A partir de lundi, chaque jour, sera publiée dans un quotidien français et un autre américain, une lettre de soutien à Sakineh Mohammadi Ashtiani condamnée à mort, a annoncé à l’AFP, Bernard Henri Lévy. La série débutera par une publication dans le journal français Libération et le quotidien américain Huffington Post en ligne. Un appel de contribution à cette solidarité a aussi été lancé aux internautes signataires pour les inviter à écrire. Toujours d’après BHL, le président Sarkozy lui aurait confié lors d’un récent entretien qu’il faisait du sort de l’Iranienne "une affaire personnelle" et comptait "prendre des initiatives".
Bernard Kouchner y est allé de son beau discours pour exhorter la "République islamique à respecter les engagements internationaux qu’elle a contractées" et lui rappeler que nul "ne doit être soumis à des traitements cruels, inhumains ou dégradants". D’ailleurs le site de la revue du philosophe "la règle du jeu" et le journal Libération ont déjà publié une tribune de soutien à Mme Ashtiani signée par de grands noms du cinéma, de la littérature ainsi que des personnalités politiques dont Valéry Giscard d’Estaing, Martine Aubry, Simone Veil… Et le 28 août est lancé un appel pour une journée de protestation mondiale contre la lapidation. 
Sakinah Ashtiani, Iranienne âgée de 43 ans, mère de deux enfants, d’après les autorités iraniennes, aurait été arrêtée en 2006 avec deux hommes pour le meurtre de son mari Mohammadi Ashtiani. L’enquête permettra de découvrir que cette dernière entretenait des relations extra-conjugales avec l’auteur du crime lequel ne sera pas passible de la peine de mort, ayant bénéficié du pardon de l’un des fils du défunt. La révélation de son exécution au début du mois de juillet par Human Rights Watch a suscité une indignation collective diabolisant ainsi davantage un pays déjà érigé comme agresseur potentiel pour son fameux programme nucléaire. Appartenant donc à l’axe du mal, il fait l’objet de multiples sanctions décidées par le Conseil de Sécurité de l’ONU.
Cette information qui a presque secoué de fond en comble la France entière laisse penser que la lapidation est un fléau sévissant dans l’indifférence générale de l’Iran des mollahs. Or cette sanction prononcée par des juges dans les zones rurales, définie comme "pratique arriérée" par l’ex-président Akbar Hashem Rafsandjani (1989-1997) est vivement critiquée dans le pays. Aussi le président réformateur Khatamy (1997-2005) s’est attelé à ce problème en vue de l’éradiquer. A la fin de l’année 2002, la magistrature avait émis des ordres provisoires pour que les juges sanctionnent l’adultère avec des peines différentes mais pour devenir loi définitive, la mesure requiert vote du parlement, approbation des organes de contrôle législatif, conseil des Gardiens, conseil d’arbitrage. Aussi le 27 mai 2003 le grand Ayatollah Naser Makarem Shirazi avait émis un édit religieux imposant aux juges de ne pas commander d’exécutions par lapidation, édit allant donc dans le sens de son élimination à terme. Elle connaîtra une légère résurgence avec l’actuel président et ses défenseurs prétendant que son application est rarissime du fait qu’elle nécessite la présence de quatre témoins hommes.
D’après les chiffres du Conseil National de la résistance iranienne vingt-cinq personnes dont dix-sept femmes ont été condamnées à la lapidation quand Mohamad Khatami a accédé à la présidence en 1997. En 2002, deux personnes dont un homme et une femme ont été lapidées. D’une manière générale, le nombre d’exécutions a depuis amorcé une baisse pour connaître une inversion de la tendance avec un pic au moment de la réélection du président iranien Ahmadinijad caractérisée par des manifestations virulentes des sympathisants du candidat malheureux Moussawi, soutenus par l’Occident et qui avaient très mal tourné.
 Face à cette agitation médiatique autour d’un verdict que les autorités iraniennes semblent avoir suspendu pour des raisons humanitaires, face à cette promptitude inhabituelle à la dénonciation des différentes formes de barbarie sévissant sur la planète, des questions s’imposent :
– l’objectif est-il vraiment de sauver cette créature ou d’exploiter encore une fois un fait horrible pour stigmatiser une religion car s’inscrivant dans le registre des préoccupations majeures du régime actuel (niqab, identité nationale, déchéance de la nationalité, polygamie, lapidation…)
– comment se fait-il que des actes inhumains commis par certains entraînant la mort tragique de population sous des bombes ne suscitent pas une telle indignation ?
– pourquoi cet élan de solidarité ne s’exerce-t-il pas par rapport aux personnes victimes de blocus, de personnes croupissant dans les couloirs de la mort en Amérique, en Chine, en Arabie Saoudite et ailleurs ?
  Cette indignation sélective orchestrée d’ une manière tapageuse comme s’il s’agissait d’une seule et unique note dicordante venue rompre la magistrale harmonie dans laquelle nous vivions aurait plutôt pour effet de diaboliser une religion, un pays porteur d’une grande civilisation. L’opération de sauvetage n’aurait-elle pas pu s’opérer en coulisses en toute efficacité plutôt que de prendre la tournure d’une ingérence provocatrice du bien contre le mal, d’un déguisement de mauvais augure ?