Avec la véhémence trop souvent grandiloquente qui caractérise les discours politiques dans la préfecture du Territoire de Belfort, Christian Proust, ex-adjoint à l’urbanisme et homme fort du MRC chevènementiste local a stigmatisé le projet du maire de Montbéliard de créer un hypercentre commercial (zone des Gros-Pierrons, proche de Montbéliard). « Horreur », et même « machine à détruire », « monstre urbain », ou encore  « anachronisme » et gaspillage à terme. N’en jetez plus. Avec, donné en repoussoir, le fort réussi hypercentre commercial angevin, Atoll Angers… Indélicat.

Christian Proust, qui ambitionne d’aller partout en Europe évangéliser les villes moyennes pour vanter ses systèmes d’aménagements pour les transports en commun, ferait bien de pousser (à ses frais) jusqu’à, par exemple, la Roumanie, pour visiter les divers Julius Mall (dont celui de Timisoara), ou se rendre à Angers pour constater l’attrait d’Atoll Angers.

De l’extérieur, le Juilius Mall de Timisoara n’est pas une formidable réussite, mais il est implanté en plein tissu urbain, structure les abords de l’hypercentre et on s’y rend à pied depuis le cœur du centre historique.

Il n’a pas vraiment dévitalisé le commerce urbain de proximité ni créé d’animations vraiment concurrentes de celles drainant – surtout du printemps à l’automne – les habitants vers le centre-ville…

Mais admettons que l’exemple soit mal choisi. Effectivement, le projet de Jacques Hélias, maire PS de Montbéliard ayant succédé à Pierre Moscovici à la tête de la communauté d’agglomération Sochaux-Montébliard, évoque bien davantage Atoll Angers.

Cela tombe bien, j’y étais lors de la période des fêtes. Ouvert en juillet dernier, Atoll Angers a visiblement trouvé une clientèle.

L’ensemble est impressionnant, spectaculaire, plutôt bien conçu, et on peut comparer les modèles chez Boulanger et Darty…
Avant de commander souvent ailleurs via l’Internet. On y passe bien volontiers une demi-journée, ce qui n’empêche pas de savourer le soir l’ambiance des nombreuses rues piétonnes angevines.

J’admets avec Christian Proust qu’il peut s’agir d’un temple dédié à la divinité Consommation. Mais c’est effectivement très fonctionnel sans être « le monstre urbain, froid » qu’il dénonce. Ne pas y voir une réfutation partisane : question chauvinisme, de ma part, Bretagne d’abord, Belfort ensuite, et en troisième lieu, Angers, ville longuement fréquentée, Strasbourg, &c.

Or donc, Jacques Hélias envisage un hypercentre commercial excentré (forcément, si, à Timisoara, les friches industrielles étaient vastes et nombreuses en centre-ville, ce n’est pas le cas à Montbéliard) d’environ 25 000 m² de commerces qui ne seront pas forcément « nouveaux » : des enseignes belfortaines et montbéliardaises n’y migreront pas forcément, mais pourraient y essaimer, nuance.

J’admets aussi bien volontiers que nombre « de ces produits sans âme et sans histoire sont fragiles et éphémères », tout comme le fut en son temps la place parisienne du Palais-Royal, qui a bien résisté, tout comme d’autres répondent effectivement à cette description. Mais Atoll Angers ne manque pas d’âme. Il en a même davantage que l’ancien « Trou des Halles » parisien, à mon humble avis.

Cela se discute. J’y consens. « Ce type d’espace commercial va à rebours du progrès humain et écologique, » poursuit Christian Proust. Ce n’est pas tout à fait le cas d’Atoll Angers. En tout cas du point de vue des aménagements écologiques (enfin, le label éco-parc est peut-être galvaudé).

Le Pays de Franche-Comté a qualifié le projet des Gros-Pierrons de clône d’Atoll Angers. C’est un peu vite aller en besogne. Peut-être pour des raisons climatiques, le projet sera plus ramassé. Mais il sera desservi par une ligne de transport « en site propre » (voies de circulation séparées). C’est là peut-être que Christian Proust réagit davantage en concurrent qu’en partenaire de l’aire urbaine Belfort-Montébliard-Héricourt (dite SMU).

Notons que Les-Pont-de-Cé (à « l’opposé » d’Atoll Angers-Beaucouzé, pour résumer plus que situer précisément) ont aussi un projet de centre à la fois commercial et de sports et loisirs : village Oxylane et Arena.

Le fait est que les villes perdent des habitants : Belfort risque de descendre en-dessous des 50 000. Du fait du prix de l’immobilier, des difficultés de stationnement (les transports en commun améliorent les choses mais ne dispensent pas vraiment, en province, d’avoir un véhicule), et de divers facteurs, les périphéries voient leurs populations croître. Sans que les commerces de proximité puissent vraiment suivre.

Mais dans le contexte actuel belfortain (C. Proust et le maire PS vont sans doute se disputer la mairie aux prochaines municipales), l’argumentation est un peu courte : s’agit-il vraiment de bloquer le projet montbéliardais ou faire parler de soi, en passant pour le défenseur du petit commerce local ?

Du coup, Jacques Hélias réplique : « Montbéliard ne doit pas être à la remorque de Belfort ». Et il se targue d’attirer ainsi « les Suisses et les Allemands » (bon, c’est moins cher en France ? pas sûr). Il conclut : « Montbéliard montre les dents, cela fait tousser Belfort ».

Tiens, au fait, puisque Montbéliard et Belfort sont réunies par une autoroute, pourquoi ne pas les réunir en une seule commune, comme Charleville-Mézières ? Elles sont distantes d’une quinzaine de kilomètres. N’oublions pas non plus que le Territoire resta longtemps attaché au département du Haut-Rhin et que l’Alsace s’oriente vers un conseil unique rassemblant ses deux départements.

Ce qui divise bien sûr, dans pratiquement tous les partis. Mais sait-on jamais ? L’exemple alsacien pourrait donner des idées… notamment aux contribuables. Que les querelles de personnes finissent par lasser.