La semaine dernière comme il y a 15 jours, des nouvelles reprises par les médias faisaient état d’espoirs prometteurs pour soulager des pathologies graves. Pourtant, lorsque l’on creuse l’information, il s’avère qu’il est largement prématuré de relater ces résultats non validés sur l’espèce humaine. Une communication proche du coup de pub contre laquelle nous mettons en garde.

 

La semaine dernière une nouvelle a été abondamment relayée par les médias à propos du cancer avec un titre accrocheur :

"Elle a trouvé la molécule tueuse de cancer"

Pourtant lorsque l’on regarde d’un peu plus près, sans même remettre en cause la découverte, il semble extrêmement prématuré de communiquer sur cette nouvelle.

La chercheuse elle-même admet ne pas savoir encore pour quel type de cancer cette nouvelle sera valable !

"On ne saura précisément qu’après avoir réalisé des tests sur patients"

Étonnamment ce type de discours n’est pas nouveau : en 2006 on lisait déjà ce titre sur un site célèbre : "Cancer : les espoirs d’une nouvelle molécule tueuse (de cancer ndlr)"

Qu’en est-il aujourd’hui ? les chercheurs avaient à l’époque identifié des mécanismes prometteurs sur des souris : il restait à faire les essais sur l’humain. Une simple formalité ? Non. Une étape cruciale qui devrait empêcher les start-up de communiquer de la sorte. Les chercheurs eux-mêmes savent qu’il faut attendre les essais cliniques sur l’homme pour être totalement certains de la validité des découvertes. C’est pourtant ce filtre implacable qui trie les fausses pistes, nombreuses, des réelles découvertes.

 

Un peu de retenue 

Il y a un peu plus de deux semaines, une autre communication sur le VIH cette fois avait suscité les mêmes questionnements et le même malaise au sein de l’ONG Pro Anima organisme de promotion des alternatives aux expérimentations animales.

"Une nouvelle substance fait naitre l’espoir d’un traitement à effet prolongé" pouvait-on lire.

Encore une fois il s’agissait de tests sur animaux. On le sait aujourd’hui les expérimentations animales ne sont pas nécessairement extrapolables à l’espèce humaine, c’est-à dire l’espèce concernée. 

Les mécanismes observés sur les macaques et les données collectées ont probablement une utilité pour soigner des singes rendus malades de la main de l’homme.

Bien que très consommateur de "modèles animaux" le VIH est un rétrovirus spécifique à l’être humain. Cela signifie qu’il n’est pas naturellement présent pour tout autre animal d’où le nom de virus de l’immunodéficience humaine. Pourtant des primates non-humains ou des chats sont encore largement utilisés.

Les mêmes critiques tombent pour les rongeurs : cette monoculture de laboratoire est d’ailleurs critiquée par certains membres de la communauté scientifique…

La biologie d’un cancer humain n’a rien à voir avec celle des cancers artificiellement créés sur rongeurs.

Savez-vous que 81% des molécules testées et approuvées sur "modèles animaux" échouent lors du passage à l’espèce concernée, c’est-à-dire la nôtre, pour le cancer ? Ce taux d’échec monte à 99% pour l’Alzheimer. Selon le neuroscientifique Philip Low, à peine 6% des thérapeutiques aboutissent réellement sur le marché.

Un grand média écrit à propos de la nouvelle sur le VIH : 

"s’agit-il d’un tournant dans la lutte menée contre le sida ? Il est encore trop tôt pour le dire". Alors pourquoi en parler ? 

Les chercheurs et les médias devraient montrer plus de retenue lorsqu’il s’agit dune maladie aussi connue.

 

La course aux publications
Tout cela fait écho à un excellent article publié sur le site "aeon.com" en décembre dernier. Celui-ci démontrait à quel point la communication des chercheurs est devenu un enjeu crucial pour rafler prestige et subventions, au détriment même de la qualité des recherches.
Les chercheurs pour montrer qu’ils sont à la tâche, doivent publier leurs travaux dans les revues scientifiques. On appelle cela des publications.
Ces publications sont par la suite citées dans d’autres articles on les nomme citations.
Plus les publications et les citations sont nombreuses et plus la visibilité d’une équipe de chercheurs est assurée. Le nombre de citations est comparable au top 50 des tubes du moment.
 
La science du buzz
Les publications scientifiques aujourd’hui tombent dans les travers de notre société du buzz, à l’aide de couvertures alléchantes, de titres accrocheurs et de scientifiques stars des labos. Par la suite nombre de ces publications sont retirées car des failles importantes seront signalées, invalidant totalement les résultats des papiers publiés. Pourtant le mal sera fait : le coup de pub à eu lieu, et plus préoccupant encore, l’information (fausse) est déjà diffusée à la vitesse grand V que l’on connait aujourd’hui sur la toile.
En revanche il n’est pas obligatoire de publier les travaux n’ayant pas abouti aux résultats escomptés et autres échecs issus de l’expérimentation animale. Seuls les travaux dont l’impact est positif seront mis en avant et moussés dans les médias. Les budgets et autres subventions seront alors plus facilement disponibles grâce aux publications.
Pendant ce temps-là, les malades patientent et les animaux continuent de subir nos maladies. Dans les laboratoires ils sont rendus malades par le VIH, on leur provoque des crises cardiaques, on les euthanasie alors que les alternatives aux expérimentations animales sont trop rarement soutenues.
Les médias doivent faire preuve de plus d’intégrité en ne publiant que des informations pertinentes pour l’espèce humaine et non issues de tests sur animaux.