Après dix ans de pouvoir, politicien, charismatique et grand orateur, Tony Blair remettra sa démission à la Reine mercredi 27 juin. Cependant sa reconversion en émissaire de la paix au Proche-Orient est quasiment acquise. Ainsi donc après dix ans de pouvoir laissant derrière lui un bilan plutôt mitigé et ayant perdu toute popularité auprès de son opinion publique, Tony Blair devrait donc s'attacher à relancer le dialogue au Proche-Orient.
Nomination voulue par Bush, peut-être en récompense des bons et loyaux services de son principal allié pour la guerre d'Irak, cette "presqu'officielle" nomination de Blair est-elle réellement pertinente? Sommes-nous encore une fois face à un manque de réalisme et pragmatisme politique ?…Simplement face aux efforts menés par les Grands de ce monde afin de lutter contre le chômage de ex-chefs d'état!
Alors qu'il s'apprête à quitter ses fonctions, mercredi 27 juin après dix années au pouvoir, le premier ministre britannique remettra en effet sa démission mercredi après-midi au palais de Buckingham, passant ainsi le relais à M.Brown qui attendait impatiemment ce moment depuis des années. Tony Blair semble de plus en plus pressenti pour devenir l'émissaire du Quartet (U.E.,Russie,Nations Unies et Etats-Unis) pour le Proche-Orient. Et même si Blair ainsi que la Maison-Blanche ont démenti cette possible (mais certaine) nomination ces derniers jours pour le Financial Times, la décision serait déjà entérinée.
Citant lundi 25 juin des sources proches des négociations, le journal affirme que «la nomination de M. Blair a été approuvée à 150% et ajoute que «la réunion de Jérusalem doit décider de la logistique, faire les derniers arrangements et publier cette annonce». De fait, les représentants des membres du Quartet (Union européenne, Russie, Nations Unies et Etats-Unis) doivent se réunir à Jérusalem mardi pour une réunion convoquée spécialement pour désigner M. Blair. Ce même mardi 26 juin lors de sa dernière conférence de presse, accompagnée du gouverneur de Californie, Arnold Schwarzenegger, Tony Blair a jugé qu'il était essentiel de parvenir à un règlement durable de la question israelo-palestinienne et qu'il était prêt à faire tout son possible pour y parvenir, donnant ainsi plus de matière aux rumeurs quant à sa nomination.
Quant à la réunion du Quartet ce même mardi, elle n'aurait pour seul propos que de finaliser les divers arrangements de cette nomination et l'annoncer publiquement. Les négociations ne sont pas avérées évidentes et l'idée américaine a surtout été soutenue par les Etas-Unis et l'ONU (plein de déférente obéissance pour le « leader du monde libre ») alors que d'autres parties s'y étaient opposées. En effet Gordon Brown qui doit devenir Premier ministre britannique mercredi serait "très mécontent" de cette nomination. Il souhaitait une fois au pouvoir encourager la réconciliation entre Palestiniens et Israéliens par des moyens économiques et pense que la nomination de M. Blair va contrarier ces projets, rapporte le Financial Times.
Quant à Javier Solana, le représentant de l'Union européenne pour la diplomatie, il se serait également opposé à cette nomination craignant qu'elle ne gène ses propres efforts dans la région. La Russie quant à elle a décidé de ne pas s'y opposer. Le premier ministre israélien Ehud Olmert a fait savoir qu'il serait «très heureux» de cette nomination (on se demande pourquoi?). L'idée de cette nomination de Blair en tant qu'émissaire est avant tout américaine, les États-Unis souhaitant que Blair s'assigne à l'élaboration de nouvelles institutions étatiques palestiniennes, cependant il n'aurait qu'un rôle mineur dans la relance du processus de paix.
Bien qu'il ait toujours nié la possibilité de cette nomination, Tony Blair avait fait (sans aucune arrière-pensée) du conflit israélo-palestinien l'une des priorités des derniers mois de son mandat.Il a toujours soutenu le président palestinien Mahmoud Abbas, auquel il avait rendu hommage lors d'une visite à Ramallah en décembre pour son soutien «à la vision de deux États». Ensuite bien que la Grande-Bretagne ait refusé tout contact avec le Hamas, en raison de son refus de reconnaître Israël début juin M. Blair avait estimé que le mouvement islamiste envoyait «des signaux qui ne sont pas inutiles pour la paix» (signaux du genre roquettes « al-qassam »?) .
Il était ensuite resté silencieux après la prise de contrôle de Gaza par le Hamas, laissant à sa ministre des Affaires étrangères Margaret Beckett le soin de dénoncer «un coup d'État». Ainsi donc, encore une fois, tout s'est joué en coulisses et Bush a su trouver un emploi de secours pour son « docile » allié de la guerre d'Irak. On peut se questionner sur la pertinence de la nomination de Blair en tant qu'émissaire de la paix au Proche-Orient, la presse britannique étant elle-même extrêmement sceptique sur sa légitimité aux yeux des Palestiniens. Encore plus intéressant, l'avis du journal L'Independent qui estimait ces derniers jours que M. Blair était «l'homme le moins qualifié pour ce poste», alors que pour le Guardian sa nomination créerait une «coalition des discrédités» avec MM. Bush et Olmert, M. Blair n'ayant «aucune crédibilité auprès du Hamas et des Palestiniens».
Et en effet, nommer un de ceux qui ont mis le feu à la poudrière moyen-orientale avec une guerre illégale sans aucun mandat international, guerre qui a favorisé le terrorisme et la montée de l'intégrisme, apparait vraiment loin de toute forme de pragmatisme politique et l'on se demande si ce n'est pas là,juste un cadeau d'adieu de Bush à son fidèle allié, en récompense de son attitude servile en 2003. Car en effet, que peut vraiment apporter Blair au processus de paix au Proche-Orient, sachant qu'il opèrera avant tout sous la tutelle américaine qui refuse et refusera toute négociation avec le Hamas, qui bien que personne ne veuille négocier avec, est devenu la principale force politique en Palestine, bénéficiant d'une réelle assise populaire. Il apparait donc clairement qu'à un moment ou à un autre, il faudra bien inviter le Hamas à la table des négociations.
Ainsi donc, encore une fois, l'administration Bush impose un de ses valets à la tête d'une mission internationale et nul ne devra s'étonner qu'à nouveau encore, le regard que porteront les Palestiniens sur la communauté internationale sera peu flatteur. Le seul qui tirera profit de cette nomination sera Tony Blair, de beaux voyages, un nouvel emploi avec appartements de fonction à Jérusalem et en Cisjordanie, quant au processus de paix, espèrons qu'il trouvera un peu de temps pour s'y intéresser lorsqu'il révisera ses arpèges avec la guitare accoustique que lui ont offert les députés britanniques en guise de cadeau d'adieu…