Ce n’est pas spécialement un roman de voyage à travers la Russie mais surtout un hommage aux soldats de la Révolution qui ont suivi l’aventure d’un seul homme, Napoléon Bonaparte. En fait, cette tentative a déjà été entreprise par un certain Jean-Claude Damamme, mais une tentative écrite. La tentative de Sylvain Tesson relève d’un véritable exploit physique. En effet, refaire le trajet de la retraite de la Grande Armée en side-car de fabrication soviétique dénommé « Oural » relève d’une véritable gageure. Surtout si on le fait en plein hiver. Car si la retraite napoléonienne de Moscou débute le 18 octobre (ce n’est pas encore l’hiver), S. Tesson part de Moscou en novembre pour ressentir toute la souffrance du grognard.

Notons au passage une certaine ressemblance d’approche historique des deux auteurs. Mais si le livre de Jean-Claude Damamme ressemble plus à un livre de propagande pro-napoléonienne, le récit de Tesson ne l’est point, même s’il reprend certaines thèses de Jean Tulard fort contestables. Ainsi, il fait du tsar Alexandre I l’unique responsable de la guerre, répète après l’historien que la Bérézina n’était pas une défaite mais une victoire de Napoléon, etc. Fort heureusement que l’auteur lui-même n’a aucune prétention à se faire passer pour un historien. Lors de son interview à ONPC, il le dit très clairement.

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Néanmoins, certaines remarques en ce qui concerne les événements de cette époque, tout compte fait pas si lointaine que cela, sont bien justes.


  1.  

 

S. Tesson relève également un engouement existant en Russie envers ce personnage hors du commun qu’est Napoléon Bonaparte. Il faut dire qu’en Russie cet engouement ne date pas d’hier. Chez tous les grands poètes et écrivains russes le thème napoléonien est bien présent. Déjà Pouchkine  (1799 – 1837) consacre à Napoléon plusieurs poèmes et dans son « Eugène Onéguine » fait la remarque suivante :

                             « Nous jouons tous aux Napoléons

                                Et regardons les millions

                               De bipèdes comme simples instruments »

 

Il n’est donc pas étonnant qu’en Russie on garde toujours à l’esprit cet enfant terrible de la Grande Révolution française, et S.Tesson nous montre qu’en Russie chacun a sa raison de glorifier Bonaparte.

Mais ce n’est pas le seul intérêt de ce livre. Il est sans doute beaucoup plus intéressant de relever des remarques pertinentes de l’auteur et ses traits de plume dignes de grands auteurs français. De ce point de vue, la lecture du bouquin devient un vrai régal.

Je ne reprendrai que 2 citations pour laisser le lecteur à découvrir tout le reste:

1. "En France, tout le monde s’en fout de Grognards. Ils sont tous occupés avec le calendrier maya. Ils parlent de la "fin du monde" sans voir que le monde est déjà mort." 

2. "Napoléon n’aurait jamais dû s’approcher de la splendeur de Moscou. Il s’y brûla les yeux. Il y a comme cela des beautés interdites. En stratégie comme en amour: se précautionner de ce qui brille."