Notre distingué président a utilisé une curieuse formule pour parler de la pauvreté. Curieuse ? Peut-être pas tant que cela… A la réunion du Fond islamique de développement pour la lutte contre la pauvreté qui se tenait hier à Dakar, Wade a dit : « la pauvreté est préjudiciable pour un peuple, car il ralentit la productivité de la population active, ce qui baisse la production et la consommation des biens et des services ».

Et c'est bien là le fond de sa pensée : son objectif est économique et non social. En bon libéral, l'économie prime sur tout. La pauvreté est un frein au développement économique pris comme une fin en soi.


J'avais toujours pensé que la pauvreté est un fléau parce qu'elle retire la dignité des peuples et des personnes, parce qu'elle affame les gens, les fait vivre en mauvaise santé, les fait mourir jeunes, les maintient dans l'ignorance, les contraint à des actes dégradants…

J'avais toujours pensé qu'il fallait produire plus pour pouvoir distribuer des revenus, revenus permettant d'acheter biens et services, biens et services faisant sortir les populations des griffes des conséquences de la pauvreté.

Apparemment c'est l'inverse ! A en croire Wade.

Wade s'appuie sur la vieille litote capitaliste qui affirme qu'il suffit de produire plus pour que le sytème se régule tout seul et que les peuples s'enrichissent. Mais il y a longtemps que l'on sait que rien n'est moins évident.

Le sytème a bien été régulé en Europe, mais pas par le capitalisme. C'est la lutte sociale et le militantisme actif menés essentiellement par les syndicats et partis de gauche et par une petite frange de mouvements de jeunes chrétiens immédiatement après la seconde guerre mondiale.

l'Indonésie en est le meilleur exemple. Depuis presque 20 ans l'Indonésie s'enrichit en tant que pays MAIS 40% de la population s'est appauvrie.

La langue de Wade n'a pas fourché, Wade n'a pas fait de lapsus même freudien !

Wade a exprimé très clairement ses priorités. Il se moque de la population sauf comme force de travail au service de la production. La production et la consommation des biens et des services n'ont pas de sens en tant que tels sauf pour le grand capital. C'est la politique qui contraint le capital à redistribuer les richesses plus ou moins équitablement. Le problème de la pauvreté n'est pas économique, il est politique.

Une des plus grande vérité que m'ait enseigné Marx c'est que l'économie est au service de la politique et non l'inverse. Il suffit d'ailleurs de regarder et de voir qui sont ceux qui affirment le contraire pour en être convaincu. Wade est de ceux là. Je n'en suis pas étonné.

Ps : la référence à Marx fait toujours grincer des dents, mais qui a lu Marx sérieusement ?