Le soufflé « démission de MAM » aura beau encore un peu gonfler, il va retomber comme tant d’autres avant lui. Exiger une commission d’enquête parlementaire sur tous les déplacements de tous les ministres et tous les chefs de cabinets a peu de chances d’aboutir : les futurs ministres impétrants, pour la plupart parlementaires, ne vont pas trop s’empresser. Et ce n’est certes pas l’Élysée qui va pousser Michèle Alliot-Marie à la démission… Il faudrait, tout comme pour Woerth, procéder à un plus vaste remaniement qui, dans l’immédiat, ferait désordre.

Un ami qui lui veut sans doute du bien qualifie MAM d’Hécate de la République sarkozyste. Laquelle évoque le sarcocèle par son enflure et le sarcocyste par sa tétanie. Ce n’est pas mal vu puisque, de toute apparence, Michèle Alliot-Marie tient de l’hécatonstyle (à cent colonnes et multiples appuis). Mais, l’allusion se réfère à la lunaire noire, déesse de l’ombre à laquelle on sacrifiait des chiens et qui s’entourait d’autres cerbères. La comparer à Hécate, c’est encore lui faire trop d’honneur.

Le même remarque : « après l’avoir vue, conseillée par l’Élysée, squattant tous les plateaux de télé et les studios des radios, on ne peut que constater que la maîtrise de la politique internationale n’est pas sa priorité. » Bah, on pouvait en dire autant des sujets de sécurité quand elle était à l’Intérieur, ou même à la Défense. À cela, deux raisons. L’une est technique : la presse est ainsi formatée qu’il est de mauvais goût de mélanger les angles et les sujets. L’autre est plus subtile : la discrétion de l’Élysée en dit effectivement long sur les rapports de la présidence avec une indéboulonnable ministre. Qui tient au juste qui par la barbichette ?

Le plutôt droitier Bruno Testa, passé du Dauphiné resté libéré au groupe France-Antilles d’Hersant fils puis à L’Union de Reims, du même, vient de commettre un éloquent billet titré « Billet doux, MAM ment ». Fine allusion qui n’est guère développée par la suite dans laquelle il n’est question que de ventes de grenades lacrymogènes au régime Ben Ali comme s’il n’était pas aussi question, de la part de l’ancienne ministre de la Défense, du renouvellement de la chasse de l’Armée de l’air tunisienne. Un mystérieux internaute, sur le forum du quotidien L’Union, au sujet de ce billet, propose un insolite sujet de discussion : « du venin dans les veines ». Pourquoi donc ? C’est Testa qui est visé ? Je lis quelque part que MAM aurait assuré avoir payé les frais de voyages et dit que les factures d’hôtel ont été réglées par ses parents. Tant bien même produirait-elle, comme Besson, un ou des relevés de compte bancaire, qu’on pourrait continuer à se poser des questions. Ce qui est sûr, c’est que Tunisair n’est pas tenu de fournir des bons de réservation à la presse française, et que le ménage n’a sans doute pas été fait dans les directions des hôtels des affidés du clan Ben Ali. Mais c’est l’écume des choses. Tout comme le fait que tout petit péteux de journaliste, dès qu’il a reçu sa carte de presse de stagiaire, a tendance à prendre pour argent comptant toute source dite autorisée puis que, bien aguerri, devenu redchef, sachant à quoi s’en tenir sur la fiabilité de certaines sources policières ou judiciaires ou autres, il comprend fort bien qu’il y a des affaires valant commercialement d’espérer un retour sur investissement, tandis que pour d’autres… J’ai le don, n’en ayant pas conservé, de me faire des amis dans cette profession, décidemment. C’était un aparté.

Mais puisque le mot venin est lâché, venons-en aux à côtés. Qui tient qui ? Dans l’affaire Clearstream II (celle des listings attribués au seul, voire aux seuls Lahoud, celui d’EADS comme l’autre), pour ne mentionner qu’elle, les explications de MAM aux magistrats ou aux parlementaires furent-elles du même tonneau que les plus récentes à propos des déplacements privés d’elle-même, de son petit prince, et de ses parents ? Reprendre la lecture du dossier d’audition de MAM à la lumière (lunaire et noire) de ses récentes déclarations serait peut-être édifiant : il y a quelques contradictions que ni les magistrats, ni la presse, n’ont vraiment tenu à approfondir, à éclaircir sur le court ou moyen terme. Pour les magistrats, si on devait en reparler, il est fort possible que la presse, cette fois, embraierait : le journalisme d’investigation sur dossiers livrés sur un plateau est le plus rentable, le moins coûteux, et surtout le moins risqué.

Réflexions pertinentes lors de propos de table ou de salons où l’on cause entre soi et soi qui en est un autre : « les passages de MAM dans ses divers ministères, mais surtout ceux de l’Intérieur ou de la Défense lui ont permis d’accumuler les dossiers sur toute la sphère RPR et UMP… ». J’ajouterais : et bien au-delà du premier, du second, du troisième cercle, jusqu’aux confins de la gauche. Parfois, cela fait flop, mais quand on a laissé monter un dossier aussi foireux que celui de Julien Coupat et de l’affaire de Tarnac, on se doute que, sur des dossiers solides, qui, eux, ne fuitent que par inadvertance ou lors d’une contre-attaque des concernés, du genre du dossier Clearstream, une toute autre duplicité s’impose.

En ses ministères régaliens antérieurs (Intérieur, Défense), et sous l’ère balladurienne déjà, les activités de MAM ont peut-être servi la politique africaine de la France, réussi à ménager les chèvres moyennes orientales et les choux gras israéliens, mais on ne peut soutenir que l’inadaptation de MAM aux nouvelles donnes contribue au rayonnement de la France dans le monde. Tant les dictatures, qui se sentent en position de tenir MAM par le menton, que les nations, qui se considèrent à présent fondées à lui faire la nique, le pouce sous leurs mentons (« menteuse, menteuse, menteuse », scandent les peuples en manifestations de récréation ou de refondation), se gaussent d’une telle ministresse (car il y a comme du stress dedans).

La, oserais-je écrire « mâle » ?, assurance de MAM visée par une pierre à Gaza, perdurera-t-elle ? En France, peut-être. En Afrique ou au Moyen-Orient, elle est devenue insortable, si ce n’est derrière des vitres fumées ou une forte escorte. De ce fait, l’opposition, qui pourrait effectivement balayer en sa propre cour et dans ses écuries, est fondée à réclamer sa démission. C’est sans risque qu’elle peut, ce jour, recevoir Abou Bark Al Quirbi, son homologue yéménite à Paris. On l’oublie un peu : le marché yéménite se traitait naguère à coups de mitraillettes. Quand un conseil d’administration voulait des bus indiens Tatra, c’est bien simple, pour placer son contrat français, son président faisait table rase, pas de rescapés. La compagnie des eaux de l’alors Royaume du Nord se fournissait en France. S’il avait été concédé aux Chinois la réalisation de liaisons moins coûteuses, c’est à des entreprises françaises qu’avaient échu les plus juteux travaux. Eh oui, la « petite » presse mélange tout, varie les angles, rigole franchement en écoutant Fillon s’enferrer à la défendre (il vient de commettre un bidonnant, en tous sens du terme « elle a raison d’expliquer, comme elle l’avait déjà fait, mais on ne l’avait pas écoutée. »). Tout comme les chancelleries, alors qu’une partie de la presse française feint encore de lui prêter une oreille polie, la presse mal-pensante, en Afrique bien sûr, mais aussi un peu partout dans le monde, lui renvoie un « cause toujours… ».

Ou même un « et si on reparlait des listings de Clearstream » ? À la loyale, ne rêvons pas. Mais à la Royale, pourquoi pas ? L’Express a beau relever que Ségolène Royal s’en prend surtout à la personne de MAM, et elle aussi, mélange tout, évoquant aussi les mensonges du Woerthgate, ceux du Mediator, et pourquoi pas le Karachigate, alors que la presse lui demande de s’en tenir au Tabarkagate, histoire de « centrer le propos ». Conclusion de L’Express : Ségolène Royal a des idées, « malheureusement celles-ci ont un peu trop tendance à s’effacer derrière les joutes verbales ». Chiche ? Et si, au lieu de ciseler de telles chutes, L’Express s’empressait de rouvrir tous les dossiers dans lesquels MAM a trempé ? Et pourquoiL’Express ne lancerait-il pas une véritable enquête portant sur qui a payé quoi, comment, via quels intermédiaires, de Paris à Tunis puis Tabarka et Tozeur et retour ? Si ce n’est L’Express, ce sera peut-être le tortillard… En tout cas, MAM à le bonjour des michelines (à présent TER) qu’on doute qu’elle empruntera pour rejoindre Saint-Jean-de-Luz, où se trouve à présent sa souhaitable place d’édile (magistrat chargé de l’inspection des jeux du cirque romain, à l’origine). Elle est parfaite pour l’inauguration des espaces ludiques dans les jardins d’enfants, mais elle a d’ores et déjà, de fait, quitté la cour des grandes.