Bretagne : votons pour Sarkozy et… le large !

Ce n’est pas de l’humour, c’est du cynisme, mais, j’avoue, je ne m’assume pas. Seul devant l’isoloir, je n’y parviendrai pas et il faudrait que les Bretonnes et Bretons de Paris, animés d’une même détermination, m’accompagnent pour je glisse un bulletin Sarkozy dans l’urne. Pourtant, la tentation est forte de lui dire : on t’a fait roi « chez toi », alors maintenant, à jamais, kenavo !

J’ai souri fort jaune en lisant l’éditorial de The Independent de ce jour. Intitulé « M. Sarkozy doit rejeter un second mandat entaché », il porte en sous-titre « Il resterait le président qui aurait vendu son âme pour rester en place ». Comme si Sarkozy, qui avait déclaré, en 2007, « je me fous des Bretons » avait une âme ou d’autres convictions que son profit personnel et celui de ses amis ! Le voilà qui est revenu nous flatter, promettant qu’il reviendrait, après le 6 mai, fêter sa victoire à Carentec (Finistère).
La Bretagne lui a pourtant infligé le camouflet prévisible.

Depuis, il nous ressert feint un discours xénophobe que nous sommes majoritaires à exécrer et fait agiter par ses troupes, comme Marine Le Pen, des drapeaux tricolores, nous prônant une unité dont nous serions très nombreux à ne plus vouloir s’il venait à redevenir l’imperator qu’il a prouvé être.

Alors, pourquoi ne pas voter massivement pour lui afin de mieux ensuite prendre le large ?

Provoc’, d’accord…

Ce petit jeu malsain, certaines de nos mères, certains de nos pères, l’ont joué ; quitte à devoir, pour maints, pas forcément tous, en rougir… non, je ne dis pas que la Sarkozye occupe la Bretagne puisque c’est le territoire géographique le plus épargné. Tentons d’être plus sérieux…

Même le plutôt droitier Morbihan a placé François Hollande en (courte) tête. Mais on notera qu’en dépit de pointes à plus de 16 %, Mélenchon a fait moins que sa moyenne « nationale » (plombée aussi par le vote des Bretons et Français de l’étranger) et en particulier à Auray, ville de Michel Le Scouarnec (sénateur, Front de gauche), avec 10,50 % (Bayrou : 32 voix de mieux, 10,97).

J’imagine qu’à Auray, qui a placé Sarkozy en fort courte tête, on a voté Mélenchon en traînant un peu, beaucoup, les pieds. Non pour lui, non pour son programme, mais pour être à l’unisson d’autres Bretons et de Français pour qui ce candidat représentait une opposition encore plus radicale à Sarkozy que le FN. Raison de cette désaffection ? Son jacobinisme plus exacerbé que celui de Hollande qui, s’il n’avait vraiment rien promis en Corse sur la Charte des langues régionales, s’était vu critiqué par Mélenchon de ce fait, en partisan du statut quo.

Dans le Morbihan, département aussi gallophone, cette Charte a surtout valeur de symbole ; les bretonnants n’y sont guère majoritaires. En revanche, on y est davantage attaché à l’unité de la Bretagne, enfin, au moins des départements bretons, dont la Loire-Atlantique.

Vote blanc

L’UDB, l’Union démocratique bretonne, avait appelé à voter pour Èva Joly notamment, si ce n’est principalement pour diverses composantes, outre ses thèses écologiques, son acception de l’autonomie. Là voilà soutenant Hollande. Bah… Pourquoi pas…

Ce ne sera guère avec plus de ferveur : c’est un vote par défaut pour la plupart des Bretonnes et des Bretons. Tant Iffig Cochevelou que Philippe Argouarch (Agence Bretagne Presse), et d’autres, s’inquiètent très fort de l’influence du maire de Nantes, Ayrault, qui tient sans doute à être premier en son fief des Pays-de-Loire que second en Bretagne : il se prononce pour le maintien de la partition.

Pour envisager une réunification, « il faudrait vraiment une demande unanime de tous les élus, » avait déclaré François Hollande à Rennes, très peu applaudi pour ce passage de son discours.

Rendez-vous aux législatives, dans la troisième circonscription de Naoned…
Franchement, cette histoire de vote blanc, mieux vaudrait peut-être la garder pour nous, en veillées, non ? Gare au louarn (renard)

Voter blanc, pour manifester notre opposition, c’est fort délicat. Déjà, nous ne sommes pas toutes et tous inscrits en Bretagne. Ensuite et surtout, cela revient de fait à voter Sarkozy. Alors, autant l’assumer ? En l’explicitant fort clairement ?

Breizhistance ne s’est pas trop clairement déclarée, mais bon… on sait où se situent les indépendantistes-socialistes, plutôt à « gauche toute ».

Grosse ficelle

Je ne peux désavouer évidemment des opinions que je partage mais je serai presque tenté de les taire. Pourquoi ? Imaginez un bateleur prenant des accents gaulliens et lançant chez nous un « Je vous ai compris ! ». Assurant, comme il l’avait fait en direction des Savoyards en 2007 au sujet de la circulation des poids-lourds : dès que réélu, la région Bretagne, Quatre-quatre incluse, elle va, j’vous l’dis, pouvoir met’ l’paquet pour croître et s’embellir. J’ai pigé vot’ souffrance ! Faut k’ça cesse !

On aurait l’air de quoi, là ? Parce que le bougre en serait bien capable, histoire d’embêter le Corrézien, le Béarnais, la Marion-Perrine de Neuilly-Saint-Cloud recyclée chez les Ch’tis.

Franchement, peut-on faire cela à nos Bretons « de l’intérieur » et nos amis Français, dire « chiche » avec restrictions mentales, et maintenir le vote blanc(he hermine) ?

Il serait capable de nous promettre du cochon et de l’andouille de Guémené et Locmalo labellisés gui druidique. Comment éviter de lui envoyer une breiz horolaj (horloge) de poignet en remerciement ?

Vous le voyez annoncer cela accompagné de sa Carlita en coiffe bigouden, salopette, bottes en caoutchouc et ciré marin ? Franchement, cette histoire de vote blanc, mieux vaudrait peut-être la garder pour nous, en veillées, non ? Gare au louarn (renard).

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

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