L’initiative palestinienne de se porter devant l’ONU pour se voir reconnaître fait s’agiter les chancelleries depuis plusieurs jours. Et pourtant bien qu’elle n’ait qu’assez peu de chances de réussite, du moins dans sa version maximale, l’initiative pourrait compter au rang de ses victimes le traditionnel déçu palestinien mais aussi un autre pays : les Etats-Unis. Tant il est vrai que cette initiative du sauve-qui-peut marque l’échec américain.
L’avenir seul dira ce qu’il faudra retenir de l’intention palestinienne d’adhésion à l’ONU en tant que 194ème état membre. Les évolutions récentes incitent, certes, à minimiser la portée de l’acte puisque de nombreux pays pencheraient plutôt pour une adhésion en tant qu’observateur.
Car si le monde diplomatique retient son souffle depuis trois jours face aux déclarations de Mahmoud Abbas c’est bel et bien que l’intention palestinienne embarrasse davantage qu’elle n’enthousiasme.
Au rang des pays terriblement ennuyé se trouve, sans conteste, les Etats-Unis. Et ce à double titre. Tout d’abord en sa qualité de refusant de dernier recours si Abbas fait sa demande au Conseil de Sécurité. Les Etats-Unis apparaissant, dès lors, comme un briseur de paix ou un partisan du statut quo. Mais l’embarras américain ne concerne pas uniquement l’opinion qu’il faudra se faire des Etats-Unis à l’avenir. Il concerne aussi la démonstration de ses faiblesses récentes en tant qu’acteur majeur de la question n’ayant, en aucun cas, réussit à faire émerger une solution au conflit israélo-arabe.
Ainsi s’il est un pays qui s’affirme dans toute sa fragilité devant les revendications palestiniennes c’est, assurément, la superpuissance américaine.
A tel point que se pose la question visant à savoir si l’issu de cette crise n’actera pas, pour de bon, les signes du déclin américain allant en se multipliant depuis une demi douzaine d’années.
Un affaiblissement aux multiples apparences
Mais d’autres arguments plaident en ce sens :
Tout d’abord l’initiative d’Abbas s’adresse à l’ensemble des pays membres appelés à se prononcer. Parmi eux, bien sûr, les européens dont les divisions montrent certes les sempiternelles impossibilités, mais aussi le manque de leadership que les Etats-Unis connaissent aujourd’hui en Europe, traditionnellement zone atlantiste. Pour preuve le discours prononcé le 21 septembre à la tribune de l’ONU par Nicolas Sarkozy fait montre d’une France se démarquant, ouvertement, du grand frère américain. Et ce alors qu’il s’agit d’un pays gouverné par un des hommes les plus atlantiste (Nicolas Sarkozy) de son histoire. Certes le récent succès libyen du président français y est pour beaucoup mais tout de même c’est d’abord sur l’impression du déclin américain qu’il a construit sa singularité de point de vue.
Ensuite il y a le signe d’un affaiblissement dans l’origine même de cette initiative, tout comme dans l’attitude du président français d’ailleurs. Car si Abbas prend le pari de porter la question devant l’ONU c’est pour en finir avec les discussions à trois entre Israel, l’autorité palestinienne et Etats-Unis, de fait le seul des membres du quartet à pouvoir agir depuis plusieurs années. S’engouffrant dans la brèche Nicolas Sarkozy a d’ailleurs prévenu que son point de vue était motivé par le constat d’un échec dans la méthode consistant à croire que seule la superpuissance pouvait faire émerger une solution.
Enfin notons un dernier point : celui de la division interne aux Etats-Unis. Car l’initiative d’Abbas renvoie les Etats-Unis à ses incohérences de discours. C’est l’administration Obama qui parla d’Etat palestinien qu’aujourd’hui elle tente de freiner. Et ce car le président américain est, comme pour les histoires de plafond de la dette, prisonnier d’un Congrès d’extrême droite qui fait ce qu’il veut. Des républicains ont déjà menacé de représailles économiques les palestiniens, preuve d’un président américain qui ne gouverne plus grand-chose.
Enfin il y a la preuve plus directement géopolitique. Car parmi l’ensemble des signes de faiblesse américains que montre cette affaire il y a aussi celle d’un pays resté en marge, ou presque, des récents bouleversements du printemps arabe.
Bref autant d’indices nous montrant que le rêve palestinien passe, paradoxalement, par le déclin américain. « Paradoxalement » car la résolution du conflit israélo-palestinien apaiserait la région, tout en sachant qu’un affaiblissement américain trop important la secouerait dangereusement.
http://fr.ria.ru/world/20110922/191166343.html
Anthony Rigot le 22-09-11