Le mercredi 7 mai, à 21:17, Jean-Stéphane Brosse, Henri-Pierre André et Eric Faye, du service français de l’agence de presse britannique Reuters (trois francophones pour traduire une dépêche rédigée en anglais ?), publient un texte intitulé « Nargis pourrait avoir fait 100.000 morts au Myanmar ». Notez bien : « pourrait avoir fait » (mais que font les satellites quatre jours après le cataclysme ?). – Une chronique de Miguel Garroté, journaliste leblogdrzz – Reuters précise : « Le cyclone Nargis pourrait avoir fait plus de 100.000 morts dans le delta de l'Irrawaddy, au Myanmar, a déclaré mercredi la chargée d'affaires américaine dans ce pays (ndlr : Mme Villarosa). ‘Les informations que nous recevons laissent penser qu'il pourrait y avoir plus de 100.000 morts dans la région du delta’ ».
« Le chiffre de 100.000 (…) s'appuie sur des estimations fournies par une ONG internationale (…) les récentes évaluations de la junte militaire birmane situent le nombre de morts à 70.000, essentiellement dans la région du delta (ndlr : donc mercredi 7 mai la junte reconnaît 70.000 morts). La radio-télévision publique du Myanmar fait état d'un bilan officiel provisoire de 22.980 morts, 42.119 disparus et 1.383 blessés dans ce cyclone (ndlr : question de faire croire que le régime connaît le nombre de victimes à un chiffre près). (…) ‘La situation, dans le delta, semble de plus en plus horrible’, estime Villarosa (ndlr : chargée d'affaires américaine en Birmanie), en ajoutant : ‘Le risque est très grand de voir des épidémies se déclarer’ ».
« Pour John Holmes, chef des opérations humanitaires de l'ONU, le nombre de personnes tuées au Myanmar par le cyclone pourrait augmenter de manière ‘très importante’, au-delà de l'estimation fournie par la junte militaire au pouvoir (ndlr : si c’est un Sherlock qui le dit…). Selon Villarosa (ndlr : chargée d'affaires américaine en Birmanie), les Etats-Unis s'efforcent d'entrer en contact avec des ministres et autres hauts responsables birmans et espèrent faire comprendre que le pays a besoin d'une opération humanitaire internationale massive. Mais, dit-elle, ‘il s'agit d'un régime particulièrement paranoïaque’ » (ndlr : bel euphémisme diplomatique).
« Dans le même temps, les Etats-Unis incitent des pays asiatiques (…) à faire pression sur la junte birmane pour qu'elle permette l'acheminement d'une aide internationale. Jusqu'à présent, le Myanmar a rejeté les demandes (…) Les autorités américaines ont eu des contacts avec des pays voisins ou proches du Myanmar comme l'Indonésie, la Thaïlande et la Malaisie, mais aussi avec la Chine, l'Inde, le Japon, pour qu'ils usent de leur influence auprès du régime birman. De plus, des diplomates américains ont parlé avec des fonctionnaires de l'ambassade du Myanmar à Washington mais ignorent toujours si des visas seront accordés à des spécialistes américains et d'autres nationalités, qui se trouvent déjà dans des pays voisins, prêts à intervenir ».
« ‘Il est très clair que nous avons affaire à une catastrophe humanitaire d'une immense ampleur’, a déclaré le porte-parole du département d'Etat Sean McCormack. John Holmes (ndlr : chef des opérations humanitaires de l'ONU), quant à lui, estime que le volume d'aide disponible pour le Myanmar est pour l'heure insuffisant (…) ‘Nous estimons qu'un million de personnes et plus ont besoin d'un abri et d'une aide de survie’, a déclaré Richard Horsey, porte-parole à Bangkok du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU. ‘De larges bandes de terre de la région inférieure du delta de l'Irrawaddy sont entièrement sous les eaux. Nous parlons de 5.000 km²’ (ndlr : l’équivalent de la moitié du Liban…) ».
« Le refus de la junte birmane d'accepter l'envoi d'équipes humanitaires étrangères est une ‘catastrophe dans la catastrophe’, a estimé à Paris le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, ajoutant que la France pourrait déclencher une opération d'aide ‘dans la demi-heure’ grâce à la présence de moyens navals au large du delta de l'Irrawaddy. Mais la proposition française invoquant la clause de ‘responsabilité de protection’ et visant à contourner le refus de la junte birmane (…) a été repoussée par le Conseil de sécurité (ndlr : parce que la Chine, alliée de la Birmanie, est membre de ce Conseil et que les deux pays partagent la même conception des droits de la personne humaine).
Le jeudi 8 mai, à 08:21, lexpress.fr publie un article intitulé « Birmanie : Nargis aurait fait plus de 100 000 morts ». Notez qu’on progresse, ce n’est plus « pourrait avoir fait ». C’est « aurait fait ». Nous sommes cinq jours après la catastrophe et les satellites ont déjà eu tout le temps de photographier le désastre. Lexpress.fr précise : « Dans la seule localité de Labutta et les 63 villages voisins, situés au coeur du delta méridional de l'Irrawaddy ravagé le week-end dernier par le cyclone, environ 80.000 personnes seraient décédées, a affirmé Tin Win, chef de l'un des arrondissements de Labutta ».
« Aucun responsable national ne pouvait être joint dans l'immédiat pour confirmer ces chiffres (…) un porte-parole des Nations Unies a affirmé jeudi à Bangkok que 5000 kilomètres carrés de terres étaient encore sous les eaux et que plus d'un million de personnes avaient besoin d'aide d'urgence. Le secrétaire général de l'Association des nations d'Asie du Sud-Est (Asean), dont la Birmanie fait partie, a appelé la junte à ouvrir l'accès à l'aide humanitaire internationale ‘avant qu'il ne soit trop tard’ ».
« A Labutta, où s'est rendue une journaliste de l'AFP, des survivants erraient mercredi entre les cadavres noircis d'êtres humains et d'animaux. Des équipes du Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef) et de l'organisation humanitaire World Vision y sont arrivées mais n'avaient pu distribuer en début d'après-midi que des pilules de purification d'eau. L'organisation Save the Children a pu fournir de l'aide (…) Le Programme alimentaire mondial (PAM) de l'ONU a commencé des distributions à Rangoon, la plus grande ville du pays ».
« Les équipes de Médecins sans frontières (…) réclament des visas d'urgence pour pouvoir disposer de renforts et de matériel (…) Le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) a indiqué que 22 tonnes d'aide d'urgence bloquées dans des camions en Thaïlande à la frontière attendaient une autorisation (…) L'ONU a obtenu un feu vert pour affréter de l'assistance par avion, mais son appareil ne pourra partir avant la fin de la semaine ».
« ‘Une équipe a vu des milliers de morts dans une localité, avec des amas de corps en décomposition après le retrait de l'eau’, a raconté à l'AFP Andrew Kirkwood, directeur pour la Birmanie de Save the Children. A Rangoon, les habitants, aidés par des bonzes, dégageaient encore mercredi les rues jonchées d'arbres déracinés, de pans de toit et de fils électriques. Des témoins ont affirmé n'avoir vu que de rares représentants des forces de l'ordre les aider » (ndlr : on a vu ça à la télé birmane reprise sur TF1 au journal de 20.00).
Pour conclure, je note qu’au total, une dizaine d’organisations internationales et humanitaires essayent, sans coordination, d’intervenir dans un pays dont la junte militaire rouge-brune pro-chinoise, au pouvoir depuis 46 ans, ne souhaite toujours pas que l’on intervienne. Je note que plus d’un million de personnes ont besoin de toute urgence d'un abri et d'une aide à la simple survie. Je note que deux jours avant le début de la catastrophe, l’Inde avait prévenu la Birmanie de l’arrivée du cataclysme. Jeudi 8 mai 2008, un million de Birmans ont besoin d’aide sous peine de mourir. Peut-être nous demandera-t-on encore une fois de comprendre la mentalité asiatique et d’accepter les conséquences d’un tsunami que l’on aurait pu en partie prévenir, puis en partie guérir. La Birmanie : un génocide par omission ?