médias ne détaillent pas ce qu’est un marché financier c’est soit à cause d’un manque de compétence soit pour ne pas exposer la réalité aux yeux des citoyens. Les marchés financiers ne sont rien d’autres que des sociétés privées à qui on accorde une importance excessif et déraisonnable. Notre situation est tellement pitoyable et risible que ce sont des entreprises privées aux compétences douteuses, les fameuses agences de notation, qui évaluent des Etats.
Bonne explication !
Oui, je suis bien d’accord, sauf que les « agences de notation » ont pour objet d’évaluer la capacité des États à rembourser leur dette. Idem pour les grandes entreprises. En France les PME sont aussi notées par la Banque de France, tout comme les particuliers (en principe), par les banques. Si l’État, ou les entreprises ont une bonne note, ils peuvent alors emprunter sur « les marchés » à des taux intéressants.
Pour « by passer » ces agences de notation, il suffit de ne pas dépenser plus qu’on ne gagne et réservons l’emprunt uniquement pour les investissements qui sont, en principe, sensés rembourser le crédit.
Effectivement Nordi, les agences de notation, de par leurs évaluations, permettent aux Etats d’avoir des emprunts intéressants. Et c’est là tout le problème. On donne à quelques petits acteurs privés le pouvoir d’influer sur des emprunts publics qui concernent toute la société. C’est une catégorie d’acteur privé qui discipline des acteurs politiques élus. D’autre part, dans un système économique pas si lointain que cela, les gouvernements avaient la marge de manoeuvre pour mener des politiques budgétaires, puisque la création monétaire était une prérogative de l’Etat. Dès lors que les citoyens avaient confiance dans leurs gouvernements et la monnaie du pays, l’Etat pouvait mener des politiques de relance. C’est bien pour cela qu’on qualifie la monnaie de fiduciaire (qui veut dire confiance).
Maintenant que des fonctions essentielles de l’Etat ont été transférées au secteur privé, ce sont ces quelques acteurs privés qui dirigent des secteurs clés de l’économie et dictent leurs lois contre tout principe démocratique.
Je suis toujours de votre avis, mais nous sommes au XXIe siècle et à l’heure de la mondialisation, ce n’est plus le seul État qui crée sa monnaie, surtout en ce qui concerne l’Europe. On ne peut pas revenir en arrière.
Par contre, il faudra certainement, comme vous sembler le suggérer en filigrane, une agence de notation européenne, totalement indépendante ou dépendante de la Banque Centrale Européenne.
Effectivement, et nous sommes d’accord, il faut encadrer les agences de notation. En ce qui concerne la création monétaire, même dans le cadre de la mondialisation, un Etat peut conserver sa souveraineté monétaire. Tout dépend des choix politiques effectués. En France, les Banques privées, qui créent la majeure partie de la masse monétaire en circulation (ce qu’on appelle la monnaie scripturale), étaient publiques jusque dans les années 80. Ce n’est qu’à partir de cette date qu’elles ont été privatisées. Cela permettait au gouvernement d’avoir une socialisation des investissements, c’est à dire de mener des investissements publics d’intérêt général, et parallèle des investissements privés. Bien entendu, pour éviter tout abus et gaspillage, il faut un contrôle véritablement démocratique des comptes publics (transparence totale des actes publics, démocratie directe,…).
Il faut bien comprendre que les faits humains, même de grande ampleur, ne sont que les faits d’individus qui prennent des décisions qui s’imposent à un plus grand nombre. Ces faits sont différents des faits physiques qui s’imposent à nous (on ne peut que subir et tenter d’atténuer les effets d’un tremblement de terre ou d’un cyclone, mais on ne peut pas décider de les supprimer définitivement). En revanche, les faits sociaux sont réversibles. Malheureusement, il faut parfois des révolutions ou des guerres pour faire changer radicalement les choses. Il faut juste espérer qu’on en arrive pas à là.